Baromètre Alan x Harris Interactive - édition 3
Evolution du bien-être mental au travail et décryptage des aspirations des salariés et managers par secteur
Comment vit on le bien-être mental dans un hypermarché ? Nous avons rencontré Thomas Pocher, Directeur Général du centre E. Leclerc de Templeuve, pour le savoir
Le secteur de la grande distribution est particulièrement concerné par les sujets liés à la qualité de vie au travail. Thomas Pocher, Directeur Général du centre E. Leclerc de Templeuve, nous apporte son éclairage à ce sujet.
Thomas Pocher, Directeur Général du centre E. Leclerc de Templeuve : D’un point de vue organisationnel, E.Leclerc fonctionne comme un mouvement coopératif, structuré autour de magasins indépendants. Le propriétaire de chaque entité du groupe est « adhérent » à l’organisation. Bien que des représentants soient élus dans chaque région pour assurer la prise de décision au niveau national, notamment sur le plan de la négociation commerciale et de la logistique, les décisions RH et culture d’entreprise sont prises à l’échelle de l’adhérent !
T.P. : Oui ! Cela concerne l’organisation des équipes, les formations au management, le choix de la mutuelle, etc. Même si le national peut intervenir sur la dimension recrutement et formation, en ce qui concerne la qualité de vie au travail, nous échangeons et partageons les bonnes pratiques entre adhérents, de manière informelle. Par exemple, dans l'enseigne, un de nos engagements forts est la participation des salariés aux résultats de l'entreprise. Localement, j'ai à cœur de proposer une ambiance de travail conviviale, chacun peut apporter sa touche.
Dans ce métier, le contact avec le client est central : il est primordial d’anticiper les situations à risque
T.P. : Dans ce métier, le contact avec le client est central : il est primordial d’anticiper les situations à risque, et cet aspect a été intégré à nos pratiques RH au fil des années. Au départ, on n’avait pas une approche proactive, et on ne réagissait qu’après les incidents en magasins. Peu à peu, nous avons pris conscience de la souffrance psychologique de certains collaborateurs.
T.P. : Non, car nous avons une autre approche, qui est de former et d’accompagner les managers. Des salariés peuvent vivre des situations difficiles à titre personnel, il faut savoir les détecter et les aider dans ce sens. Pour ce faire, la direction et les managers doivent être au contact des équipes au quotidien, discuter avec eux et leur faire comprendre les causes profondes de leur mal-être – qui peuvent être extérieures à l’entreprise.
De manière générale, en réalisant des enquêtes QVT et RSE, on se rend compte que les problèmes qui peuvent impacter les salariés (en magasin comme en entrepôt ou dans les bureaux) sont rarement d’ordre matériel, mais plutôt d’ordre relationnel ou liés au management. On met donc beaucoup l’accent sur la formation au management et on apporte aux équipes les outils et éléments nécessaires pour prévenir les éventuels conflits en interne.
« Une de nos priorités aujourd’hui est de former et d’accompagner les managers. Des salariés peuvent vivre des situations difficiles à titre personnel, il importe de savoir les détecter et de les aider dans ce sens ».
T.P. : On retrouve dans nos magasins des équipes relativement grandes, pour un nombre assez réduit de managers – environ 30 cadres pour 500 salariés. Quand on gère un rayon qui est ouvert 72 heures par semaine, la charge peut vite devenir lourde. Nous faisons en sorte que le management soit adapté à ces amplitudes horaires et à la charge de travail des collaborateurs, d'où l'importance d’être un maximum sur le terrain en tant que dirigeant. Cela revient par exemple à nous entretenir régulièrement avec nos managers, leur relever les problèmes qu’ils n’ont pas pu identifier et les aider à les résoudre, ou à leur faire comprendre les problèmes qu’ils n’ont pas su détecter. On essaie de faire le plus de feedbacks possibles, sur les bonnes et les mauvaises pratiques, leur faire identifier les opportunités et les risques dans chaque situation.
T.P. : Le sujet est vaste mais pour moi cela commence par un « contrat moral ». On essaye quelque part d’appliquer le concept de “symétrie des attentions” : si on s’occupe bien de nos salariés, ils s’occuperont bien de nous. Cela passe par le côté financier (les salariés touchent chaque année une somme supplémentaire en guise de participation aux résultats), une bonne rémunération, une bonne couverture santé, des managers formés qui aident sur le terrain, ainsi que des valeurs d’entreprises claires et assumées.
T.P. : Il y a quelques années, nous avons mis en place le don alimentaire. Cela répondait à une demande des collaborateurs qui se rendaient compte du gaspillage relatif aux invendus et qui en étaient affectés. Nous avons éliminé cette souffrance avec le don, puisque les produits ne sont plus jetés à la poubelle mais ont une réelle utilité sociale. Cela a un réel impact sur le bien-être des salariés. Nous encourageons les collaborateurs qui souhaitent participer à ces collectes ou à des œuvres bénévoles à le faire, dans le cadre de leur travail en tant qu’organisateurs, ou dans le cadre d'activités extérieures à l’entreprise. De cette façon, de plus en plus salariés deviennent ambassadeurs de l’entreprise et se sentent alignés avec nos valeurs.
T.P. : Je pense que le rôle de l’entreprise doit être de maintenir les meilleures conditions pour que les salariés restent concentrés sur leurs missions. D’un côté, les salariés doivent faire la part des choses : 90% des incidents interpersonnels que nous traitons ont une explication extérieure à l’entreprise. Il incombe alors aux salariés dans ces situations-là d’en prendre conscience afin d’y apporter des solutions sans perturber le fonctionnement de l’entreprise. D’un autre côté, les salariés s’engagent pour l’entreprise, et c’est donc naturel qu’en retour, celle-ci s’engage pour eux, notamment à travers les engagements sociaux que nous mettons en place. C’est un équilibre à trouver, et chaque partie doit assumer sa part de façon transparente et responsable.