Baromètre Alan x Harris Interactive - édition 3
Evolution du bien-être mental au travail et décryptage des aspirations des salariés et managers par secteur
Marguerite Cazeneuve, Directrice déléguée de l'Assurance Maladie (CNAM), nous plonge au cœur des réformes qui redéfinissent le système de santé français. Avec son parcours impressionnant marqué par la gestion de la crise du COVID-19 et la mise en œuvre de réformes majeures, elle partage une vision audacieuse pour un système de santé plus équitable et innovant. Écoutez l'épisode ici 👇 🎙️Spotify 🍎Apple podcast 🎧YouTube Podcast 📺 Substack
Marguerite explique comment l'assurance maladie s'engage à garantir un accès égal à des soins de santé d'excellence pour tous, en intégrant les dernières avancées technologiques, telles que la télésanté. Elle met en lumière l'importance de réduire les inégalités en santé et d'optimiser les ressources pour assurer la durabilité du système.
Elle discute des stratégies essentielles pour transformer le système de santé, abordant les défis budgétaires, l'importance de la prévention, et l'utilisation des données de santé pour anticiper les besoins futurs et améliorer les services.
Loin des discours abstraits, Marguerite Cazeneuve offre une perspective pragmatique et engagée sur les réformes nécessaires pour un système de santé plus résilient et inclusif. Son approche est ancrée dans l'action et l'engagement, offrant des solutions concrètes pour répondre aux besoins de la population.
Cet épisode s'adresse à ceux qui s'intéressent à l'avenir de la santé publique en France et qui souhaitent comprendre comment le système de santé peut évoluer pour mieux servir chaque citoyen. Que vous soyez un professionnel de la santé, un acteur du secteur, ou simplement curieux de découvrir les coulisses des réformes de santé, il explore les enjeux et les solutions qui façonnent notre système de santé.
Jean-Charles : Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de Healthier Humanity, un podcast dédié à l'exploration de différentes perspectives pour vivre pleinement et optimiser notre santé et notre bien-être, la comprendre aussi. Je suis votre hôte, Jean-Charles Samuelian, et je suis ravi que vous vous joigniez à moi dans ce voyage.
Imaginez un monde où nous vivrions non seulement plus longtemps, mais aussi en meilleure santé, avec moins de stress et on l'espère plus d'énergie. C'est la vision qui anime ce podcast. Dans chaque épisode, nous parlerons avec des experts renommés dans divers domaines liés à la santé, des chercheurs de classe mondiale, des leaders visionnaires, pour être inspirés et pour mieux comprendre.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'avoir comme invité Marguerite Cazeneuve, qui est une grande spécialiste des affaires sociales, de la santé, des retraites, qui a, à mes yeux, considérablement contribué à la transformation du système français actuel et encore dans le futur. Marguerite est actuellement directrice déléguée de la Caisse nationale d'assurance maladie, qu'on appelle la CNAM. Avant, elle a occupé des postes clés au sein des cabinets ministériels et a notamment été conseillère technique à l'Élysée à Matignon, jouant un rôle crucial dans la réforme des retraites et la gestion de la crise du COVID-19. Marguerite, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui.
Marguerite Cazeneuve : Merci pour votre invitation.
Jean-Charles : Aujourd'hui, j'aimerais qu'on explore ensemble les grands défis et les transformations du système de santé français. On va commencer par parler de ton rôle à la CNAM, ainsi que de l'évolution de l'assurance maladie en France. Puis on plongera dans la révolution numérique avec la télésanté et l'utilisation des données. Ensuite, j'aimerais aussi qu'on aborde des sujets qui me tiennent particulièrement à cœur, la prévention, la lutte contre les inégalités en santé. Et enfin, j'espère qu'on arrivera à se projeter dans l'avenir de notre système de santé.
En 2014, 16 mois après avoir intégré le Conseil, tu changes complètement ton plan de carrière et rejoins le ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Dans une récente interview, tu as d'ailleurs affirmé que c'était sans doute la décision la plus importante de toute ma carrière. Comment t'est venue cette vocation de travailler dans le public et en particulier dans le domaine de la santé ?
Marguerite Cazeneuve : Je dois dire que la santé, c'est un peu le hasard parce qu'il s'avère que je faisais une mission de conseil pour le ministère de la Santé et que c'est le ministère de la Santé qui m'a recrutée à ce moment-là. Il se serait passé la même chose si j'avais bossé pour le ministère de l'éducation, le ministère de la justice, enfin tous les champs de l'action publique m'intéressent. Mais c'est vrai que ça faisait longtemps que, depuis étudiante, que je voulais travailler dans le public.
Mais c'est vrai que j'avais sans doute une vision, comment dire, un peu... Je ne connaissais pas bien l'État et donc je n'étais pas sûre d'avoir envie de faire l'ENA. Je n'étais pas certaine que ce soit nécessaire et ça avait ensuite que j'avais... tort sur le fait qu'il ne fallait pas passer des concours pour monter dans l'État. Mais finalement, le fait de ne pas les avoir et donc de décider après mon école de commerce de continuer pour faire du conseil, ça m'a plutôt apporté pas mal d'outils qui ont été utiles ensuite. Et donc, je n'ai pas fait l'ENA, donc je ne suis pas haut fonctionnaire. Aujourd'hui, je suis contractuelle de la fonction publique.
Mais c'est vrai que ça m'a... En arrivant dans l'État, je me suis rendue compte que c'était plus compliqué que ce que j'imaginais. Quand on vient du privé, les choses sont rapides, on peut changer, monter, progresser. Dans le public, c'est un système qui est vraiment un autre monde. Mais en revanche, c'est vrai que s'occuper du bien public, c'est quelque chose de génial. Et ce qu'il y a d'hyper intéressant et d'hyper stimulant intellectuellement, c'est que quand on travaille dans l'État, pour l'État ou pour les services publics, c'est qu'on se rend compte qu'on a plein d'injonctions contradictoires, plein d'objectifs différents à concilier.
Et en fait, c'est vrai que ce qu'on voit souvent de l'extérieur, l'État, il n'a quand même pas une super image, l'assurance maladie non plus, dans le sens où on se dit que ce sont des vieilles institutions, là où à côté, il y a plein d'organisations hyper modernes, etc. En fait, il faut vraiment se dire que la Sécu, l'État, etc., ils ont des injonctions très fortes, différentes. Ils doivent concilier plein d'objectifs qui sont très compliqués à concilier. Il faut dépenser moins, il faut investir certaines priorités mais sans rien jamais pouvoir déprioriser. Il faut aller chercher l'ensemble des citoyens et pas seulement ceux qui sont convaincus.
Il y a plein d'objectifs qui font que c'est hyper intéressant, hyper compliqué aussi. Mais voilà, effectivement, c'est clé. Alors, quand je suis partie de la cabinet de conseil pour aller au ministère de la Santé, tout le monde m'a dit "mais t'es dingue". Mais évidemment, je n'ai jamais regretté mon choix et j'invite tous ceux qui s'intéressent à la politique, aux services publics, etc. à sauter le pas. Parce qu'honnêtement, c'est vrai que moi, de l'extérieur, je pensais que c'était un monde qui m'était totalement fermé, que c'était impossible, que je n'avais pas fait Sciences Po, l'ENA, etc. Et en fait, voilà, c'est possible. Il faut trouver son chemin, mais c'est possible. Et c'est vraiment un environnement hyper intéressant.
Jean-Charles : Génial. Est-ce que tu peux nous décrire ce que... C'est des termes que les gens ont sûrement entendus, mais ne sont pas nécessairement... Ils savent ce que c'est, mais qu'est-ce que c'est que la CNAM, par exemple ? Quelle est sa mission ? Quel est son rôle ? Et ensuite, nous décrire peut-être ton rôle à la CNAM.
Marguerite Cazeneuve : Oui. Alors, c'est une question... C'est bien que tu me la poses, parce qu'en fait, je me rends compte que... J'ai posé la question à mon équipe, en fait, chacun répond à des choses différentes sur c'est quoi l'assurance maladie et à quoi ça sert l'assurance maladie. Et en fait, nous-mêmes, on n'a pas tous les mêmes réponses à cette question, donc c'est là où c'est intéressant.
Pour moi, le rôle de l'assurance maladie, c'est d'assurer un égal accès à un système de santé d'excellence pour tous. C'est ça notre objectif, notre principal objectif. Ce qui induit derrière de réduire les inégalités sociales de santé, ce qui implique derrière de réduire les inégalités territoriales de santé, ce qui induit plein de choses. Mais notre valeur ajoutée dans le système, c'est ça.
Et au début, ça part du fait de donner accès financièrement aux soins. Donc en fait, l'assurance maladie, elle couvre des soins. Au début, c'est un assureur. Et donc, historiquement, l'assurance maladie, en fait, c'est une sorte d'usine à prestations qui fonctionne. C'est comme la CAF pour les allocations familiales. Vous avez des CPAM dans chaque département et donc qui remboursent vos soins, vos arrêts de travail, les professionnels de santé. Donc ça, c'est une énorme machinerie.
Et puis, progressivement, en fait, l'assurance maladie, puisque son rôle, c'est d'assurer un égal accès à un système de santé d'excellence pour tous et de réduire les inégalités d'accès à la santé, en fait, elle n'intervient pas juste en aval sur la délivrance et sur le remboursement. Elle doit se poser la question de savoir ce qu'elle doit rembourser. Comment faire en sorte que les gens bénéficient au mieux de l'argent, entre guillemets, dont elles disposent ?
Donc c'est là qu'intervient ce que je fais moi à l'assurance maladie, c'est-à-dire la conduite des politiques publiques, à la fois sur la partie accès aux droits, politiques de santé, de santé publique et prévention, organisation des soins, c'est-à-dire comment on trouve un médecin, comment est-ce qu'on arrive à trouver un spécialiste, une infirmière à domicile, à l'hôpital. Tout ce qui relève du numérique en santé, on y reviendra parce qu'évidemment, ça a pris une place très importante à la fois en santé publique et en organisation des soins.
