Céline est HR Transformation Director chez Adisseo. Pour elle, toute transformation doit être accompagnée pour faire bouger les lignes, anticiper les nouvelles compétences nécessaires et souder les équipes autour d’objectifs communs.
HR Efficiency Director (HRIS, Digital RH, C&B, MI et HR Controlling) et Global HRBP Sustainability & HSE au sein d’Adisseo, Céline Le Montagner a mené plusieurs chantiers de transformation RH au sein de la filiale du groupe international BlueStar, spécialiste de la nutrition animale. Ses salariés sont répartis dans 35 pays.
Céline Le Montagner a notamment mis en place une plateforme transverse qui permet de piloter efficacement les processus globaux RH et ainsi l’ensemble des employés. Elle souligne l’importance de définir dès le départ une stratégie claire de “Change Management” pour embarquer la communauté RH dans cette transformation, mais également les managers qui sont au plus proche du terrain. Pour elle, toute transformation doit être comprise et accompagnée pour permettre de faire bouger les lignes et souder les équipes autour d’objectifs communs. La formation est également indispensable pour développer les nouvelles compétences nécessaires à cette transformation.
Au programme :
“Nous devons être dans l’anticipation des compétences nécessaires pour demain et réfléchir à leur impact sur les organisations, mais surtout sur les Hommes”
“Il ne faut pas sous-estimer le stress que les transformations à venir peuvent engendrer pour nos collaborateurs.”
“Les véritables leaders sont ceux qui cherchent à développer leurs collaborateurs avec une posture de leadership et d’empathie.”
Céline Le Montagner : J’ai commencé mon parcours professionnel en Ressources Humaines dans des univers et tailles d’entreprises très différents (JCDecaux, Nexter, Groupe Casino). Pendant plusieurs années, j’ai exercé des responsabilités majoritairement en corporate. J’ai été réellement passionnée par ces expériences et les projets complexes et exigeants que j’ai dû mener au niveau Groupe.
Je suis arrivée chez Adisseo (historiquement Rhône-Poulenc) en 2019, au sein de cette ETI qui avait de réelles ambitions de croissance rapide à l'international et une volonté de rationaliser au maximum son organisation et ses processus. J’ai très rapidement mis en place mon organisation “Efficience RH” au sein de la DRH Groupe qui regroupe une bonne partie des expertises RH (HRIS, Digital RH, C&B, MI et HR Controlling) afin que celles-ci puissent répondre rapidement au besoin de transformation que nous devions mener. En parallèle, j’ai mis en place des politiques RH et challengé, via des appels d’offres, la majorité de nos partenaires. L’objectif était de rationaliser, simplifier et réduire nos coûts tout en améliorant la qualité de nos services RH. Plus de 15 appels d’offres (protection social, assurances de personne et automobiles, épargne salariales, prestataires divers, SIRH…) ont été menés les 18 premiers mois ; et tous nous ont permis une amélioration de nos services et des réductions de coûts non négligeables.
Depuis 2023, nous avons finalisé une bonne partie de nos projets RH Au delà de cette réussite en termes d’efficience (50% de temps gagné en moyenne sur nos processus globaux), de fiabilisation de la donnée monde et d’une gestion globale de nos talents, nous avons réussi à construire une communauté RH internationale au sein d’Adisseo qui prend plaisir à travailler ensemble et à partager.
Depuis quelques mois, en parallèle de mon rôle de “HR Efficiency”, j’occupe également une fonction de DRH pour la Direction Stratégie, Sustainability & Development and HSE (sécurité). Cette nouvelle casquette me permet d’être beaucoup plus proche du terrain et au cœur des contraintes business.
C.L.M : J’ai piloté la mise en place d’une solution RH monde; un projet majeur de transformation au sein d’Adisseo dont les principaux enjeux étaient :
Accompagner la croissance du groupe à l’international
Soutenir le business au travers de la rationalisation et l’harmonisation de nos processus RH
Centraliser et fiabiliser la donnée RH
Quand je suis arrivée chez Adisseo, nous n’avions pas réellement les moyens ni les processus pour faire du pilotage RH sur l’ensemble de notre territoire d’activité. Il a fallu tout créer, structurer pour digitaliser avec une communauté internationale qui n’avait pas l’habitude de communiquer et travailler ensemble. Pour réussir ce projet, il était primordial de travailler avec l’ensemble de ces acteurs RH et managers, car celui-ci allait impacter réellement nos clients internes dans leur quotidien. Dans un projet de cette envergure (8 processus monde implémentés), il nous faut penser dès le départ à notre stratégie de déploiement et de change management, être clair sur les objectifs et la finalité du projet, embarquer les bonnes compétences au sein d’une gouvernance bien ficelée et surtout être capable d’expliquer pourquoi cette transformation est importante pour l’organisation.
