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Healthier Humanity podcast Épisode 8 Quand arrêter de fumer devient un plaisir - Professeur Bertrand Dautzenberg

Le tabac peut-il être arrêté sans souffrance et sans prise de poids ? C'est la question qu'explore le Professeur Bertrand Dautzenberg dans ce nouvel épisode de Healthier Humanity. Figure majeure de la tabacologie en France, le Professeur Dautzenberg nous dévoile comment une approche bienveillante et scientifique peut transformer l'arrêt du tabac en une expérience positive.

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Healthier Humanity podcast Épisode 8 Quand arrêter de fumer devient un plaisir - Professeur Bertrand Dautzenberg
Mis à jour le
16 avril 2025
Mis à jour le
16 avril 2025
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Dans cet article

Quand arrêter de fumer devient un plaisir

Ancien professeur de pneumologie à la Pitié-Salpêtrière, il bouleverse nos idées reçues sur la dépendance tabagique : "Le tabac est une drogue qui a vraiment peu d'intérêt. Le seul intérêt du tabac, c'est de supprimer le manque lié à la cigarette d'avant." À travers cette analyse lucide, il nous explique pourquoi la culpabilisation des fumeurs est contre-productive et comment une approche personnalisée peut faire toute la différence.

De son côté, le Professeur apporte un éclairage scientifique crucial : "Il faut être gentil et bienveillant avec soi-même. Être gentil et bienveillant, ça marche très bien." À travers son expérience clinique de plusieurs décennies, il démontre comment l'écoute du corps et la substitution nicotinique adaptée permettent d'éviter les deux écueils majeurs de l'arrêt du tabac : la souffrance et la prise de poids.

Dans cette conversation riche en enseignements, notre expert partage :

  • Les mécanismes biologiques de la dépendance à la nicotine

  • Les bénéfices immédiats et à long terme de l'arrêt du tabac

  • Une méthode révolutionnaire de sevrage sans souffrance

  • Le rôle prometteur de la cigarette électronique

  • Une vision sociétale de la lutte contre le tabagisme

Cette discussion démontre que l'arrêt du tabac n'est pas qu'une question de volonté - c'est une démarche médicale qui nécessite un accompagnement adapté. Que vous soyez fumeur, proche d'un fumeur ou professionnel de santé, cet épisode vous donnera les clés pour comprendre et accompagner efficacement le sevrage tabagique.

[EPISODE TRANSCRIPT]

Introduction [00:00 - 00:34]

Jean-Charles: Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de Healthier Humanity. Je suis Jean-Charles Samuelian, ou Herve, l'hôte de ce podcast. Un podcast où nous échangeons avec des experts renommés, des athlètes de haut niveau, des figures fortes des domaines de la santé et de la prévention pour discuter de notre santé, de notre bien-être et de longévité. Aujourd'hui, j'ai le grand plaisir d'accueillir le professeur Bertrand Dautzenberg, une figure majeure de la lutte contre le tabagisme en France. Bertrand, merci d'être avec nous aujourd'hui.

Bertrand Dautzenberg: Bonjour, bonjour.

Jean-Charles: Vous êtes un tabacologue de renom, ancien professeur de pneumologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et vous avez joué un rôle pionnier dans la compréhension des mécanismes d'addiction au tabac, dans le développement des stratégies innovantes pour l'arrêt du tabac aussi. Vos travaux sur la cigarette électronique et votre expertise en matière de tabagisme passif ont marqué certaines des politiques de santé publique en France. Merci pour ça. Vous êtes aussi un auteur prolifique, comme le tas de livres devant moi le représentent. Le Plaisir d'arrêter de fumer est un de vos derniers livres, très accessible et qu'on va décortiquer aujourd'hui. Aujourd'hui, on estime qu'un fumeur prend deux jours d'arrêt maladie de plus par an qu'un non-fumeur, que les coûts de la perte de productivité liée au tabac vont jusqu'à 185 milliards de dollars par an aux États-Unis. En France, le tabac reste la première cause de mortalité évitable avec 75 000 décès par an. Votre combat pour une société sans tabac est donc, plus que jamais, d'actualité et important. Alors, comme on l'a dit, vous avez publié de nombreux ouvrages sur le tabac et le tabagisme, dont Le plaisir d'arrêter de fumer. Et peut-être, avant d'apprendre comment ça se verrait, j'aimerais d'abord qu'on comprenne pourquoi certaines personnes continuent à fumer. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment les cigarettes sont conçues pour être addictives ?