Et une dernière partie qui relève davantage de ce qu'on connaît de l'assurance maladie, c'est la partie plus assureur-financeur. Puisque l'assurance maladie étant un financeur et un assureur, on a évidemment toute une politique qu'on appelle de gestion du risque, que les assureurs connaissent bien. Et donc, c'est de savoir comment est-ce qu'on limite la dépense, notamment la dépense au long cours.
Jean-Charles : C'est hyper intéressant, ça me réveille beaucoup beaucoup de questions. La première, tu parlais des injonctions contradictoires. Et il y en a une qui est, je ne sais pas si elle est inhérente à la mission, mais c'est combiner excellence et pour tous et combattre les inégalités et l'excellence. Comment tu essayes de mener ces deux combats à la fois ? Est-ce que tu vois comment tu peux faire l'excellence de pointe pour certains ? Comment tu donnes l'excellence pour tous ?
Marguerite Cazeneuve : En tout cas, d'un point de vue organisationnel, quand je suis arrivée à l'assurance maladie, j'ai créé un département de l'innovation numérique et de la télésanté qui s'occupe vraiment exclusivement de rencontrer les nouveaux acteurs qui arrivent sur le marché en France pour essayer de comprendre quelles sont les nouvelles tendances, etc. Et ça, en fait, ça nous permet d'alimenter chaque année nos propositions au gouvernement en disant "Attention, il se passe des choses hyper intéressantes sur la télésanté, il se passe des choses en matière de thérapies médicales, etc."
Jean-Charles : On peut servir les deux, oui. Est-ce que tu peux nous donner un peu les grands agrégats et les grands chiffres ? Donc, par exemple, c'est quoi l'ONDAM (Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie) ? C'est les chiffres, combien vous faites de prestations par an, à la fois peut-être en volume et en euros. Et tu parlais des... Tu commençais par parler des affections longue durée. Combien ça représente de votre budget pour clé ? Que les gens comprennent un petit peu en fait, qu'est-ce que vous remboursez et à quoi ça ressemble.
Marguerite Cazeneuve : Alors, l'ONDAM, c'est 240 milliards d'euros, donc c'est assez gigantesque. Ce qu'il faut savoir, c'est que, si je prends un tout petit peu de recul, la santé en France, c'est 12% du PIB, ce qui nous place parmi le deuxième, troisième pays du monde en matière de dépenses de santé pour son pays, en termes de PIB. Très loin devant nous, il y a les États-Unis qui sont à 17-18%. Mais eux, ils font des trucs hyper bons d'un point de vue technologique. Mais typiquement, ils n'ont pas réussi leur deuxième objectif, qui est de rendre l'accès aux soins possible pour tous. Donc en fait, ils dépensent beaucoup d'argent. Mais cet argent, il bénéficie à très peu de monde.
Donc nous, on est à 12% et on est grosso modo entre le Japon et l'Allemagne. Et la spécificité française, c'est que les dépenses de santé sont solvabilisées par l'assurance maladie à hauteur de 80% et que la France est le pays au monde où le reste à charge, c'est-à-dire ce que le patient doit débourser à la fin après l'intervention de sa complémentaire santé, est le plus faible au monde.
Donc 240 milliards d'euros, ça c'est l'ONDAM. En fait, chaque année, il est voté par le Parlement. C'est vrai que pendant assez longtemps, il n'y avait pas eu beaucoup d'inflation. Et donc, c'était des ONDAM historiquement bas, autour de 2%. Ensuite, il y a eu l'explosion du Covid, où là, on a dépensé énormément parce qu'il a fallu à la fois payer des arrêts de travail, payer des vaccins, payer des tests, etc.
Et donc là, on essaie de revenir dans une période un petit peu normale. Après, quel va être l'objectif que le Parlement va nous fixer pour 2025 ? Ça, on ne le sait pas encore. Donc ça, c'est le gouvernement qui fera une proposition au Parlement. Il y a nous derrière de voir comment on est tenu de respecter cette dynamique.
Mais c'est vrai que la particularité des soins de santé, c'est qu'il y a une partie des dépenses, j'allais dire, qui sont dynamiques par elles-mêmes. Et donc notamment, Thomas Fatome est intervenu à la rentrée pour parler des arrêts de travail. Parce que ce qu'on voit sur le premier semestre, c'est que la dépense d'arrêts de travail augmente de 8%. 8% c'est juste considérable sur une assiette de 16 milliards d'euros. Ça veut dire qu'on a pour l'année prochaine 1,3 milliard d'euros en plus qui va être consacré uniquement à ça.
Jean-Charles : Je pense que pas beaucoup de personnes sont conscientes que c'est la santé mentale le deuxième poste de dépense.
Marguerite Cazeneuve : C'est le deuxième poste à hauteur de 26 milliards d'euros. Donc c'est très important et on compte dans la santé mentale à la fois les personnes qui sont atteintes d'une pathologie psychiatrique, et puis l'ensemble des personnes qui consomment des psychotropes, des antidépresseurs, etc.
Jean-Charles : Et ça, on a vu une vraie accélération avec le Covid ?
Marguerite Cazeneuve : Et ça, on a vu une vraie accélération avec le Covid, et surtout, ce qui nous inquiète, et donc c'est la démonstration qu'on a faite cette année, c'est qu'on a une explosion de la consommation des... des psychotropes chez les jeunes. Pour nous, les jeunes, c'est 12-25 ans. Et donc, sur les 12-25 ans, on a quasiment 144 000 jeunes, ados et jeunes, en plus, qui consomment des psychotropes. Ce qui fait qu'on a quasiment un million de 12-25 ans en France qui, aujourd'hui, consomment des psychotropes. Donc, on a augmenté de presque 18% par rapport à 2020, le nombre d'ados et de jeunes qui consomment des psychotropes. Donc, c'est énorme.
Après, ce que ça veut dire derrière, nous, on n'est pas allé jusqu'à l'interprétation. Et c'est là où on est humble. C'est-à-dire que nous, notre job, j'allais dire, sur la mise à disposition des données, c'est de faire connaître ces données. Et ensuite, c'est notre recommandation, charge, j'allais dire, aux scientifiques et puis aux acteurs de se mettre autour de la table. Est-ce que c'est parce qu'on dépiste mieux ? Est-ce que c'est parce que les médecins sont mieux informés, etc. ? Ou est-ce qu'il y a une augmentation de... des signes dépressifs chez les jeunes.
Tout ça, c'est des choses sur lesquelles nous, on se garde bien d'apporter des réponses. Mais ce qui est clair, c'est que sur la santé mentale, SPF a conduit par ailleurs une étude qui fait quand même un peu froid dans le dos, qu'elle a rendue publique et qui montre que, selon laquelle, 24% des lycéens déclarent avoir eu une pensée suicidaire dans l'année. 13% avoir déjà fait une tentative de suicide dans leur vie et 3% d'avoir été hospitalisés pour cette tentative de suicide. Donc les chiffres sont vertigineux, c'est des chiffres de santé publique France, donc c'est des chiffres très solides.
Et nous, de notre côté, on apporte notre autre chiffre qui est la consommation médicamenteuse. Et je pense qu'il y a, et c'est d'ailleurs maintenant la priorité du gouvernement, ça a été annoncé comme grande cause nationale, mais c'est vrai que la santé mentale, c'est quelque chose que... tous les acteurs du monde de la santé voient émerger de manière assez claire et assez nette comme étant un problème qui s'est accéléré en tout cas depuis la crise Covid.
Jean-Charles : C'est en effet un sujet qui est extrêmement important dont les tendances sont encore à comprendre comme tu le dis, et ça qui est très clé en tout cas pour le financement de la santé des jeunes et des moins jeunes. On a eu quelques discussions très intéressantes là-dessus sur le podcast. J'aimerais bien revenir sur la partie, encore une fois, négociation. J'ai l'impression qu'il y a un budget qui est donné par le Parlement, mais sur lequel vous n'avez pas vraiment de contrôle. Donc vous pouvez donner des recommandations sur quel est le bon budget ou ça vous tombe un peu dessus ? Comment vous gérez un peu cette...
Marguerite Cazeneuve : Alors c'est intéressant, en fait, c'est le ministère qui fait des... qui établit ce qu'on appelle un tendanciel, c'est-à-dire qui dit en fait si on ne fait rien, voilà les dépenses. Voilà ce à quoi on va arriver l'année prochaine, compte tenu de l'évolution de la population. Donc on a des super économistes qui font des projections. Et donc une partie des économistes, ils sont chez nous. Et donc sur une partie des dépenses de ville, nous, on contribue à créer ces projections.
Donc ces projections, elles peuvent nous amener à une progression des dépenses de santé assez élevée. Et là-dessus, ensuite, c'est le politique qui reprend la main. D'abord le gouvernement, puis le Parlement qui disent, ça c'est le tendanciel. Mais en fait, nous, on veut ramener ce tendanciel qui peut être à 4-5%, en fait ça va être 3%, ça va être 2%. Et donc le différentiel entre la dynamique naturelle des dépenses et votre objectif, c'est ça qu'il va falloir réaliser.
Ensuite, dans la manière de réaliser ces économies, il y a plusieurs dispositifs. Il y a des choses qui relèvent vraiment proprement de l'assurance maladie. C'est ce qu'on appelle la maîtrise médicalisée. La maîtrise médicalisée, c'est faire en sorte que les soins soient correctement utilisés. Le fait que vous n'alliez pas faire trois fois une radio qui est inutile. Le fait que quand vous êtes un médecin... Et bien, vous respectiez la recommandation de la Haute Autorité de Santé qui dit que tel acte qui coûte dix fois moins cher que tel autre doit être priorisé.
C'est le fait aussi d'inciter à aller vers des traitements médicamenteux qui sont moins chers, notamment les génériques, les biosimilaires, dès lors que c'est possible. Les produits aujourd'hui pour lesquels il existe un biosimilaire 30% moins cher, ça représente quand même l'essentiel. C'est une enveloppe extrêmement importante.