C.L.M : Oui ! Les quelques professionnels qui ont pu m’inspirer, et qui peuvent encore m'inspirer, sont généralement des personnes brillantes qui ont su faire bouger les lignes avec courage et pragmatisme, qui ont su prendre des décisions pour le bien de l’organisation, avec intégrité et un sens du juste. J’aime les dirigeants qui apportent une vision prospective à l’organisation et qui sont demandeurs de transformation et de remise en question. Cela permet d'être systématiquement dans l’amélioration continue. Ces personnes qui sont également capables de faire un pas de côté, de façon disruptive, pour trouver de nouvelles innovations ou axes de développement. Je suis, d’ailleurs, convaincue que dans un futur proche nos organisations devront être de plus en plus agiles et résilientes pour faire face à des contextes et environnements de plus en plus incertains et changeants. Ces personnes inspirantes m’ont aidée et m’aident encore aujourd’hui à prendre de la hauteur, à développer de nouvelles compétences même en dehors de mon domaine RH et à avoir justement cette approche visionnaire.
Cette posture est nécessaire pour anticiper les transformations majeures à venir. Notamment au travers des enjeux sur l’IA générative au sein de nos organisations, et des ambitions de développement durable et décarbonisation de nos industries. D’ailleurs, la question de la gestion et du développement des compétences de nos salariés se pose réellement pour mener à bien ces évolutions à moyen termes. Quelles seront nos compétences clés de demain et comment accompagner au mieux nos employés dans la transformation de leurs savoir ?
C.L.M : Nos métiers, nos compétences, vont évoluer comme ils ont toujours évolué. Si vous prenez l’exemple d’internet, nous constatons que nos modes de vie et de travail ont drastiquement évolué en quelques décennies : avec l’accélération dans le traitement de l’information, l’interaction dans les échanges, mais également la création de nouveaux emplois au détriment d’autres qui n’avaient alors plus leur utilité.
Nous allons être inévitablement impactés par les nouveaux enjeux autour de l’IA notamment, du metaverse, du changement climatique et de la transformation des organisations pour réduire leur impact carbone. En tant qu’acteurs RH, nous devons être dans l’anticipation des compétences nécessaires pour demain et réfléchir à leur impact sur les organisations, mais surtout sur les Hommes. L’IA générative par exemple, va nous permettre de faire des gains de productivité et de rationaliser des tâches à faible valeur ajoutée, permettant ainsi de nous concentrer sur plus de création de valeur. L’Homme va devoir s’adapter et faire preuve d’agilité pour suivre ces évolutions rapides.
Nous devons prendre réellement conscience de ces changements qui arrivent très vite, et nous adapter à la digitalisation progressive de nos processus, aux verdissements de nos métiers, à l’IA générative comme substitution d’actions humaines.
C.L.M : Je pense qu’il ne faut pas sous-estimer le stress qu’elles peuvent engendrer pour nos salariés.
L’IA générative pose par exemple la question de la pérennité de certains métiers ou de certaines compétences; et cela peut s’avérer anxiogène pour des collaborateurs qui sont pour le moment peu ouverts à l’évolution de leur métier. Nous devons, toutes et tous, nous adapter et apprendre à développer de nouvelles compétences et faire évoluer nos métiers avec ces nouveaux enjeux !
Nous voyons déjà ces changements à l’œuvre lorsque nous travaillons sur les grilles de compétences de nos salariés. Durant ces 20 dernières années, les fiches de postes restaient relativement figées. Aujourd’hui, elles bougent tout le temps. De nouveaux outils et des technologies apparaissent en permanence. Il faut tenir le rythme.
C.L.M : Oui, chez Adisseo la formation de nos salariés est clé pour développer les compétences nécessaires à notre business. Nous avons d’ailleurs investi depuis l’année dernière dans une solution de digital learning pour l’ensemble de nos salariés. Plus de 80% des besoins en formation concernent le développement de compétences internes spécifiques à notre business. L'investissement dans cette solution de collaborative learning a ainsi pour objectif ultime que nos salariés “experts” soient en mesure de former d’autres salariés sur le cœur du business. En parallèle de ce déploiement, nous avons créé des communautés de “content designer” volontaires et motivés à développer des formations “home-made”. Ce qui est formidable aujourd’hui, c’est que la majorité de ces créateurs de contenus font partie intégrante des métiers indispensables à notre business (Sales, Marketing, R&D….). Par ce biais, ils transmettent ainsi leurs savoirs aux salariés qui en ont besoin pour se développer.