Comment les cigarettes sont conçues pour être addictives [01:55 - 03:05]

Bertrand Dautzenberg: Les cigarettes sont conçues pour être addictives. Un petit peu par l'imaginaire, mais énormément, énormément par la nicotine qui est contenue, qui est une substance qui est très addictive. Et la cigarette se comporte un peu comme un amant toxique, qui a des petits côtés sympathiques, mais qui vous tue. Il y a dans le monde 8 millions de morts par an liées au tabac, 75 000 en France comme on l'a dit. Et tous ceux qui fument dans l'heure du lever, ce n'est pas des gens qui veulent fumer, c'est des gens dont leur corps a été programmé quand ils étaient adolescents pour fumer la cigarette, pour enrichir les cigarettiers. Et les cigarettiers font tout fait et font tout pour que ça continue à être comme ça. Donc on est victime, on a confié quand on est fumeur du matin, de l'aube, son cerveau à, non pas la Biélorussie pour son téléphone, mais à la puissance des lobbies du tabac qui marquent la vie clairement dans leurs documents que leur métier, c'est de rendre les teenagers dépendants, que s'ils n'arrivent pas à le faire, ils sont fichus. Ils savent par ailleurs qu'il y a une chance sur deux que ça vous tue, mais ça, c'est pas très important.

Les mécanismes biologiques de l'addiction à la nicotine [03:05 - 05:00]

Jean-Charles: C'est assez effrayant d'entendre ça. Et quels sont les mécanismes biologiques qui se cachent derrière tout ça, de l'addiction à la nicotine, et comment on a amélioré notre compréhension au fil des années ?

Bertrand Dautzenberg: La compréhension est assez bonne maintenant. Un fumeur, il a sur certains de ses neurones des récepteurs à l'acétylcholine qu'on appelle nicotiniques. Il y en a très peu. Comme on a des récepteurs morphiniques, comme on a des récepteurs d'ailleurs aux cannabinoïdes, etc. Et ces récepteurs sont en tout petit nombre. Et un non-fumeur a besoin de zéro nicotine. La nicotine n'est pas une substance utile à la vie. C'est ce qui attaque les plantes. Pas du tout pour tuer les adultes qu'on a en la fumant. Et cette addiction à la nicotine, elle est forte, parce que la nicotine, quand vous fumez une cigarette, normalement vous arrivez à fumer 3, 4, 5 bouffées de cigarettes si vous n'êtes pas fumeur, si vous n'avez pas un nombre élevé de récepteurs nicotidiques, et après, nausée, on va se cacher pour éteindre sa cigarette quand on est gamin, ou un fumeur qui est bien compensé, d'ailleurs, à la même chose, il essaie d'allumer sa cigarette, au milieu elle n'est pas bonne.