Donc en fait, nous, on a... plein de leviers, assurance maladie, de sensibilisation, à la fois des assurés et des prescripteurs, et puis comme on l'a vu aussi sur les arrêts de travail, des employeurs aussi. Ça, c'est assez nouveau, mais sur les arrêts de travail, c'est assez intéressant, c'est-à-dire que ça, c'est quelque chose d'assez récent, mais on va voir une entreprise, par exemple, vous avez deux hypermarchés qui sont à côté dans la même zone industrielle, ils ont donc exactement le même cadre, et puis il y en a un qui a 25% de taux d'absentéisme en plus.
En fait, on va le voir en lui disant, vous savez quoi, vous êtes très atypique par rapport aux autres hypermarchés. Et en fait, souvent, le patron ne s'en rend pas compte, ne le sait pas. Mais le fait est qu'il y a sans doute un problème de mal-travail, en tout cas de management, qui fait que quelque part, il y a un chef de rayon, il y a quelque chose qui ne se passe pas bien dans l'organisation et qui fait que ça induit des arrêts de travail beaucoup plus importants pour nous.
Après, c'est vrai que l'essentiel de nos actions, elles portent plutôt sur les assurés, sur la sensibilisation et beaucoup sur les professionnels de santé. Donc, on a à la fois l'information, on a aussi ce qu'on appelle l'outil conventionnel, c'est-à-dire que nous, on passe des contrats avec les professionnels de santé libéraux. Et dans ces contrats, on met un certain nombre de clauses qui visent à améliorer globalement la pertinence et la qualité de notre système de santé.
Donc, on y reviendra, c'est Dieu. Et effectivement, ensuite, il y a une partie des choses que nous, on ne peut pas faire parce que ce n'est pas du niveau de l'assurance maladie, mais sur lesquels l'État peut intervenir. Ça, c'est le niveau réglementaire. Il y a un niveau encore au-dessus, qui est le niveau législatif. Et donc là, on fait des recommandations chaque année dans le cadre de chargé-produit, qui est notre rapport annuel. On fait des propositions, on publie des analyses et on fait des propositions au gouvernement sur des mesures à la fois réglementaires et législatives que nous-mêmes ne pouvons pas prendre mais qui viennent éclairer la décision du législateur ou de l'État le cas échéant. Donc certaines sont suivies, certaines ne sont pas suivies, mais quand elles sont suivies, du coup, on les accompagne, puisqu'on les a étudiées préalablement.
Jean-Charles : C'est hyper intéressant et je suis vraiment content qu'on ait profondément sur ces mécanismes-là, parce que je pense que personne ne les connaît, les gens ne comprennent pas quelles sont les différentes contraintes et tensions. Tu parlais de la nouvelle convention médicale, est-ce que tu peux nous expliquer un peu ce que c'est, qu'est-ce qui a été discuté ? Et ça revient aussi, tu es dans un deuxième temps aussi à... On sait qu'il y a eu aussi récemment une augmentation des honoraires de consultation qui vont être portés à 30 euros par exemple. Et donc d'un côté, on vous demande de réduire face au taux d'anciel. En parallèle, les tarifs des consultations sont augmentés pour de très bonnes raisons. Comment on gère cette contrainte ? Comment vous gérez ces négociations ? Enfin, c'est hyper intéressant.
Marguerite Cazeneuve : Alors, le principe de la négociation entre l'assurance maladie et plus généralement, en fait, entre les partenaires sociaux, c'est un truc qui existait beaucoup avant, qui existe moins aujourd'hui. Mais en fait, c'est ce qu'on appelle historiquement la démocratie sociale. C'est-à-dire qu'avant, en fait, c'est beaucoup de choses qui passaient par contrat et où, en fait, on avait sur l'assurance chômage. Alors, c'est maintenant l'État à la possibilité d'intervenir si les partenaires sociaux ne se mettent pas d'accord. Mais au départ, l'idée, c'est que vous avez les syndicats. Les salariés, les syndicats, les représentants du patronat, ils sont censés se mettre d'accord sur l'assurance chômage.
Et en fait, un professionnel libéral, c'est un travailleur indépendant. Donc en fait, il est lui-même sa propre entreprise. Et donc, il s'installe à son compte et d'une certaine manière, lui, il considère, ce qui est tout à fait normal, qu'à partir du moment où il a eu son diplôme, il est reconnu par l'ordre, etc., il peut faire de la médecine, ce qui est tout à fait juste. Nous, Assurance Maladie, pour que les assurés sociaux puissent avoir accès à sa consultation, on dit, nous, on va rembourser la consultation.
Jean-Charles : Donc c'est 10 contrats qui sont négociés en parallèle. Et qu'est-ce qui nous passe si un contrat n'est pas signé, par exemple ?
Marguerite Cazeneuve : Alors sur les médecins, on n'a pas réussi à se mettre d'accord la première fois. Et donc dans ce cas-là, il y a ce qu'on appelle un règlement arbitral. C'est-à-dire que c'est un arbitre qui a été désigné en amont. Et cet arbitre-là, il prend grosso modo les mesures minimales en disant, ça, ça doit s'appliquer, c'est ça qui va s'appliquer en attendant. C'est une sorte de contrat a minima qui va s'appliquer pendant 5 ans. Mais vous avez l'obligation de vous remettre autour de la table dans les deux ans.
Nous, on n'a pas attendu deux ans, puisque le ministre nous a demandé, neuf mois après l'échec, de nous remettre autour de la table. Et on a bien fait, parce qu'on a fini par y arriver. Et pourquoi c'est hyper important ? C'est parce que là, aujourd'hui, le fait d'avoir signé avec les médecins libéraux, c'est-à-dire qu'on a un contrat qui nous lie, et qui nous lie pendant cinq ans.
Et donc, dans un contexte institutionnel qui, par ailleurs, bouge beaucoup, etc. En fait... C'est l'intérêt de la démocratie sociale, d'une certaine manière. C'est qu'il y a le législateur et l'État, mais il y a aussi les corps intermédiaires. Et les corps intermédiaires, tous les syndicats, les associations, etc. appartiennent à ces corps intermédiaires. Et nous, Assurance Maladie, on est un interlocuteur de ces corps intermédiaires. Et donc, on a cette couche entre les citoyens et le pouvoir qui permet aussi de garantir une forme de stabilité institutionnelle. Et en l'occurrence, c'est vrai pour la médecine de ville.
Jean-Charles : C'est hyper intéressant. Tu parlais beaucoup de médecine de ville. Quel est votre rôle et comment vous interagissez avec les hôpitaux, par exemple ?
Marguerite Cazeneuve : Alors, l'assurance maladie, honnêtement, elle a un rôle qui est relativement limité par rapport à l'hospitalisation publique, qui est vraiment un domaine réservé du ministère de la Santé. Nous, on intervient essentiellement sur... En fait, on intervient beaucoup sur les interactions avec la ville, c'est-à-dire comment est-ce qu'on fait en sorte que les patients ne soient pas hospitalisés et comment on fait en sorte que les patients, une fois qu'ils sont hospitalisés, soient correctement pris en charge.
Après, il y avait historiquement ce qu'on appelait les... Les contrôles T2A, donc les contrôles à la juste facturation par les établissements de santé, des tarifs de l'assurance maladie, ça a été stoppé pendant le Covid, on va y revenir progressivement.
Mais c'est vrai que nous, en fait, il faut se rendre compte que l'hôpital, notamment l'hôpital public, on est vraiment dans des soins qui sont des soins très lourds. Les passages aux urgences, c'est 40 000 par jour, là vous avez un million de consultations de médecins. Et donc, c'est vraiment le sommet de la pyramide. Donc nous, notre job, c'est essentiellement d'assurer que le reste de la pyramide tienne, justement pour que l'hôpital, entre guillemets, ne soit pas submergé de gens qui arrivent aux urgences, parce qu'ils n'ont pas eu à la fois le bon parcours de prévention, le bon médecin au bon moment.
Jean-Charles : Merci beaucoup pour la clarification. Et si on revient justement à cette dernière convention et par exemple à l'augmentation des honoraires de consultation à 30 euros, comment une décision comme ça se prend ? Vous, avec quels arguments vous arrivez ? Quels sont les arguments qui sont en face de ce que tu peux partager, bien sûr ?
Marguerite Cazeneuve : Oui, bien sûr. En fait, on a traversé une période d'inflation que tous les acteurs ont connue. Et en fait, c'est là où le système conventionnel, d'une certaine manière, est devenu un peu compliqué. C'est que quand vous êtes un travailleur indépendant, quand vous êtes une boîte, quand vous vous retrouvez avec de l'inflation, vous avez la possibilité de répercuter sur vos prix ce que vous vous êtes pris en inflation, en tout cas une partie.
En fait, les professionnels de santé qui sont conventionnés avec l'assurance maladie en secteur 1, eux, ils prennent l'inflation, mais ils n'ont pas le droit de bouger leur tarif. Et donc, c'est vrai qu'on s'est retrouvés avec des professionnels de santé qui n'avaient pas la possibilité de répercuter dans leur tarif, mais il y avait les médecins de secteur 1, mais c'est vrai pour les infirmiers libéraux, c'est vrai pour les orthophonistes, c'est vrai pour les sages-femmes, etc.
Et donc, on en a eu nous très grosse pression en terme d'inflation pour en fait que ces professions-là se cassent pas la figure d'un point de vue économique. Donc ça, c'était un peu le contexte. La deuxième chose, c'est que les médecins libéraux considéraient que 30 ans représentait le différentiel d'inflation. Nous, on n'était pas totalement d'accord puisque, en fait, l'inflation, comme tu le sais, chaque acteur l'absorbe un peu. Y compris le consommateur final, tout le monde s'est serré un peu la ceinture. Personne n'a entièrement vu passer la période inflationniste sans y perdre un peu d'argent. Le consommateur final a payé un peu plus cher sa baguette de pain, le boulanger a fait un peu moins de marge, etc.
