BaromĂštre Alan x Harris Interactive - Ă©dition 3
Evolution du bien-ĂȘtre mental au travail et dĂ©cryptage des aspirations des salariĂ©s et managers par secteur
Comet a traversĂ© sa plus grosse crise de management il y a un peu plus dâun an. Son CEO, Charles Thomas, nous raconte et nous partage les leçons quâil en a tirĂ©es.
Comet, câest une jeune entreprise française qui a 3 ans. LancĂ©e fin 2016, elle met en relation des entreprises avec des freelances de la tech et de la data. Sur ses trois annĂ©es dâexistence elle a trĂšs bien fonctionnĂ©, mais au cours de lâĂ©tĂ© 2018, elle sâest heurtĂ©e Ă une crise, directement aprĂšs sa levĂ©e de fonds de 11 millions dâeuros. Aujourdâhui, elle est repartie sur sa lancĂ©e, plus forte, et revient sur ces quelques mois difficiles.
DâaprĂšs Charles Thomas, son CEO, la crise est directement liĂ©e au fait que cette croissance soudaine sâest faite dans un cadre qui ne permettait pas de la contenir. Il nous explique que ce qui a posĂ© problĂšme, câest quâau moment oĂč lâentreprise est passĂ©e dâune dizaine Ă une cinquantaine de collaborateurs, ceux qui sont arrivĂ©s les premiers sont devenus les managers. Câest un choix qui pourrait sembler intuitif, mais ce serait oublier, dâune part, que le management est un mĂ©tier Ă part entiĂšre avec son lot de compĂ©tences que tout le monde nâa pas, et dâautre part que tout le monde ne veut pas forcĂ©ment devenir manager.
Lâentreprise sâest alors dispersĂ©e et a tentĂ© de travailler sur beaucoup trop de projets Ă la fois. Lâimpact de chaque collaborateur sur lâentreprise Ă©tait devenu infime, ce qui a jouĂ© sur la motivation de chacun, et les rĂ©sultats sâen sont ressentis. Comet a alors chutĂ© dâune croissance mensuelle oscillant entre 40 et 50% Ă un plat avoisinant les 4%. Ses dirigeants ne sâen sont pas rendu compte tout de suite, mettant le ralentissement sur le compte du calme estival : ce nâest quâĂ la rentrĂ©e, lorsque la reprise attendue nâa pas eue lieu, quâils ont compris quâil y avait un problĂšme.
Pour rectifier le tir, il a fallu se sĂ©parer de quelques personnes â un Ă©vĂ©nement qui ne se fait pas de gaĂźtĂ© de coeur et qui peut ĂȘtre une catastrophe supplĂ©mentaire pour peu quâil soit mal gĂ©rĂ©.
DâaprĂšs Charles Thomas, il nâest lui-mĂȘme pas un bon manager parce quâil a une tendance Ă la « bienveillance dangereuse » : il fait passer lâhumain avant lâentreprise. Si câest trĂšs sain dans la plupart des relations, il estime que ça peut ĂȘtre tout aussi malsain quâun manager froid et aseptisĂ© dans une relation professionnelle, puisque ça nâaide pas Ă regarder les problĂšmes en face. ConcrĂštement, garder quelquâun qui nâest pas Ă la hauteur sous prĂ©texte quâon lâaime bien ne rend service Ă personne.
La premiĂšre Ă©tape dĂ©cisive a donc Ă©tĂ© de recruter une Ă©quipe de management : lâarrivĂ©e dâun directeur gĂ©nĂ©ral, dâune directrice financiĂšre, dâun directeur produit et dâun directeur des ressources humaines a permis aux fondateurs de prendre du recul et de gagner en luciditĂ© sur lâĂ©tat de lâentreprise, de ses forces et de ses faiblesses. Ils arrivent dĂ©but 2019 et au printemps, ils commencent Ă envisager de redimensionner lâĂ©quipe.
Il y a alors deux types de profils dont Comet doit se séparer :
certaines personnes Ă©taient parfaites pour les 18 premiers mois de la start-up, oĂč tout va trĂšs vite et oĂč il faut ĂȘtre gĂ©nĂ©raliste, mais peinent Ă sâadapter Ă la croissance de lâentreprise, oĂč il faut, au contraire, se spĂ©cialiser et changer dâĂ©tat dâesprit.
dâautres nâont pas ce problĂšme individuel, mais la croissance soudaine a donnĂ© des Ă©quipes qui travaillaient sur des projets redondants et ce nâest quâavec le recul que lâon sâen rend compte. Les personnes qui constituent ces Ă©quipes sont au niveau, mais on sait que leur Ă©quipe nâaura plus lieu dâĂȘtre Ă court terme, et il faut prendre les devants.
Pour Charles Thomas, le gros problĂšme qui a dĂ©coulĂ© de son excĂšs de bienveillance, câest quâil a toujours cherchĂ© Ă trop couver ses Ă©quipes et Ă les protĂ©ger dâune rĂ©alitĂ©Â : une start-up est une sociĂ©tĂ© perpĂ©tuellement en crise. Dans la plupart des cas, elle nâest pas encore rentable et repose sur des levĂ©es de fonds pour tenir. En leur rĂ©pĂ©tant quâils Ă©taient tranquilles, il leur a donnĂ© une fausse image de la situation dans laquelle ils Ă©taient - donc quand il a fallu se sĂ©parer de quelques personnes lors de cette crise, le retour de bĂąton a Ă©tĂ© dâautant plus douloureux.