Donc ça c'est une notion générale. Et c'est pour que la cigarette soit acceptée, il faut injecter doucement de la nicotine, un petit peu, faire essayer un peu plus de nicotine. Et au lieu d'avoir un récepteur nicotinique sur chaque neurone, on va avoir des centaines et des milliers. Donc l'avantage, c'est que la nicotine n'est plus toxique. Elle est mille fois moins toxique que chez un non-fumeur. Mais ces milliers de récepteurs réclament la nicotine. Et pourquoi ? Parce que quand on prend de la fumée de cigarette, c'est une montée très rapide de nicotine. Après la 10, 12ème bouffée de la cigarette, que la nicotine arrive dans un endroit où il n'y a plus de place pour mettre la nicotine et s'envoie un signal au cerveau, veillez à me renvoyer de la nicotine. C'est comme quand ça vous gratte. Si vous grattez parce que ça vous gratte, ça va vous gratter encore plus. Alors que si vous caressez quand ça vous gratte, ça ne va pas le faire plus. Et alors que la nicotine qui est délivrée de façon douce, régulièrement, sans pic de nicotine, donc en caresse de nicotine et non pas en claque de nicotine, ça va vous permettre de diminuer les besoins de nicotine chez la plupart des gens. Ça va diminuer, ça passe, les récepteurs vont se déplanter de la surface de la cellule à peu près 1% par jour donc au bout de 100 jours il n'y a plus besoin de nicotine chez 85% des gens. Il y a un petit long qui reste dépendant mais assez peu.

Impact sur l'espérance de vie [05:30 - 06:01]

Jean-Charles: C'est fascinant. Et vous avez dit que le tabac, quand on commence en adolescence, tuera une personne sur deux.

Bertrand Dautzenberg: Oui.

Jean-Charles: Quels sont les nombres des personnes qui ont perdu 22 années de vie en bonne santé ?

Bertrand Dautzenberg: Chez les hommes et chez les femmes, il y a une grande étude qui a été faite chez les médecins hommes après-guerre, qui montre que c'est 20 ans. Une autre étude sur un million d'années de femmes surveillées qui montre que c'est 22 ans. Mais c'est la même chose. Ça va faire aussi bien les hommes que les femmes à tabagisme.

Jean-Charles: Et quels sont du coup les effets long terme du tabagisme ? Qu'est-ce qui provoque cette perte de 22 ou de 20 ans ?

Bertrand Dautzenberg: Le tabac provoque des centaines, voire des milliers de maladies ou favorise de très, très, très nombreuses maladies. Et parmi ces maladies, on a les cancers qui font à peu près 40 ans. On a toutes les maladies respiratoires, la séance respiratoire, on a la maladie cardiaque et vasculaire. Mais il y a aussi plein de maladies. Si vous avez la grippe, vous avez deux fois plus de chances de vous retrouver à l'hôpital et de mourir. Si vous avez la tuberculose, une maladie qui n'a rien à voir avec le tabac, vous doublez les chances de mourir dans la maladie. C'est pour ça que l'OMS, dans les programmes de lutte contre la tuberculose dans l'Afrique, elle met aussi des programmes de lutte contre le tabac.

Et donc c'est vrai pour beaucoup, beaucoup, beaucoup de maladies. Il y a une interaction. La Haute Autorité de Santé fait des guides pour toutes les maladies chroniques de longue durée, diabète, cirrhose, etc. Dans 17 de ces guides, sur les 35, il y a marqué que l'arrêt du tabac est un traitement essentiel et fait partie du traitement du diabète, de la cirrhose, des traitements post-greffe, de l'hépatite B, de l'hépatite C et de beaucoup de maladies neurologiques aussi. Ça donne des poussées pour la sclérose en plaques, ça aggrave les polyarthrites rhumatoïdes. Un produit qui est très inflammatoire, qui augmente le niveau d'inflammation de l'organisme. Et ça, ça tue de façon tout à fait admirable et persistante. 

Et on est sûr, sûr que c'est ça. Si on regarde le taux de cancer du poumon chez les hommes, on voit qu'en France, il a augmenté. Et puis depuis 1991, ce taux diminue un petit peu, depuis l'Halloween. Chez la femme qui ont commencé à fumer plus tard, on arrive au pic maintenant et ça va diminuer après. Dans tous les pays du monde où on voit la différence de tabagisme homme-femme, on prend la courbe, on regarde la mortalité par cancer 20 ans plus tard, les courbes se croisent alors que les spoutniks c'est les mêmes, la pollution c'est les mêmes, mais les présidents des États-Unis changent, et c'est pas ça qui change, la mortalité.