Donc tout le monde a pris, d'une certaine manière, a absorbé une partie de l'inflation. Donc ça, c'est ce qu'on a essayé d'expliquer aux médecins pour leur dire que le côté rattrapage de l'inflation, il était légitime, mais que quand même, il ne fallait pas exagérer. Et après, le vrai sujet sur lequel on s'est mis d'accord, c'est qu'en fait, on a besoin de médecins et on a besoin de médecins généralistes. Et on a besoin de médecins généralistes qui font de la médecine traitante.
Et donc, leur grande demande, c'était d'avoir un choc d'attractivité. Et donc ça, on ne l'avait pas mis comme priorité lors de la première négociation. Mais comme c'était la chose la plus importante pour les médecins, on l'a mis comme priorité de la deuxième négociation. Et on a dit, ce 30 euros... Là où la première fois, on l'avait conditionné à un certain nombre d'actions, on a dit qu'il y a un conditionnel. Nous, ce qu'on vous propose, c'est qu'il soit mis sur la tête de manière inconditionnelle, c'est-à-dire qu'il soit vrai pour toute consultation de tout médecin.
Il y a un conditionnel, en revanche, il y aura un accord sur tout ou un accord sur rien. C'est-à-dire que nous, dans la convention médicale, il y a quatre piliers. Il y a l'attractivité, donc la consultation à 30 euros, mais il y a aussi l'accès aux soins, il y a la pertinence à la qualité des soins et il y a les nouveaux modèles de rémunération. Donc ça ne veut pas dire tout ou rien, mais ça veut dire qu'il faut qu'on arrive à se mettre d'accord sur chacun des quatre packages pour pouvoir signer l'ensemble.
Et donc le premier package, c'est 30 euros, entre guillemets, d'on tact. Et c'était énorme, parce que c'était quand même 700 millions d'euros pour les seuls médecins généralistes. Donc il faut voir ce que c'est. La convention à la fin, elle a coûté 1,6 milliard d'euros à l'assurance maladie. C'est beaucoup d'argent. Mais nous, on a considéré que ça a été... Une de nos actions, c'est de convaincre le gouvernement que ça valait le coup de réinvestir dans la médecine de ville parce qu'on avait besoin d'attirer des médecins généralistes et on avait besoin que des médecins généralistes s'installent comme médecins traitants et prennent des patients comme médecins traitants.
Donc, les médecins généralistes, si vous les interviewez, ils vont vous dire "30 euros, c'est juste un rattrapage, c'est rien, c'est pas un choc d'attractivité, etc." La réalité, c'est que ça représente quand même... une hausse de leur rémunération annuelle qui est importante et qui, on l'espère, va de nature à faciliter l'installation des médecins traitants. Et j'allais dire, de toute façon, on n'avait pas plus. Donc, on est allé au max de ce qu'on pouvait faire. Et donc, c'est là où se joue après l'équilibre de la négo, c'est qu'il y avait le 30 euros. Donc, on a, nous, essayé de travailler surtout sur ce qu'étaient les autres axes et ce qu'on pouvait, entre guillemets, obtenir en retour, qu'il soit consensuel en matière d'accès aux soins et de pertinence à cette qualité des soins.
Jean-Charles : Justement, sur ces autres sujets prioritaires, est-ce que tu peux nous décrire un peu quelles sont les ambitions ? Comment vous essayez en ce moment de réformer le système de santé ? Qu'est-ce qui est important pour que notre système de santé soit soutenable, continue à innover, continue à servir mieux tout le monde ?
Marguerite Cazeneuve : Sur la partie, on a un axe pertinent à ces qualités des soins. Il y avait déjà eu une convention en 2006 qui mettait des objectifs. Là, j'avoue, on y est allé avec un programme très ambitieux, avec 15 programmes sur la qualité et la pertinence des soins avec un objectif qui est de réduire l'antibiorésistance et donc de réduire la consommation d'antibiotiques. On est 25% plus haut que tous les pays européens. À un moment donné, il n'y a pas de raison qu'on soit aussi mauvais.
On a les deux molécules qui coûtent le plus cher à l'assurance maladie, c'est deux molécules qui sont prescrites par des ophtalmologues sur l'ADMLA, pour lesquelles il existe des biosimilaires 30% moins chers. Ça fait partie des engagements que de dire qu'on va essayer de prescrire le médicament qui est le moins cher.
En fait, il faut imaginer aujourd'hui qu'un médecin, il n'a pas connaissance de ce que son patient consomme dans le système de santé. Et donc, il peut lui prescrire des médicaments, des examens, des tests, etc. En fait, il peut recevoir des comptes rendus, mais il n'a pas de vision consolidée. Et nous, à partir de 2026, on va pouvoir lui restituer un tableau de bord où on a sélectionné... Une quinzaine d'indicateurs qui sont essentiellement des indicateurs de prévention, mais sur lesquels on a des données qui sont des données hyper fiables.
Donc, c'est vaccination, dépistage des pathologies chroniques, dépistage des cancers. Et donc, on pourra restituer, j'allais dire en temps réel, on va essayer de l'actualiser une fois par mois. Chaque médecin traitant, il aura pour tous ses patients exactement là où en sont ses patients, s'ils sont inéligibles et s'ils ont réalisé leur dépistage, leur vaccin, etc.
Jean-Charles : Les portes de violets qui sont très diverses et pas très consolidées.
Marguerite Cazeneuve : Donc là, on a des équipes de champions qui sont dessus. Mais l'objectif, c'est de donner à voir aux médecins traitants la situation de son patient. Pour l'instant, c'est sur 15 indicateurs sur la base de nos données. Mais à la fin, on pourra le faire sur beaucoup plus d'indicateurs, donc d'outiller le médecin.
Par ailleurs, il y a des choses qu'on va remettre en place, notamment les groupes qualité, où des médecins peuvent échanger sur des temps qui sont remboursés par la Sécurité sociale, l'assurance maladie, où ils peuvent échanger sur leurs pratiques. Donc, ne serait-ce que l'information, le fait de savoir où est-ce qu'on se situe par rapport à la moyenne, par rapport au... aux médecins qui ont à peu près l'un des exercices que nous. En fait, rien que ça, c'est un nudge qui est hyper puissant.
Jean-Charles : On peut prendre d'hyper bonnes décisions dans le temps. Mais en effet, c'est des gros investissements dont l'impact quantifiable est très dur à mesurer et à estimer. Donc, on doit parier un peu sur le futur qu'on va créer sur des intuitions fortes.
Marguerite Cazeneuve : Oui, alors après, c'est là où on a un peu une oeuvre ici, c'est qu'on a dit, en fait, c'est des objectifs qui sont partagés. Ce n'est pas que des objectifs qu'on vous fixe, c'est des objectifs qu'on se fixe vous et nous. Donc, par exemple, sur la réduction... Du nombre de jours d'arrêt de travail, on a dit qu'il y a une partie qui est chez vous. Il y a une partie qui est chez vous parce qu'honnêtement, il y a des prescripteurs qui sont atypiques. Mais il y a aussi une partie qui est chez nous. En fait, comment se fait-il qu'un patient qui est en arrêt maladie depuis 18 mois sur un motif qu'on ne connaît pas, l'assurance maladie ne l'ait pas encore contacté ? Ce n'est pas normal. Donc là, l'assurance maladie a pris des engagements, notamment de contacter les assurés pour vérifier qu'ils ne sont pas en désinsertion professionnelle, de renforcer ses contrôles auprès des entreprises. Donc, on a, en fait, pour chacun des objectifs, on a dit, il y a une partie du job qui est chez vous et une partie du job qui est chez nous. Et on a un peu distribué les outils. Voilà.
Jean-Charles : Dernière question sur cette partie un peu contractuelle. Qu'est-ce qui se passe si une des parties ne tient pas sa partie de l'accord ?
Marguerite Cazeneuve : Alors, c'est une question qui a été beaucoup évoquée. Il n'y a pas de sanction individuelle. On a dit, c'est des objectifs qui sont partagés. Mais par exemple, sur la partie accès aux soins, on a 10 objectifs partagés. Le fait de réduire le nombre de patients en ALD sans médecin traitant, le fait d'augmenter la patientèle médecin traitant moyenne, etc. Donc on a 10 objectifs comme ça.
Et en fait, ces objectifs, on va les rendre publics à côté du premier trimestre 2025. Et donc, ils seront mis en datavisualisation, ce qu'on a commencé à faire avec certaines données. Vous pourrez voir département par département, grosso modo, quel est le nombre de patients sans médecin, sans médecin traitant. Il y a des choses qui sont plus difficiles à calculer, notamment le temps d'attente pour un spécialiste, ça c'est plus compliqué. Mais quel est la file active moyenne, le nombre de jours travaillés, etc.
Tout ça, on va le rendre public et d'une certaine manière, on sera comptable et la communauté médicale et nous, des résultats qui seront affichées et qui seront actualisées régulièrement avec ce qu'on a mis comme objectif, et là où on en est par rapport aux objectifs, avec ce qu'on a écrit. Si jamais on n'arrive pas à atteindre les objectifs, il faut qu'on se remette aux eaux de la table pour réfléchir à des nouveaux outils. Donc c'est plus une obligation, j'allais dire, par rapport aux citoyens. Mais en fait, le fait de rendre public ces obligations et là où on en est, c'est aussi miser sur ce système de connaissances et de publication de la donnée pour faire bouger les comportements.
Jean-Charles : J'aime beaucoup cette pratique. C'est une valeur qu'on a beaucoup chez Alan sur donner accès aux outils et à l'information pour que les gens puissent prendre des meilleures décisions. J'aimerais bien parler un peu aussi maintenant de télésanté, de la révolution de la télésanté. Avant d'entrer dans le vif du sujet, est-ce que tu pourrais nous expliquer quelle est ta définition de la télésanté, de la télésurveillance ?
Marguerite Cazeneuve : C'est une hyper bonne question parce que nous-mêmes, on se l'est posée. On a posé au GIE Cézanne Vitale. On a dit qu'en fait, il y a un truc. Quand on a créé le fameux département de la télésanté et de l'innovation numérique, on a dit, en fait, c'est quoi le numérique ?