Depuis, Comet se montre trĂšs clair sur ce paradigme de la start-up dĂšs le recrutement : si lâobjectif commun est de produire des rĂ©sultats qui vont permettre Ă chacun dâĂȘtre en sĂ©curitĂ©, un CDI en start-up reste moins stable quâun CDI dans un grand groupe.
Annoncer quâune quinzaine de personnes vont quitter lâentreprise, ça se prĂ©pare. Ăa a peut-ĂȘtre lâair Ă©vident avec du recul, mais ça nâĂ©tait pas le premier instinct de Charles Thomas, puisquâil avait Ă coeur dâarracher le pansement au plus vite plutĂŽt que de laisser traĂźner les choses. Mais aprĂšs en avoir parlĂ© avec le DRH de Comet, il se rend compte de lâimportance dâen parler dâabord aux managers, plus seniors mais surtout plus proches des Ă©quipes. Ce faisant, il sait quâil peut compter sur ce noyau de personnes pour rĂ©pondre aux questions de maniĂšre honnĂȘte et informĂ©e.
Vient ensuite lâannonce elle-mĂȘme. Charles Thomas retient trois Ă©lĂ©ments importants pour sây prĂ©parer :
garder en tĂȘte que tout le monde nâa pas le mĂȘme contexte. Ces dĂ©parts sont motivĂ©s par des soucis Ă lâĂ©chelle de lâentreprise et si lui passe toute sa semaine Ă prendre du recul sur lâentreprise, ça nâest Ă©videmment pas le cas de chacun. Il est donc trĂšs important de donner tous les Ă©lĂ©ments Ă prendre en compte et les prĂ©senter de maniĂšre digeste.
ne pas ĂȘtre chargĂ© dâĂ©motion au moment de lâannonce. Le rĂŽle de CEO est de reprĂ©senter lâentreprise, de se montrer dĂ©terminĂ© pour que le reste de lâĂ©quipe puisse garder confiance en lui. Pour quelquâun dâĂ©motionnel comme Charles Thomas, il a fallu prendre quelques jours pour se prĂ©parer et ne pas ĂȘtre submergĂ© le moment venu.
choisir le bon contexte pour en parler aux intĂ©ressĂ©s. Il va de soi quâils sont les premiers au courant. Dans le cas de Charles Thomas, en parler avec eux en-dehors de lâentreprise apparaissait comme une Ă©vidence, puisque certains Ă©taient lĂ depuis les dĂ©buts de Comet et quâils avaient tissĂ© des liens forts. Mais mĂȘme avec le recul, câest un choix qui a permis de mieux gĂ©rer la transition et dâaider les personnes Ă retrouver un poste ou Ă se lancer Ă leur compte. Ainsi, jusque dans leur dĂ©part, ces personnes ont compris et soutenu la culture de lâentreprise.
Une fois lâannonce faite, en fin de journĂ©e, lâĂ©quipe a posĂ© quelques questions, puis a Ă©tĂ© invitĂ©e Ă rentrer chez elle plutĂŽt que de se remettre au travail, pour que les nouvelles aient le temps de dĂ©canter.
Ces dĂ©cisions difficiles passĂ©es, lâentreprise est repartie sur les rails de sa croissance et a quasiment quadruplĂ© ses revenus depuis janvier 2019. Pour Charles Thomas, il nây a pas de doute : Comet sera le numĂ©ro 1 de son marchĂ© en France dans les trois annĂ©es Ă venir, et en Europe dans cinq. Et câest sans doute le meilleur cadeau quâil puisse faire Ă son Ă©quipe : dâaprĂšs leur outil de feedback interne (15Five), le moral nâa jamais Ă©tĂ© aussi haut quâen 2019. Aujourdâhui, il estime que lâentreprise a un bon Ă©quilibre entre bienveillance et performance.
En revenant sur ce quâil est tentĂ© de voir comme la « meilleure crise » quâils aient vĂ©cu, Charles Thomas garde trois leçons principales.
Comme dit plus haut, lâexcĂšs de bienveillance est un travers tout aussi pernicieux que son absence totale. Câest un Ă©quilibre assez fin Ă trouver et le livre Radical Candor de Kim Scott, est un bon outil de rĂ©flexion pour ne pas tomber dans une forme dâempathie qui serait malsaine.
Câest liĂ© Ă la leçon prĂ©cĂ©dente, mais il est important de se souvenir quâune entreprise nâest pas une famille, contrairement Ă ce que veulent certaines images de start-ups. La proximitĂ© et la confiance sont importantes mais il ne faut pas tomber dans la complaisance : aujourdâhui, Charles Thomas sâattache Ă lâimage de copains qui ont des ambitions un peu folles et peuvent se tirer vers le haut ensemble, un peu comme des athlĂštes de haut niveau.
Le babyfoot et les biscuits sont des bonus, mais ça nâest pas avec ça quâon rend des Ă©quipes heureuses. Les rĂ©sultats et le sentiment dâapporter sa pierre Ă un Ă©difice fort restent de bien meilleurs cadeaux Ă faire Ă ses Ă©quipes.
Si le sujet vous intĂ©resse, la conversation entiĂšre vous plaira forcĂ©ment. Ăcoutez-la sur vos plateformes de podcast habituelles, ou directement dans le player en haut de l'article. :)