Mécanismes biologiques des risques du tabac [08:02 - 09:47]

Jean-Charles: C'est effrayant et passionnant à la fois. Est-ce qu'on comprend aujourd'hui les mécanismes biologiques, physiologiques qui font qu'on double le risque sur la tuberculose par exemple. Qu'est-ce que ça provoque dans l'organisme notamment ?

Bertrand Dautzenberg: Pour toutes les maladies inflammatoires infectieuses, ça augmente l'inflammation de l'organisme. Et un organisme inflammé se défend moins bien. Et c'est vrai pour les méningites cérébro-spinales, c'est vrai pour l'apnomonie aptomocoque qui est multipliée par trois, c'est vrai pour plein plein plein de maladies.

Jean-Charles: Donc c'est les mécanismes inflammatoires ?

Bertrand Dautzenberg: C'est principalement les mécanismes de l'inflammation. Pour les cancers, il y a dans la fumée du tabac, des goudrons, des cancérogènes, qui sont des cancérogènes. Il y a soixantaine de cancérogènes dans la fumée de cigarette. Et quand vous inhalez les soixante, des cancérogènes s'élevaient. Un élément important, c'est qu'il y a beaucoup de particules aussi. Quand vous fumez une cigarette, une bouffée d'une cigarette, vous émettez à peu près autant de particules que si vous restiez toute la journée…. vous recevez autant de particules fines de PM2,5 que ce si vous restiez toute la journée dans Paris pollué.

Et donc, quand vous avez, au niveau des émissions, c'est quelque chose de considérable. On est à 400 000 tonnes de PM2,5 rejetées dans l'air. Et puis après, si on peut voir la nature, il y a quelques milliards de mégots aussi. Donc le tabac pollue, le tabac tue, le tabac est la cause principale des incendies sur le lieu de travail, etc. et dans les forêts. Donc il y a beaucoup, beaucoup d'inconvénients et le tabac coûte très cher. S'il n'y avait pas de tabagistes, le budget de l'assurance sociale serait en grand bénéfice cette année, en 2025.

Jean-Charles: À ce point-là, vous pensez ?

Bertrand Dautzenberg: À ce point-là, avec des effets retardés, mais les effets immédiats aussi sur les maladies infectieuses, c'est tout de suite.

Types de tabagisme et différences de risque [09:54 - 11:48]

Jean-Charles: Et on parle beaucoup des différents types de tabagisme. Est-ce que vous pouvez nous décrire quelles sont les différences entre un tabagisme fréquent et un tabagisme occasionnel ? Ou un tabagisme passif d'ailleurs. Comment c'est déjà défini et quelles sont les différences de risque ?

Bertrand Dautzenberg: Ça n'a pas grand intérêt, mais à partir du moment où une bouffée a un effet néfaste mesurable pour la santé, donc la bonne dose de cigarette c'est moins qu'une bouffée, donc les choses sont claires de ce côté-là. Après, ça dépend des maladies en fait. Si pour le cancer par exemple, ce qui compte c'est le nombre d'années auxquelles on a été exposé à la fumée de tabac, on rajoute les années d'enfance où on a pu être exposé dans le bar de ses parents jusqu'à maintenant et c'est le nombre d'années qui est le facteur principal de la maladie.

Si vous prenez la bronchite chronique et les maladies respiratoires, là c'est le nombre de quintaux de tabac que vous avez fumé, en moyenne, les maladies graves, ils ont fumé 2, 3, 4, 5 quintaux de tabac dans leur vie. Il faut vraiment s'appliquer pour être malade. Si vous prenez le risque cardiovasculaire, il y a des effets seuil, par exemple, pour la thrombose, pour boucher les vaisseaux, que ce soit les artères de la tête pour devenir hémi-pégique, si c'est votre souhait, ou pour faire un infarctus, si c'est votre souhait. 3 cigarettes, c'est quasiment aussi bien que 20, parce que les phénomènes sont au maximum des 2-3 cigarettes.