Nous, dans la télésanté, on range trois choses. On range la téléconsultation. Donc la téléconsultation, je pense que chacun voit ce que c'est. La télésurveillance. Donc la télésurveillance, c'est le fait, entre guillemets, d'être surveillé à distance par une équipe de professionnels de santé qui peut vérifier vos constantes de manière régulière. Et on a la téléexpertise. La téléexpertise étant la possibilité pour un professionnel de santé de faire appel à un deuxième professionnel de santé pour améliorer sa réponse au patient sans avoir besoin de renvoyer le patient vers le spécialiste ou vers l'autre professionnel de santé.
Donc ça, c'est le champ qu'on appelle nous aujourd'hui Télésanté. Et c'est le premier champ sur lequel on a décidé d'intervenir avec le ministère de la Santé en tant que régulateur. Pourquoi ? Parce que c'est le champ qui s'est développé le plus vite. C'est vrai que dans le numérique en santé, vous avez plein de choses qui existent, mais c'est vrai que c'est celui qui est le plus utilisé.
Ce qui est hyper intéressant avec le numérique en santé, c'est que jusqu'à présent, quand un produit de santé était mis sur le marché, ils devaient d'abord passer à un certain nombre d'étapes. Le marquage chez eux, l'autorisation de la haute autorité de santé, etc. Donc en fait, avant d'arriver sur le marché, ils étaient déjà contrôlés par plein de personnes. En fait, le numérique, c'est le contraire de ça. Le numérique, c'est sur votre smartphone. Donc en fait, s'il y a un mec qui crée un site internet en disant "Salut, je fais de la consultation", en fait, le produit, il est déjà sur le marché.
Et donc, c'est la première fois que le système de santé se retrouve dans une situation où en fait, il ne peut pas mettre de barrière à l'entrée. Et donc, il est obligé de se poser la question de mettre d'une certaine manière, de réfléchir autrement, c'est-à-dire de labelliser. Qu'est-ce que je contrôle exactement ? Est-ce que je peux interdire ? Et puis comment est-ce que je fais monter des acteurs en les crédibilisant, ceux qui respectent correctement les règles ?
Et donc pour la télésanté, de manière générale, on a démarré par la téléconsultation, mais on va le faire sur les trois grands champs de la télésanté. On a imposé, c'est d'abord la loi qui l'a exigé, que ces sociétés-là passent un agrément, donc elle soit agréée par l'État. Et en fait, dans cet agrément, il y a plein de conditions. Des conditions qui sont des conditions de respect des données de santé. On ne tue pas n'importe quoi avec vos données de santé. On est sûr que derrière, c'est un vrai médecin. Ce qu'on raconte, c'est conforme à ce que dit la Haute Autorité de Santé. Pareillement, on respecte la condense médicale.
Donc en fait, c'est le fait de s'inscrire dans un cadre. Alors c'est un cadre qui est extrêmement exigeant. Et pour les sociétés de téléconsultation aujourd'hui, elle tire un peu la langue en disant mais c'est un pas énorme que vous nous demandez de se faire. Et en même temps, c'est ça qui fait à la fin qu'on aura des acteurs qui sont des acteurs solides, sécurisés pour les patients et qui permettra aussi de permettre aux patients et aux professionnels de santé de faire la différence entre des acteurs qui se sont vraiment professionnalisés et des acteurs qui en fait peuvent vous proposer tout et n'importe quoi sans que ce soit validé.
Et donc c'est difficile pour les acteurs de la téléconsultation, de la télésanté, de la téléexpertise de s'engager dans cette révolution qui va leur demander de franchir des capes de technologie assez rapides en très peu de temps. Et en même temps, je suis vraiment convaincue que la montée en qualité du marché, à la fin, elle est bonne et pour les acteurs, et pour les patients, et pour les professionnels, et pour tout le monde. Et qu'elle va permettre de dire, là où tout le monde dit, enfin la téléconsultation, on voit bien, elle est très attaquée. Certains disent, mais en fait, vous voyez bien qu'on peut mettre n'importe qui derrière. Ça se trouve, c'est un mec qui est à l'autre bout du monde, on ne sait même pas s'il a son diplôme. Et puis, quand on est en téléconsultation, on prescrit des médicaments, ça dure deux minutes. Il y a eu des reportages télé. Donc, nous, l'objectif, c'est de dire que la téléconsultation a vraiment un intérêt. La télésanté a vraiment un intérêt. Mais c'est sûr que pour dire ça, il faut qu'on fasse monter tout le monde en gamme et qu'on soit en mesure de proposer, en tout cas de dire à l'ensemble du secteur, c'est eux les bons acteurs qui ont coché toutes les cases.
Jean-Charles : Et un des points qui est intéressant quand on parle de ça, c'est comment tu maintiens à la fois la solidité mais la place à l'innovation ? Parce que c'est très dur pour les petits acteurs nouveaux de tenir les normes tout de suite. Et comment vous pensez à ça ? Comment vous essayez quand même de créer un terreau fertile pour qu'on continue à innover sur le sujet ?
Marguerite Cazeneuve : On a eu la question beaucoup sur les logiciels des professionnels de santé. Parce qu'en fait, c'est les premiers avec lesquels on a... Alors, historiquement, c'est un secteur privé, mais avec lequel on travaille beaucoup. Et on a été hyper exigeants dans le cadre de ce qu'on a appelé le Ségur du numérique en santé. C'est-à-dire que l'État... Après le Covid-19, a investi énormément dans la santé et dans l'innovation en santé, et notamment sur le fait de pouvoir numériser la santé.
Et donc c'est à ce moment-là qu'a été créé vraiment mon espace santé. Mon espace santé, c'est le carnet de santé numérique du patient, mais ce carnet de santé pour le patient, dont l'objectif est que le patient puisse avoir accès à ces données de santé tout au long de sa vie. Et donc il est quelque part un endroit sécurisé avec toutes ces données-là. Il faut qu'ils puissent être alimentés automatiquement par les médecins, par l'hôpital, par le laboratoire de biologie, etc.
Et pour créer ces tuyaux-là, c'était très compliqué, parce qu'il a fallu que tous les logiciels métiers de ces acteurs se mettent au niveau. Donc c'est clair que ça a été très dur, que pour des petits acteurs, la marche a été trop haute. Et en même temps, on voit aussi que ce n'est pas nécessairement les plus récents qui se sont rétamés. Et donc le fait d'être petit, si... Par ailleurs, on a vraiment compris ce qu'était l'attente du professionnel de santé en matière d'ergonomie, en matière de gain de temps de travail, etc.
Après, on donne quand même des délais. Là, sur les sociétés de téléconsultation, elle doit encore jusqu'à l'été prochain pour être aux normes. La télésurveillance, il y en a encore plus de temps. La téléexpertise, on n'a pas démarré. Donc, en fait, je dis déjà à tous les acteurs du numérique en santé, tous à un moment donné, vous allez devoir passer sous les fours scodines, sachant que les critères de l'Agence du numérique en santé, il y a 150 critères de respect des règles du numérique en santé en France.
Jean-Charles : Et si on se projetait un peu dans le futur, comment... Parce que là, il y a la partie de s'assurer que tous les acteurs soient les fois au bon niveau. Mais tu rêves de quoi comme impact de la télésanté sur notre système de santé, sur les citoyens ?
Marguerite Cazeneuve : En fait, pour être très honnête, moi, je crois beaucoup au temps humain. Je pense que ça manque beaucoup dans notre société. Je pense qu'un patient qui est malade, le fait qu'il puisse parler vraiment... à un professionnel de santé, pas forcément un médecin, mais un professionnel de santé, c'est ça qui a de la valeur. L'entretien clinique, c'est ça qui a de la valeur.
Et donc, il faut que la télésanté, la téléexpertise, etc., ce soit des choses qui, à la fin, paradoxalement, permettent au médecin de passer plus de temps avec son patient. Pas quelque chose qui se substitue à ce temps avec le patient, mais qui lui permettent un gain de temps par ailleurs. Et donc si la téléconsultation, par exemple, ça permet à un médecin qui a un patient chronique de faire une vraie consultation longue, où il passe du temps avec lui, et de lui dire, bon, pour les deux prochains rendez-vous, qui sont juste des rendez-vous de contrôle pour savoir si ça va, on fait une téléconsultation juste de cinq minutes pour checker que c'est OK.
C'est là où il faut qu'on arrive à inventer quelque chose avec la télésanté, qui ne soit pas le remplacement de l'humain, mais qui soit au contraire de l'augmentation du temps humain. Je pense que c'est fondamental dans la manière dont on doit concevoir la santé de demain et le fait que la santé, quand même, notamment la santé dans les soins primaires... ça reste du contact humain et des gens qui parlent à des gens. Et donc, il faut que ça aide les professionnels de santé, pas que ça leur en passe. Mais je, voilà…
Jean-Charles : Et lié à ça, il y a aussi beaucoup... Enfin, on produit beaucoup de données de santé, t'en as parlé un peu. Tu as défendu, je crois, quelquefois, l'utilisation des données de santé de l'analyse économique pour éclairer les décisions en matière de politique de santé. Ça a pu aider ou pousser une campagne sur le dépistage du diabète de type 2. Comment tu réfléchis à l'utilisation des données de santé, à la fois au niveau systémique et santé publique, au niveau plus individuel aussi ?
Marguerite Cazeneuve : Alors en fait, il y a deux grandes catégories de données. Il y a les données qui sont en fait des données administratives, c'est-à-dire que l'essentiel des données dont dispose l'assurance maladie, ce ne sont pas des données cliniques. Autrement dit, nous, ce qu'on sait, par exemple, c'est que vous avez fait un dépistage, parce que le pharmacien nous a facturé un dépistage. Donc je sais que M. X, il a fait le dépistage, son dépistage du cancer colorectal. Je ne sais pas si le résultat était positif ou négatif.
Il y a eu des exceptions pendant le Covid. On savait si vous étiez positif ou négatif parce que vous savez que c'était pour le pass sanitaire. Il y a des projets qui sont en cours, notamment sur le recueil de la donnée de santé de l'enfant pour pouvoir faire, pour avoir les résultats.