La formation est primordiale pour développer de nouvelles compétences. Mais il n’y a pas que ça. Je suis persuadée que les collaborateurs doivent aussi pouvoir expérimenter par eux-mêmes, s’ouvrir à d’autres domaines, travailler sur des projets divers… C’est en sortant de sa zone de confort que l’on se développe le plus.
C.L.M : On observe une tendance globale à l’absentéisme, pas seulement chez Adisseo. Il s’agit, selon moi, d’une véritable tendance de fond. C’est également un bon indicateur de santé au sein de l’entreprise.
Il y a peut-être une fatigue dans les organisations, en raison d’exigences de plus en plus grandes et de l’hyperconnexion induite par le télétravail.
Le télétravail est certes un réel avantage mais l’équilibre est parfois difficile à trouver pour les collaborateurs. On peut avoir tendance à prendre moins de pauses, à enchaîner les réunions sans s’en rendre compte… Il peut aussi mettre à mal le lien social qui est pourtant un aspect essentiel du travail.
En termes d’organisation pro - perso, le travail à distance est très aidant. Je suis la première à le dire ! Mais, il faut mettre des limites et maintenir le lien social avec ses collègues et son environnement de travail. Je suis convaincue que la solution hybride est la plus efficace car elle permet le travail de fonds avec le télétravail et tous les avantages du présentiel (travail d’équipe, créativité, échanges informels, réseau d’entreprise…).
C.L.M : Des travaux ont déjà été menés sur la culture, les valeurs et les comportements au sein d’Adisseo. Ceux-ci ont d’ailleurs été formalisés dans nos documents internes qui listent ces valeurs et comportements que nous devons suivre et respecter en tant que collaborateurs.
Nos valeurs sont un ancrage de ce que nous sommes, il s’agit réellement de l’ADN d’Adisseo, ce qui nous permet d’avancer ensemble dans un sens commun.
D’ailleurs, tous les ans, nous abordons ces comportements lors d’entretiens de performance et de développement. Ces comportements sont mesurés par le salarié et le manager à l’aide d’une échelle de niveau (entre 1 à 4); cette mesure permet ensuite, à l’un comme l’autre d’avoir une discussion pour aborder les aspects positifs et les axes de progrès lors de l’entretien.
C.L.M : Nos valeurs représentent un véritable ancrage et notre raison d’être. La DRH Groupe les présente à tout nouvel arrivant. Passée cette première étape d’intégration, Adisseo organise régulièrement des réunions qui rassemblent l’ensemble des managers répartis dans le monde entier, afin de favoriser le partage d’information et la communication entre collaborateurs.
Pour ce qui est des équipes RH monde, nous avons beaucoup d’intéractions entre nous grâce à des projets transversaux et des rendez-vous réguliers mensuels pour échanger sur nos sujets mutuels. Ces points réguliers et les projets communs permettent de diffuser la même information à tous nos collaborateurs et de créer de véritables communautés internationales, avec une culture commune diffusée de façon globale.
Si l’on souhaite vraiment créer de la connexion entre les salariés dispatchés dans de nombreux pays, nous devons faire en sorte de créer un sentiment d’appartenance à une ou des communautés d’échange (Leaders councils, Sales, RH, Finance, SD, HSE, Industrielle,R&I ….). C’est primordial pour les embarquer sur des sujets globaux et qu’ils se sentent ensuite légitimes à les défendre sur le terrain. Ayant des populations très internationales (US, Chine, Europe,...), il est important que chacun fasse preuve d’ouverture et de compréhension de l’autre. Les gaps interculturels sont tellement importants parfois que le feedback est d’autant plus nécessaire pour s’assurer que l’information est bien comprise et intégrée par chacun. L’interculturalité amène indéniablement de la complexité dans les échanges.
C.L.M : Tout à fait. Nos managers sont de véritables relais d’informations et des ambassadeurs précieux.
Pa exemple, nous avons mis à contribution la communauté des managers (via leur local RH) dans nos projets de transformation RH et notamment lors du déploiement de notre nouvelle plateforme digitale RH. Il était crucial de les embarquer dès le départ sur notre projet, via la communauté RH, pour qu’ils se sentent concernés par cette transformation et ainsi nous assurer que celle-ci répondrait au mieux à leurs besoins et problématiques business. Les managers, via leur local RH, sont essentiels pour relayer les messages clés à leurs équipes et nous remonter les feedbacks terrains. Ce sont nos ambassadeurs pour accompagner le changement.
Pour qu’un projet de transformation réussisse auprès de l’ensemble des équipes, je pense qu’il est primordial que le management (ou le leader) use de deux compétences clés : du leadership et de l’empathie. La délivrabilité des projets ne doit pas aller sans un véritable intérêt porté aux collaborateurs. Les véritables leaders sont ceux qui cherchent à développer leurs collaborateurs avec cette posture.