Donc la bonne quantité de cigarettes, c'est zéro. Et surtout que le tabac est une drogue qui a vraiment peu d'intérêt. Quand vous allez en soirée, vous prenez du cannabis, de l'alcool ou autre chose, ou des drogues illégales, vous pouvez parler plus avec les autres. Le seul intérêt du tabac, c'est de supprimer le manque lié à la cigarette d'avant. Et puis le côté social qu'on a vu sur les pubs en disant la belle blonde, elle est française, elle fume sa cigarette, ou le cow-boy. Mais maintenant, les cow-boys, ils sont tous morts de leur cancer.

Tabagisme passif sur le lieu de travail [11:48 - 13:45]

Jean-Charles: Et on a beaucoup de gens qui nous écoutent qui sont aussi sur leur lieu de travail. Et vous avez beaucoup écrit sur ces sujets. Quels sont les risques du tabagisme passif sur le lieu de travail ? Et qu'est-ce qu'on peut mettre en place en termes de mesures pour protéger les non-fumeurs ?

Bertrand Dautzenberg: Ça, le décret Bertrand a considérablement modifié la situation sur le lieu de travail. On a mesuré lors de l'interdiction de fumer sur le lieu de travail les améliorations qui sont quand même considérables. En sachant que ça nous a permis de mesurer aussi que les... La première victime du tabagisme passif sur le lieu de travail, c'était les fumeurs. Parce que le fumeur qui fume autant, mais qui n'est pas avec des fumeurs et de la fumée partout, est moins exposé.

Quand vous avez une cigarette, vous avez un milliard de particules que vous prenez pour vous, des particules qui sont un peu plus grosses, de 300 microns. Quand vous laissez la cigarette dans le cendrier ou au moment où vous n'aspirez pas, là c'est 5 milliards de particules, donc 5 fois plus, de 90 microns qui vont encore plus loin dans les poumons. Et le fait que les fumeurs ne fument plus en réunions plénières améliorent leur santé. Alors il faut beaucoup mieux qu'ils arrêtent complètement, mais il y a déjà une amélioration pour les fumeurs.

Et là, surtout, ça s'est bien passé parce que socialement, ça s'est bien passé. C'est-à-dire que les patrons de bar disaient que c'est sûr qu'ils allaient tous fermer. Et puis finalement, ils ont plus d'enfants qui viennent, etc. Donc après 11h30 du soir, ils ont moins de gens, mais dans la journée, ils ont plus de gens. Et globalement, on n'a pas eu de catastrophe. Si vous regardez la une des journaux au moment de l'interdiction, c'était... Des catastrophes. Et les boîtes de nuit, il y a des niveaux de pollution, et par le monoxyde de carbone, et par les particules, qui atteignaient mille fois la valeur limite. C'est-à-dire que normalement, il fallait aller uniquement avec un masque ventilé. C'était interdit, ça aurait été un lieu de travail, ça aurait été interdit d'y rentrer sans un masque ventilé. Tous les masques à cartouches, etc., qu'on voit sur les chantiers pour les expositions exposées, c'est pas assez. C'est un vrai phénomène.

La cigarette électronique [13:45 - 16:27]

Jean-Charles: Vous avez aussi écrit sur la cigarette électronique. Comment on crée un environnement sans tabac ? Quelle est la place de la cigarette électronique dans tout ça ?

Bertrand Dautzenberg: Alors ça, c'est compliqué. Le rêve, c'est qu'il n'y ait plus de tabac, plus de cigarette électronique, plus rien. Ça, c'est une butée ultime. Mais tant qu'il y aura des fumeurs, moi, je suis un défenseur de la cigarette électronique, qui est une façon de prendre la nicotine de façon beaucoup plus saine et de se sevrer du tabac, et aussi de prendre la nicotine de façon beaucoup moins addictive.