Mon espace santé et la protection des données [56:30 - 58:00]
Les données cliniques, en fait, on les héberge dans le cadre de mon espace santé, mais on n'a pas le droit de les utiliser. Dans mon espace santé, vous avez votre carrière de santé, vous avez les résultats de biologie, vous avez le compte rendu du médecin, etc. Et donc, ces données, nous, on a offert un coffre-fort pour qu'elle puisse s'héberger. Mais l'assurance maladie n'a pas le droit d'aller piocher dans ces données. Donc c'est hyper important de distinguer ça, dire que la donnée clinique, elle reste propriétaire du patient et elle n'a pas le droit d'être exploitée aujourd'hui en France.
En revanche, on peut déjà faire plein de choses avec les données qui sont entre guillemets des données administratives de consommation. Il y a les études macro qu'on fait, qui nous permettent de savoir que les adolescents consomment beaucoup plus de psychotropes et que du coup, c'est un sujet d'interrogation.
Pour la vaccination, les dépistages organisés du cancer et demain, j'espère, les dépistages organisés des pathologies chroniques, on a commencé à mettre des petits cailloux. Les critères, c'est des critères d'âge et de sexe. Pour le cancer du sein, c'est tel âge. Si vous êtes une femme, on a la possibilité de savoir, de conduire des campagnes, d'inviter les gens, et surtout de savoir si les gens n'ont pas fait leur dépistage.
En santé publique, il y a plein de gens qui vous diront, et ils ont totalement raison, que la vraie santé publique, c'est du dernier kilomètre. C'est-à-dire que les gens qui sont les plus éloignés du système de santé, ça ne sert à rien juste de leur envoyer un courrier ou d'avoir une affiche pour leur dire qu'il faut aller se faire dépister.
La réalité, quand je regarde aujourd'hui les dépistages organisés du cancer, c'est qu'on est à moins de 60% sur le sein et l'utérus, et qu'on n'est même pas à 40% sur le dépistage du cancer du colorectal. Donc, il faut faire du 80-20. Donc, nous, notre job, c'est de faire le 80. Et ensuite, il y a évidemment les 20 derniers kilomètres à chercher, et ça c'est vrai sur la vaccination, c'est vrai sur le dépistage organisé du cancer dont on a repris le pilotage depuis janvier et on va essayer d'organiser la même chose sur les pathologies chroniques.
Jean-Charles : Intéressant et comment tu vois la place de l'intelligence artificielle dans l'utilisation de ces données encore une fois au service de la société ? Est-ce que c'est le sujet que vous regardez ? Tu parlais du dépistage aujourd'hui du cancer du sang qui est basé que sur l'âge, mais en fait on pourrait imaginer que selon les antécédents médicaux, selon ce qu'il y a dans ton espace santé numérique, tu pourrais avoir un parcours de soins et de prévention beaucoup plus personnalisé. Est-ce que c'est des choses que vous regardez ? Est-ce que vous pensez que c'était votre mission ? Ou si ça ne l'est pas, comment vous faites en sorte que le marché le fasse ?
Marguerite Cazeneuve : En tout cas, c'est sûr que l'IA va totalement changer la donne. Je pense qu'il y a plusieurs choses dans l'IA. Il y a l'IA qui va permettre aux professionnels de gagner du temps. Ça, je pense que c'est l'IA qui a le plus de chances de performer dans les prochaines années puisque c'est vraiment de ça qu'on manque, donc d'organiser ses comptes rendus, le 2-2. Grosso modo, d'être vraiment un assistant augmenté, de permettre à un médecin d'être augmenté, à une infirmière d'être augmentée, etc.
On va lancer une expérience là sur de l'ECG avec de l'IA pour les médecins généralistes parce qu'on se rend compte que les médecins généralistes, en fait, ils ne font plus d'ECG parce que ça fait longtemps qu'ils ont été formés, ils ne sont pas sûrs dans leurs résultats.
Jean-Charles : Non, mais en revanche, en faisant de la vidéo, on peut éjecter beaucoup de risques.
Marguerite Cazeneuve : Donc, on voit bien qu'au-delà de la diagnostic, l'appui aux professionnels de santé, ça, de toute façon, on le pousse, mais le côté hyper prédictif pour l'individu. En fait, ça nous intéresse, mais j'allais dire, moi, ma première priorité quand même, c'est de ne pas créer un système à deux vitesses.
Il y a un truc dont je peux te dire à 100% que c'est générateur de pathologies chroniques, c'est l'obésité. Et donc, quand tu as 12% d'une classe d'âge à 11 ans qui est en surpoids, la probabilité pour qu'elle ait une pathologie chronique, un diabète de type 2 très jeune, qu'elle développe ensuite d'autres pathologies. Ça, c'est sûr.
La question, c'est les professionnels qui utilisent moins de ce qu'on appelle des actes techniques, qui font plus de la clinique, de savoir si, eux, en fait, on est en train de passer à côté de quelque chose si on les équipe en IA. Donc c'est pour ça que je parlais du médecin généraliste. Un médecin généraliste, aujourd'hui, en fait, il a un stéthoscope. C'est ça son outil principal. Il a un stéthoscope et son logiciel médecine et ça n'a pas changé depuis des années.
Et donc la raison pour laquelle là, on a cet ECG avec l'IA, c'est de se dire, est-ce que finalement, pour un médecin généraliste, on peut avoir une forme de technologie avec l'IA qui fait que ça va changer sa pratique et faire qu'il y a moins de second recours vers le cardiologue. Et donc c'est là où la puissance publique, elle peut avoir un intérêt à agir.
Jean-Charles : Ou d'investir ou de regarder même.
Marguerite Cazeneuve : Exactement.
Jean-Charles : Et on pourrait voir en effet l'intelligence artificielle d'une certaine manière comme un des vecteurs de votre mission qui est d'augmenter l'excellence partout et pour tous parce que ça peut être un grand égalisateur si absolument le monde a le dernier savoir, si c'est beaucoup plus facile de diagnostiquer, etc. Et c'est passionnant. On parlait rapidement de prévention et de santé publique. Est-ce que tu parlais de ce que vous allez commencer à faire et des premiers petits cailloux que vous avez plantés ? Mais quelles sont un peu les approches que tu envisages pour encourager encore plus la prévention pour passer de ce 20-30% à 80% ? Tu parlais un peu déjà de formation, des médecins généralistes, de ce tableau de bord. Est-ce qu'il y a d'autres choses que tu as en tête et sur lesquelles mieux travailler ?
Marguerite Cazeneuve : En tout cas, sur la prévention médicalisée ? Mon objectif est clair. Je ne vois pas pourquoi on n'arriverait pas aux objectifs de l'OMS de 70% sur tous ces sujets-là. Pour moi, c'est ça l'objectif de l'assurance maladie. Il faut qu'on ait une offre qui soit suffisante. Aujourd'hui, par exemple, en termes de mammographie, on a un sujet d'offre de mammo. Donc ça, ça fait partie des choses que je n'ai pas encore levées comme frein, c'est d'avoir suffisamment de radiologues agréés qui fassent de la MAMO. Ça pose la question de la seconde lecture. Est-ce qu'à un moment donné, parce qu'aujourd'hui, il faut une seconde lecture pour le dépistage organisé de la MAMO, est-ce que l'IA, par exemple, pourrait intervenir ?
Sur le reste, on a très largement ouvert aux professionnels de santé les différents dépistages organisés. Je m'intéresse au cancer là. Il y a encore des choses qu'on peut faire. Par exemple, aujourd'hui, une sage-femme, elle n'a pas la possibilité de donner un kit de dépistage du cancer colorectal. Une infirmière, de délivrer un kit de dépistage colorectal ou de faire un frottis pour le dépistage du col de l'utérus.
On a monté sept plateformes d'appels sortants où des téléconseillers de l'assurance maladie appellent les personnes. Si quelqu'un dit "je n'arrive pas à avoir de rendez-vous de mammo", on répond "on vous prend votre rendez-vous de mammo, on vous envoie un transport."
On teste différentes approches : Est-ce qu'on a du courrier papier ? Est-ce que c'est un nudge qui est important ? Est-ce que les gens ont besoin d'avoir du papier ou pas ? Est-ce qu'on va, à partir de janvier, envoyer directement des kits de dépistage par la poste ?
Sur la prévention plus générale, ce qui fait que les gens sont en bonne santé, c'est l'activité physique, l'alimentation, ne pas fumer, ne pas boire d'alcool, le sommeil, la gestion de l'anxiété, et les facteurs d'exposition extérieure comme la pollution. Le ROI d'avoir une alimentation saine depuis qu'on est petit est beaucoup plus important que celui de dépister à temps une personne qui a un cancer.
L'assurance maladie est humble quant à son rôle car c'est un sujet One Health qui dépend de l'agriculture, du logement, de la politique, de l'éducation nationale. J'étais conseillère à Matignon quand on a augmenté la taxe sur les boissons sucrées. Il faut de la volonté politique et se battre contre des acteurs qui n'ont pas des intérêts convergents avec ceux de la santé publique.
Le Nutri-Score est un exemple d'initiative française réussie. Sans intervention des pouvoirs publics, beaucoup d'entreprises l'ont adopté, cherchant à améliorer leurs recettes pour passer d'une catégorie à une autre. J'aimerais bien que le Nutri-Score soit imposé en Europe, d'autant que c'est une initiative française.
Sur l'activité physique, il y a eu des annonces sur l'activité à l'école. On voit bien que ça relève de politiques plus larges. Notre rôle à l'assurance maladie est de faire passer des messages : les cinq fruits et légumes par jour, faire entre 5 000 et 10 000 pas par jour, l'alcool c'est deux verres par jour max et pas tous les jours, ne pas fumer.
