Baromètre Alan x Harris Interactive - édition 3
Evolution du bien-être mental au travail et décryptage des aspirations des salariés et managers par secteur
Manager "3D", culture de proximité, gestes simples, enquête terrain... Et si le bien-être mental en entreprise commençait par du bon sens ? Entretien avec Pierre-Marie Argouarc’h, Directeur Expérience Collaborateur et Transformation à la FDJ.
Pour 81 % des Français, le bien-être au travail est un enjeu prioritaire. Cette dimension paraît d’autant plus cruciale à l’heure où beaucoup d’entreprises peinent à recruter, à tel point que certains économistes s’inquiètent, et pensent qu’un phénomène américain comme le “Big Quit” (démission de masse) pourrait arriver chez nous. Certaines entreprises n’ont pas attendu pour prendre au sérieux la question du bien-être au travail et pour expérimenter des dispositifs concrets et efficaces. C’est le cas du groupe FDJ (La Française des Jeux), chez qui nous avons rencontré Pierre-Marie Argouarc’h, Directeur Expérience Collaborateur et Transformation.
Alan : Le sujet du bien-être mental, puis la crise de la COVID, a été sur le devant de la scène ces 4 dernières années. Comment procède-t-on, concrètement, dans une entreprise de 2500 salariés, pour faire face à ces défis ?
Pierre-Marie Argouarc’h, Directeur Expérience Collaborateur et Transformation: Chez FDJ, toute l’expérience du collaborateur est organisée sous une même responsabilité. Une seule équipe regroupe la RH traditionnelle — même si je n’aime pas ce terme, car je ne gère pas des ressources, mais des talents, des potentiels : la conduite du changement et la transformation, mais également l’environnement physique et numérique de travail. Nous gérons ainsi tout le parcours collaborateurs, de l’entrée dans l’entreprise jusqu’au moment où ils quittent la FDJ.
Alan : Dans un article récent, vous décomposez le rôle du manager dans un triptyque : performance, leader, et coach. Quelle importance a ce modèle, et comment le diffusez-vous dans l’entreprise ?
P-M. A. : Nous promouvons un management de proximité. Pour cela, les managers doivent avoir des compétences humaines et transversales. J’aime dire que nous formons des managers 3D : une dimension de leader, car parfois, il faut savoir décider ; une dimension de coach, ne pas contrôler l’autre, mais déterminer, avec lui, le meilleur chemin pour atteindre l’objectif ; et une dimension de performance, pour motiver et tirer le meilleur des équipes. Selon nous, pour garder cette “culture de la proximité”, il faut maintenir des gestes simples : prendre des nouvelles de ses collaborateurs (collectivement et individuellement), organiser des réunions, des rituels conviviaux et réguliers (petits-déjeuners à distance, un verre le soir…).
Si un collaborateur ne va pas bien, nous voulons qu’il ait une palette d’accompagnements possibles devant lui
Alan : En plus des managers “3D”, sur quels dispositifs et outils vous appuyez-vous pour garantir et suivre le bien-être mental de vos collaborateurs ?
P-M. A. : Nous faisons en sorte que l’engagement et la motivation du collaborateur soit au plus haut pour absorber les crises, que ce soit pour la COVID, ou pour celles qui suivront. Donc, si un collaborateur ne va pas bien, nous voulons qu’il ait une palette d’accompagnements possibles devant lui : les représentants du personnel, son manager, les RH… En plus de ces ressources, depuis plusieurs années, nous avons mis en place trois types d’assistance à distance. Une assistance psychologique, très précieuse pendant la crise sanitaire. Une assistance médicale, qui permet aux collaborateurs de consulter un médecin, en visio, quand ils le souhaitent. Et enfin, une assistance sociale, que le collaborateur peut appeler pour n’importe quel problème relevant de sa vie privée : trouver une solution pour un parent âgé, une succession compliquée, des difficultés concernant ses enfants à l’école…
Alan : Pourquoi miser à ce point sur l’accompagnement et le bien-être mental des salariés ?
P-M. A. : C’est une question de solidarité et d’humanité, mais avant tout c’est une question de bon sens. Si un collaborateur peine à trouver un EHPAD pour sa mère malade, je sais qu’il ne pourra pas penser à autre chose et qu’il ne sera pas concentré en réunion ; il cherchera sur Internet pendant les heures de travail, et c’est compréhensible. Du coup, si la FDJ lui propose une assistance sociale téléphonique, disponible 7j/7 pour lui et sa famille, c’est un soulagement sur ce pan de sa vie privée. Ça va alléger sa charge mentale. Il sera plus disponible et présent pour le travail et même reconnaissant de l’aide apportée par son entreprise. Donc bien sûr, ce service nous coûte de l’argent, mais ce n’est pas une charge, c’est un investissement.
Alan : Côté vision, tout semble être en place ; comment avez-vous ensuite emporté l’adhésion et la participation active des autres acteurs, syndicats, salariés, managers, actionnaires… ?
P-M. A. : Du côté des salariés, l’engagement est fort. La preuve : 91 % d’entre eux sont actionnaires. Ils comprennent le projet de l’entreprise et y adhèrent. Du côté des syndicats, les rapports sont également très bons. Par exemple, pendant la crise sanitaire, la FDJ se demandait comment seraient les résultats en fin d’année. Alors, à l’unanimité, nous avons négocié un accord de dons de jours de congés payés. Ainsi, nos collaborateurs ont donné 400 000 euros, sous forme de congés, pour réduire les charges de l’entreprise, et près de 400 000 euros pour aider le personnel soignant de Paris et la Croix-Rouge. Ce n’est pas un hasard. La communication interne joue un rôle très important. Pendant la crise sanitaire, comme il fallait entretenir le lien social, nous avons lancé deux newsletters par semaine (une pour les collaborateurs, une pour les managers), avec des actualités, des liens vers des conférences, des formations à distance, des opérations solidaires… Malgré le confinement, nous avons su entretenir et renforcer nos liens.
Ainsi, nos collaborateurs ont donné 400 000 euros, sous forme de congés, pour réduire les charges de l’entreprise, et près de 400 000 euros pour aider le personnel soignant de Paris et la Croix-Rouge. Ce n’est pas un hasard.
Alan : Comment est-ce que vous mesurez le succès de votre approche ? Est-ce que vous suivez des indicateurs en particulier ?
P-M. A. : Pour savoir ce que pensent objectivement les salariés, nous travaillons avec Harris Interactive, qui mène des enquêtes indépendantes auprès des équipes. Nous obtenons d’excellents résultats. Par exemple, 87 % des collaborateurs sont satisfaits de leur équilibre vie privée / vie professionnelle. Encore mieux, 96 % considèrent qu’ils ont été bien accompagnés pendant la crise sanitaire ! Enfin, le taux d’engagement (fierté d’appartenance, adhésion à la stratégie…) est supérieur à 91 %. C’est bien au-dessus de ce que l’on observe dans les autres entreprises de taille comparable. Je suis très fier de ces résultats. L’argent que nous investissons dans l’accompagnement, dans la formation et dans le management, contribue efficacement à la performance durable de la FDJ.