Il n'y a pas de fumée dans la cigarette électronique. Il y a de la vapeur d'eau, c'est des gouttelettes qui sont là, qui ont une demi-vie assez courte. C'est 11 secondes si c'est du propylène glycol, 28 secondes si c'est de la glycérine végétale. Ça dépend quel produit on prend, mais c'est très court. Donc ça ne persiste pas dans l'air. Quand vous allez dans un endroit où on vapote, ça ne sent pas le tabac froid. Il n'y a pas les nitrosamides qui se forment secondairement. Et surtout, la cigarette électronique, au moment où vous aspirez, vous appuyez dessus pendant deux secondes, ça marche. Et puis après, ça s'arrête.

On a vu tout à l'heure pour la cigarette, il y avait 5 milliards de particules qu'on ne s'en servait pas et 1 milliard qu'on s'en servait. Là, c'est zéro. Alors après, il y a quelques confusions qui sont faites sur les particules. La cigarette électronique, c'est des gouttelettes et des gouttelettes qui s'évaporent. Et quelqu'un qui a une cigarette électronique, qui, sur son lieu de travail, veut trafiquer un peu avec les règles et vapoter discrètement, il fait comme notre ancienne première ministre à l'Assemblée nationale. Elle prend sa cigarette électronique, elle aspire doucement. Elle attend 5 secondes et au bout de 5 secondes, toutes les gouttelettes se sont retransformées en gaz ou se sont collées aux parois, elle expire, il n'y a plus rien.

Donc on peut faire ça, on peut aussi prendre la cigarette, aspirer le jus dans la bouche et puis recracher pour faire la grande fumée pour épater les copains. Et on peut l'utiliser un petit peu comme on veut et on peut prendre des doses de nicotine qui sont les mêmes qu'avec la cigarette, mais les vapoteurs ne vapotent pas du tout comme les fumeurs. Les fumeurs, ils prennent 15 bouffées, ils s'arrêtent 45 minutes, 15 bouffées, 45 minutes, 15 bouffées, 45 minutes. La cigarette électronique, on prend 2-3 bouffées, on s'arrête 2-3 bouffées. Donc au lieu d'avoir des pics de nicotine qui créent la dépendance, on a des petites oscillations au cours de la journée.

Et ça, on l'avait décrit avec une étude qu'on avait faite avec une cigarette électronique qui était connectée. On avait recueilli des fichiers de 101 millions de puffs. C'est-à-dire que le smartphone recueillait un peu les données et qui montre très bien qu'au début, les gens vapotent un petit peu comme la cigarette et puis au bout de quelques jours, ils vapotent autrement. On voit aussi que le samedi, ils se couchent plus tard, que le lundi, ils se couchent et se lèvent plus tôt et que le matin, ils ne vapotent pas pareil que le soir, etc. Donc, c'est très intéressant d'avoir ces études sur des données massives qui font toute référence, d'ailleurs.

Le plaisir d'arrêter de fumer et les stratégies de sevrage [16:27 - 20:00]

Jean-Charles: Vous parliez de sortir de l'addiction. Je serais très curieux qu'on commence à creuser sur le plaisir d'arrêter de fumer, comme vous l'avez dit, et les stratégies de sevrage. Est-ce que vous pourriez nous décrire, peut-être étape par étape, ce qui se passe avec vous lors d'une consultation d'un patient qui aimerait arrêter de fumer ?

Bertrand Dautzenberg: Ce qui se passe en 2025 est très différent de ce qui se passait il y a 20 ans. Je suis intéressé par l'évolution. Il y a 20 ans, on pensait que le fumeur, il voulait fumer, c'était lui qui décidait, il fallait le motiver. Les traitements d'arrêt étaient indiqués chez les gens motivés à l'arrêt du tabac. Alors que les traitements marchent beaucoup mieux chez les gens pas motivés du tout à l'arrêt du tabac. Et comme les traitements des cancers peuvent être utilisés chez les gens motivés à traiter leur cancer, mais ils peuvent être utilisés aussi bien sur les gens pas motivés. Après, le malade peut toujours dire non, je ne veux pas de votre traitement efficace, mais on peut le faire.