Et concernant le stress, c'est intéressant ce que tu disais. Un jour, vous avez la possibilité de l'inviter, c'est la cardiologue Claire Mounier-Veillé, qui est vraiment la superstar de la santé des femmes, et qui a démontré notamment que la charge mentale, c'est le deuxième facteur de risque de l'infarctus du myocarde chez la femme. Donc c'est énorme. Et en fait, on ne le sait pas. Et donc nous, Assurance Maladie, ce n'est pas de la production de données qu'on est en mesure de savoir. En revanche, quand on a tout d'un coup des professionnels de santé qui sont un peu leaders, un peu charismatiques, c'est un peu ce que vous faites aussi, d'arriver à diffuser leur message, c'est hyper important. Et de relayer leur campagne, c'est quelque chose qu'on peut faire.
Jean-Charles : Génial. Et en effet, très important. Et tout est connecté, d'ailleurs. L'alcool va avoir un impact sur ton sommeil, qui va avoir un impact sur ton anxiété. C'est une vision très holistique qui doit être donnée par plusieurs acteurs, dont la société civile.
Marguerite Cazeneuve : Et juste un point là-dessus, je pense que c'est important pour son capital santé. C'est-à-dire qu'il faut préserver son capital santé pour bien vieillir, mais c'est important pour tout de suite.
Jean-Charles : Et ça a un impact dès aujourd'hui, en fait.
Marguerite Cazeneuve : Exactement. Il y a eu beaucoup de publications ces derniers temps sur le fait, par exemple, de dire que d'avoir de marcher 30 minutes par jour, en fait, votre cerveau, il ne réfléchit pas pareil. Votre sommeil, ce n'est pas le même. Et donc, ce n'est pas uniquement le fait de construire un capital santé pour demain, ce qui, effectivement, a la préoccupation numéro une de l'assurance maladie, mais c'est aussi le fait d'être au meilleur de vous-même à un tenté. Et c'est pour ça que la prévention, elle a ces deux objectifs.
Jean-Charles : Et je suis content qu'on en parle, parce que c'est extrêmement important d'investir sur... Enfin, il y a le très long terme, mais prouver que tu n'as pas de court terme, ça change complètement aussi les comportements sur ces malins, ce dont tu parles sur la sédentarité. En train de lancer Alan Walk, donc Alan March, et les entreprises ont la poussée en bêta pour l'instant. Les gens marchent 14% plus, plus de 1000 pas de plus par jour. Et en effet, il y a beaucoup de papiers qui montrent que ça n'a pas que direct sur la santé mentale, sur les risques cardiovasculaires, sur ton bien-être au quotidien, sur ta créativité. On nous le dit depuis Socrate et Sénèque. Mais pour le faire régulièrement, c'est complètement transformant. Comment on met, grâce au savoir-faire, dans la vie, aussi de la gamification. On a parlé de prévention, on a beaucoup parlé du coût de la santé. Est-ce que vous essayez de mesurer aussi les économies générées par la prévention et sur quels horizons de temps vous réfléchissez là-dessus ?
Marguerite Cazeneuve : Alors, en fait, ce qui est compliqué à faire, pour être très honnête, c'est là où ce n'est pas nous qui le faisons. Et donc, c'est plutôt des études de cohorte par les scientifiques de se dire, en fait, combien tu économises quand tout... ta population arrête de fumer, c'est des impacts à très long terme, sachant qu'il faut minorer la mortalité, les pensions de retraite, c'est des calculs qui sont quand même assez lourds.
Par exemple, sur les pathologies chroniques, chaque année, on s'intéresse à une pathologie chronique un peu plus spécifiquement. Cette année, c'était la maladie rénale chronique. L'année dernière, on a fait le diabète. L'année précédente, c'est l'insuffisance cardiaque. En fait, toutes ces maladies sont liées. Et en fait, le bilan de tout ça, c'est que, grosso modo, une personne sur trois, elle est incidente. C'est-à-dire qu'on découvre sa maladie à un stade hyper avancé.
On sait, par exemple, pour une personne qui a une insuffisance cardiaque, combien ça coûte une personne qui est hospitalisée pour une insuffisance cardiaque, ça coûte 8 000 euros par patient, on sait ce que ça coûte en ville, quand il n'est pas hospitalisé, ça coûte 4 000 euros par patient.
Et ce dont on se rend compte aussi, c'est que d'un point de vue écologique, aujourd'hui, le fait d'avoir un système de santé qui est très curatif fait que le système de santé est responsable de 8% des émissions de gaz à effet de serre en France. Le fait d'intervenir le plus vite possible, le fait d'avoir des bons comportements le plus rapidement possible, ça permet d'être en bonne santé, de mieux vivre, pas forcément de vivre longtemps, mais déjà de vivre mieux au quotidien, de vivre longtemps, de coûter moins cher à la société, et puis d'avoir un impact carbone qui est réduit pour ceux que ça inquiète.
Jean-Charles : Merci pour ça. On parlait tout à l'heure d'inégalités en matière de santé dans nos propos introductifs. Quelles sont vos réflexions sur... des aires médicaux, sur comment lutter contre ceci, et quelles autres typologies d'inégalités vous regardez ?
Marguerite Cazeneuve : Alors, ce qui est clair, c'est qu'il y a des inégalités d'accès aux soins. Donc là, c'est vraiment notre problème du moment. C'est un problème qui est... Conjoncturel, dans la mesure où le numerus clausus a sauté, normalement, on a quelques années difficiles à passer, mais on devrait pouvoir y arriver. Mais là, c'est sûr que notre objectif du moment, c'est de faire en sorte que chaque patient est un médecin traitant. Vous ne pouvez pas avoir un bon système de santé si vous n'avez pas un médecin traitant. Donc ça, c'est la conviction de l'assurance maladie. Ce n'est pas une conviction qui est partagée par tous.
Jean-Charles : On ne va pas avoir cette notion de médecin traitant obligatoire, c'est en tout cas pas le fait pour les citoyens.
Marguerite Cazeneuve : Exactement. Mais ça suppose que pour qu'un médecin traitant voit plus de patients, il n'a pas non plus des journaux à rallonge, il a le droit aussi à sa vie, donc ça veut dire que nous, il faut qu'on réduise son temps administratif.
Pour moi, la réduction des inégalités de santé, c'est un sujet très proche de la santé publique. Quand on prend le Covid-19, le département qui compte le plus de morts, c'est la Seine-Saint-Denis, le département le plus jeune de France. En Seine-Saint-Denis, vous avez une population qui a beaucoup plus de pathologies chroniques, des diabétiques beaucoup plus jeunes.
On a une prévalence des maladies cardiovasculaires associées qui est clairement plus importante chez des populations qui sont plus pauvres, qui ont des facteurs d'exclusion, de discrimination ethno-raciale, etc.
Et quand on remonte encore plus la chaîne, la santé des enfants est vraiment le cœur du réacteur. Les résultats sur des enfants de 5 ans montrent déjà des écarts considérables entre les enfants des 20% des plus riches et des 20% des plus pauvres. Par exemple, sur le dépistage en école maternelle des troubles du langage, des retards de langage, il est de 9% chez les enfants les plus pauvres, contre 4% chez les enfants les plus riches. Sur le surpoids, il y a une différence quasiment de 10 points.
Il faut qu'on arrive à intervenir le plus tôt possible auprès des enfants, à la fois sur la sensibilisation et sur le dépistage, le diagnostic et la prise en charge. Les vraies inégalités sociales de santé, celles qui me choquent le plus, c'est celles qui sont créées dès l'enfance. L'accès au droit n'est pas suffisant, il faut aller plus loin dans la manière dont on fait de l'universalisme proportionné, c'est-à-dire qu'on permet à ceux qui sont le plus éloignés ou le plus en besoin de soins ou d'attention ou d'accompagnement puissent bénéficier de cet effort supplémentaire de la puissance publique.
Jean-Charles : Hyper intéressant, merci de partager ça. Je sais aussi que tu es assez passionnée sur des sujets de santé des femmes. Quelles sont tes réflexions là-dessus aussi, sur les inégalités à ce niveau-là ? Qu'est-ce qu'on pourrait faire de différent dans votre système de santé ?
Marguerite Cazeneuve : Alors, moi, j'ai surtout été super convaincue par le médecin dont je vous parlais, Dr Claire Mounier-Veillé, sur notamment le... En fait, ce qui est hyper intéressant sur la santé cardiovasculaire de la femme, c'est qu'elle est symptomatique de la santé de la femme de manière générale. Quand vous avez une femme qui s'évanouit ou qui fait un malaise, on dit, "oulala, elle fait un petit malaise vagabond, on lui donne un sucre". Un mec qui s'évanouit dans le métro, tout de suite, on appelle les urgences. Mais la probabilité pour que ce soit la femme qui s'en prend de faire un arrêt cardiaque, elle est beaucoup plus élevée parce que le fait de tomber dans les pommes est un symptôme beaucoup plus grave chez la femme.
De manière générale, une femme, elle n'est pas malade tant qu'elle est en bonne santé. Pour des raisons sociologiques, les femmes s'inquiètent beaucoup moins de leurs symptômes. Et donc, elles arrivent dans un état souvent beaucoup plus avancé de leur maladie, que ce soit chez le médecin ou à l'hôpital. Par ailleurs, le système de santé, et notamment les professionnels de santé, ils ont été formés sur des symptômes qui ne sont pas exactement les mêmes chez les femmes et chez les hommes.
Notre rôle à l'assurance maladie est d'avoir des porte-parole puissants et de diffuser au maximum ces messages sur les symptômes spécifiques aux femmes. On a aussi beaucoup travaillé sur l'endométriose, on va s'associer à l'évaluation de l'endotest.
On a introduit pour la première fois dans le chargé-produit une analyse populationnelle sur la santé des femmes qu'on va suivre sur la durée. Cela comprend ce qui est spécifique d'un point de vue biologique chez la femme, ce qui relève purement de la femme comme la grossesse, la santé hormonale, la ménopause, et tout ce qui relève plus sociologiquement de la santé de la femme, c'est-à-dire des domaines où femmes et hommes ne devraient pas être traités différemment mais le sont en pratique.
Un point d'attention particulier concerne les mères seules. Dans les familles monoparentales, c'est 90% des familles avec la mère seule. Une mère seule qui fait un arrêt cardiaque chez elle a très peu de chances de s'en sortir. Ces femmes présentaient souvent des signes qui auraient dû alerter elles-mêmes et les professionnels de santé dans les deux semaines ou le mois qui précèdent l'événement. Notre rôle est donc de sensibiliser à la fois les femmes et leurs professionnels de santé sur ces signaux d'alerte pour permettre une prise en charge en amont.