Et après, depuis qu'on a la cigarette électronique, j'avais déjà évolué dans ce sens-là, mais depuis 2012-2013 qu'il y a la cigarette électronique, j'ai vu que les gens avaient très plaisir à s'arrêter. La première fois que j'ai vraiment réalisé ça, c'est qu'il y avait France 2, ou Antenne 2, je ne sais plus comment ça s'appelait à l'époque, qui voulait tourner un truc sur la cigarette électronique, et j'avais justement quelqu'un sur le lieu de travail qui travaillait à un bureau, son voisin vapotait tout le temps, et là, elle n'avait pas, elle disait que ça la rendait malade.

Donc, elle a dit « Ok, vous venez à l'hôpital, avec la vapoteuse du copain, et on va vous reproduire ça au laboratoire pour regarder la résistance du néo, et on va voir ce qu'il se passe. » On arrive à l'hôpital, on a cherché quelqu'un, c'était un truc bien concentré en nicotine. On s'est dit, on va quand même trouver un fumeur. On a eu un peu de mal, mais on a trouvé la secrétaire du laboratoire qui fumait vraiment beaucoup. Elle a pris le truc, elle a dit, avant d'y aller, je vais essayer dans le couloir. Elle a pris le truc, elle a aspiré, elle a dit, qu'est-ce que c'est ce truc-là, je le veux. À la seconde. Et après, elle a été, bon, elle a soufflé dans la tête de la personne qui a un petit peu toussé, mais ça a été, mais après elle a arrêté.

Une seconde avant, elle ne voulait pas arrêter. Une seconde après, elle voulait arrêter. Et c'est le produit le plus utilisé en France, d'après les données de Santé Publique France, pour arrêter de fumer. A mon grand regret, parce que moi, je pense qu'une maladie qui a une chance en deux de vous tuer, ça devrait être les médecins, le corps de santé, etc. qui devraient prendre ça en charge. Mais là, on laisse ça un peu avec négligence.

Même l'agence de médicaments pour les produits d'arrêt du tabac, d'abord. Maintenant, c'est la sécurité sanitaire de médicaments. L'efficacité, on s'en fiche un peu. On veut juste que ça ne fasse pas de mal. Mais on vous vend des patchs, par exemple, où il y a marqué 21 mg, qui délivrent presque 50% de plus et même plus de nicotine que d'autres patchs où il y a marqué 21 mg. Alors que quand c'est les traitements pour la thyroïde, avec 2%, vous faites un scandale sanitaire.

Donc les fumeurs considèrent qu'ils sont mal considérés par les autorités de santé. Les recommandations qui sont faites sur les fumeurs font comme si le tabac ne tuait pas. Si le tabac était une mauvaise habitude et si c'était un problème d'esthétique, de cheveux, je comprends qu'on le fasse. À partir du moment où quelque chose a une chance sur deux de vous tuer, on peut faire des traitements qui ne tuent pas.

Et la France a quand même pas mal évolué là-dessus. Tous les substituts nicotiniques en France sont remboursés. C'est le seul pays au monde. Il n'y a aucun pays où c'est ça. Et même quand ce n'est pas remboursé, une boîte de patch, ça coûte 25, 28 euros. Si vous allez en Belgique, ça coûte 60 euros. Si vous allez en Allemagne, ça coûte 100 euros. Donc tous les Français vont acheter leur cigarette en Belgique. Et les Belges viennent acheter leurs produits pour arrêter de fumer en France. Parce que même sans sécu, même sans remboursement, c'est beaucoup moins cher. Et ça, ça aide quand même beaucoup pour l'arrêt du tabac et c'est un signe que ça va fort.