Jean-Charles : Merci. Une question peut-être un peu plus personnelle. Comment ton travail a-t-il influencé ta propre relation avec ta santé ?
Marguerite Cazeneuve : Alors, c'est une bonne question. Bon, après, c'est toujours les cordonniers qui sont les moins bien chaussés. Et d'ailleurs, c'est intéressant parce qu'on s'est rendu compte, c'est notamment Philippe de Normandie qui a travaillé là-dessus, que les soignants avaient une très mauvaise santé et se prenaient très mal en charge en matière de santé. Donc ça, c'est une vraie préoccupation par ailleurs sur laquelle il faut qu'on travaille. Mais j'ai arrêté de fumer il y a un mois parce qu'on m'a vraiment dit là, 36 ans, c'est maintenant ou sinon après. On m'a aussi promis que dans 10 ans, si j'arrêtais de fumer... C'est comme si rien ne s'était passé. Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'ai décidé de le croire.
Jean-Charles : Excellent. Et si tu devais recommander à nos auditeurs une action pour agir sur leur santé aujourd'hui par rapport à tout ce que vous mettez en place, qu'est-ce que tu leur conseillerais de faire ?
Marguerite Cazeneuve : Je pense que le vrai élément déterminant, c'est l'activité physique. En tout cas, c'est là où on est les morts. Quand on se regarde comparativement à d'autres pays, finalement, sur l'alimentation, on a quand même de relativement bonnes habitudes d'alimentation. On est très mauvais sur le tabac. On n'est pas bon sur l'alcool. Mais je trouve que c'est sur l'activité physique qu'on voit qu'on a un écart. Marcher un peu plus chaque jour, prendre des escaliers, c'est quelque chose qui est faisable et pour lesquels on n'a pas nécessairement besoin d'un accompagnement médicalisé. Ce n'est pas une addiction. Et donc, lutter contre la sédentarité, se bagarrer un peu contre la sédentarité de ses enfants, c'est un truc qui est vraiment super important.
Jean-Charles : Un message qu'on porte aussi énormément, je suis d'accord avec toi, et avec beaucoup de conséquences, en fait. Quand tu commences à être un peu moins sédentaire, tu réfléchis aussi un peu plus à ta nutrition, à ton sommeil. Et donc, c'est extrêmement puissant. Peut-être une dernière question, c'est que réponds-tu aux détracteurs du système de santé français qui lui reprochent parfois d'être à la traîne ou de ne pas servir sa mission pour les citoyens ?
Marguerite Cazeneuve : Alors de manière générale, je déteste, enfin je suis devenue, c'est pas bien, mais un peu obsessionnelle de la défense du service public. Je pense qu'on ne se rend pas compte en France de la chance qu'on a d'avoir le système de santé que l'on a, d'avoir le système de protection sociale que l'on a, et de manière générale, d'avoir le service public que l'on a.
Bien sûr, le service public a plein de défauts. On a effectivement un hôpital public qui ne va pas très bien, des soignants dont on a mesuré la satisfaction au travail, et les résultats sont inquiétants. Ces signaux d'alerte, on les prend extrêmement au sérieux. Mais ce qui me déplaît, c'est les gens qui se servent de ça pour dégommer gratuitement le service public.
Je pense que c'est extrêmement anxiogène pour les gens et qu'on est dans un système de prophétie autoréalisatrice où à force de se dire qu'on va pas bien, on a le sentiment qu'on va pas bien. Parmi les facteurs de montée du populisme, de l'extrême droite, il y a le sentiment du recul des services publics. Il faut qu'on s'améliore à fond, mais il faut aussi qu'on se réjouisse et qu'on se mette un peu de positive thinking, parce qu'effectivement, on finit par croire qu'on habite le pire pays du monde et qu'il faut totalement changer de système, et je pense que ça, c'est super dangereux.
Jean-Charles : Je suis d'accord avec toi. Et pour ceux qui, en effet, font beaucoup de critiques dans leur fauteuil et agissent peu, j'aime bien parler du... Du discours de Theodore Roosevelt à la Sorbonne au début du XXe siècle, qui s'appelait L'Homme, alors c'était un peu plus L'Homme dans l'arène, mais qui est celui qui sue et qui lutte et qui essaie de changer les choses. Et après, il y a selon les gradins qui critiquent. Et il vaut mieux être dans l'arène.
Marguerite Cazeneuve : Je suis d'accord.
Jean-Charles : Et donc, merci énormément d'être dans l'arène tous les jours.
Marguerite Cazeneuve : Eh bien, merci à toi aussi.
Jean-Charles : Une question qui m'intéresse aussi, comment tu penses que la puissance publique peut travailler un peu mieux aussi avec le privé, et comment le privé peut travailler aussi un peu mieux avec la puissance publique, je pense que ça doit être une réciprocité. Nous, on est un acteur de la complémentaire santé, des services de prévention et des services de santé aussi. Est-ce que tu vois des points où il y aurait plus de collaboration possible ?
Marguerite Cazeneuve : Alors il faut déjà bien réaliser ça. Je ne suis pas sûre que les Français le réalisent totalement, mais en fait en France, on a un système qui est vraiment bicéphale. Les cliniques tiennent une très grosse part de la partie établissement de santé, et tous les libéraux de santé, donc vous avez des centres de santé salariés, mais en fait, quand même, les soins en ville, c'est beaucoup des libéraux, donc des indépendants du privé.
C'est une chance qu'on a en France d'avoir à la fois des acteurs de santé qui sont des acteurs du privé et des acteurs publics. Tous ceux qui expliquent qu'il faut faire soit tout l'un, soit tout l'autre ont tort, puisque pour les gens qui veulent s'engager comme soignants, le fait d'avoir la pluralité des possibles est attractif. On peut un jour travailler comme salarié en hôpital, et en même temps être à son compte. Ça permet aussi au système de répondre à des besoins différents.
Le premier impératif, c'est de sortir un tout petit peu des discours tout faits que les uns et les autres se renvoient à la figure entre l'hôpital public, l'hôpital privé, l'assurance maladie obligatoire, l'assurance maladie complémentaire. On a de la chance en France d'avoir beaucoup d'acteurs qui sont très complémentaires. Il y a des coûts de coordination qu'on peut améliorer, mais globalement, on a de la chance d'avoir cette pluralité d'acteurs qui travaillent ensemble.
L'un des points où nous avons un travail à faire vis-à-vis du privé et des gens en général, c'est que l'assurance maladie comme institution, la CNAM, parce que la CPAM, on voit à peu près, mais la CNAM, c'est une espèce de bâtiments gris sur le périph', on se dit, mais qui sont ces gens ?
Jean-Charles : On peut se dire au début, est-ce que…
Marguerite Cazeneuve : Qui sont ces gens dans une boîte noire qui ne voit jamais personne, etc. Mais pareil pour le ministère. Et donc, je pense que ça, cette perception-là, en fait, comme toute perception, on est toujours un peu responsable de l'image que l'on renvoie. Et donc, elle est aussi, je pense, liée au fait qu'on a insuffisamment parlé aux acteurs, quels qu'ils soient.
Et donc moi, j'encourage beaucoup, par exemple, mes collaborateurs à systématiquement recevoir les boîtes, les associations, etc. Quand ils sont sollicités, c'est notre travail en tant que service public de recevoir les gens. Si nous, on ne le fait pas, personne ne le fait. De s'exprimer sur les réseaux sociaux, d'échanger, etc. Et donc d'arriver à être beaucoup plus ouvert.
Un conseil pour les entreprises privées, c'est qu'on a effectivement un système de santé aujourd'hui qui est très largement solvabilisé par l'assurance maladie obligatoire. Mais il ne faut pas absolument chercher la solvabilisation par l'assurance maladie obligatoire. Autrement dit, on a une forme d'incompréhension entre plein de gens qui créent des business qui n'ont pas vocation à être remboursés par l'assurance maladie parce que ce n'est pas exactement de la santé avec de la preuve clinique, etc. Mais ça ne veut pas dire que ça ne crée pas de la valeur. Ça veut juste dire que c'est autre chose.
Il y a plein de manières de proposer des offres en santé qui ne relèvent pas nécessairement de l'assurance maladie, mais qui peuvent participer. Et puis un jour, si ces initiatives créent de la valeur, de toute façon une initiative d'une entreprise qui crée de la valeur pour un patient ou pour un professionnel, il n'y a pas de raison qu'on ne finisse pas par s'y intéresser.
Jean-Charles : Merci pour ça et merci pour ta vision extrêmement didactique des nuances, des objectifs, des contraintes, des complexités de notre système de santé en France, de tout le potentiel qu'il y a à continuer à l'améliorer, de toutes les initiatives que vous menez, de comment on peut le faire ensemble, collectivement, en tant que société. Donc je trouve qu'on a couvert énormément de terrain, je t'en remercie de l'avoir fait avec, encore une fois, beaucoup de clarté, d'avoir approché ces sujets aussi de la télésanté, de la prévention, de la lutte contre les inégalités qui sont extrêmement importantes, comment apporter l'excellence à tous. J'aime beaucoup cette vision et cette mission.
Si vous avez trouvé cette conversation aussi utile que moi, n'hésitez pas à la partager avec d'autres qui pourraient en bénéficier. Il faut que le plus grand nombre comprenne notre puissance publique, comprenne les avantages de notre système de santé et ce qui s'y passe. Assurez-vous aussi de vous abonner au podcast pour ne pas manquer les prochains épisodes. Nous avons une liste incroyable d'invités qui arrivent pour continuer à réfléchir à comment on peut s'épanouir, vivre plus longtemps, mais aussi vivre mieux dès aujourd'hui. On en a beaucoup parlé. Merci infiniment, Marguerite.
Marguerite Cazeneuve : Merci beaucoup pour votre invitation.
Jean-Charles : A bientôt.