Consultation et protocole d'arrêt du tabac [20:19 - 38:28]

Jean-Charles: Du coup, ce qui était intéressant pour moi, c'est... Comment vous accueillez le patient ? Quelle est la discussion ? Et comment vous créez le protocole ?

Bertrand Dautzenberg: Alors pour voir le patient, j'ai appris, parce que depuis là je suis retraité pneumologue, depuis à 70 ans on met les docteurs à la porte de l'hôpital parce qu'ils sont trop vieux, et donc je travaille dans un centre de santé. Et là, j'ai appris à écouter les patients. Et en écoutant les patients, on s'instruit beaucoup.

Et tout ce que je sais, en particulier sur la vape, la vape, j'avais commencé à ouvrir la consultation sur la vape à La Pitié, quand j'étais à La Pitié, où là, c'était une consultation pour le personnel, les médecins et les infirmières. Je leur disais tous, j'ai marqué vape, je n'y connais rien. Par contre, je suis en train de faire un rapport pour la ministre. Donc, dites-moi tout, apprenez-moi tout. Et les gens sont ravis d'éduquer les docteurs. Et ils sont experts. Pour quelqu'un qui a un problème, d'avoir le médecin qui vous dit « je vous écoute, vous êtes des maîtres », ils sont ravis. Et ils sont toujours ravis. Dès qu'il y a des gens un peu bizarres, je leur dis « c'est bien, vous allez m'apprendre ». Et donc, ils sont tout à fait contents.

Et donc, la vape est un moyen efficace. Et j'ai appris aussi que le plaisir d'arrêter est tout à fait important. Maintenant, pour les substituts nicotiniques en comprimés, il y a des petites pastilles sur la langue qui picotent, il y a des comprimés à sucer, il y a des gommes, il y a des goûts citron, fruits rouges, parfums, etc. Avant, je m'en fichais un peu. Maintenant, j'y vais carrément. Je mets différentes gouttes. Je leur dis de goûter trois formes au moins pour voir la meilleure. Et quand ils ont une qu'ils aiment, ils l'apprennent bien. Sinon, ils ne l'apprennent pas.

Sur les essais, c'est très clair. Quand quelqu'un n'aime pas le médicament, il le prend pour un. C'est tout. Alors, on peut dire que c'est pas bien tout ce qu'on veut. Mais comme je traite des êtres humains, il faut mieux se rendre compte de ce qu'est l'humanité. Et voilà. Et donc, maintenant, quand quelqu'un arrive, d'abord, je... 80% des fumeurs m'expliquent qu'ils fument parce que c'est leur personnalité, c'est leur truc, c'est leur machin, etc. Je leur dis oui peut-être.

Alors il y a ceux qui ne fument pas le matin ou pas tous les jours, c'est souvent vrai. Mais tous ceux qui fument dans l'heure du lever le matin, ce qui est quand même 90% des cigarettes fumées, ou 95% sont fumées par des gens qui sont des drogués à la nicotine. Je leur dis peut-être que vous avez raison, peut-être que vous n'avez pas raison. Effectivement, il y a une dépendance psychologique, comportementale, il y a la nicotine. Mais les deux sont mélangés.

Si vous allez, par exemple, dans une boulangerie et que la boulangère est gentille, les croissants, ils croustillent et que ça sent bon le croissant, si vous avez faim, vous allez rentrer, vous allez acheter un croissant, vous allez le manger. Si vous passez dans la même boulangerie et que vous venez de faire le repas du siècle, que vous avez le ventre tendu tellement vous êtes repu, vous allez traverser le trottoir, ça va vous dégoûter, ça va vous donner la nausée de les voir. Donc le même stimuli psychologique, en fonction du manque, fait ça.

Et je leur dis, je pense que vous ne savez pas pourquoi vous fumez. Moi, je ne sais pas pourquoi vous fumez, mais on va découvrir en une semaine pourquoi vous fumez. Et à la fin de la semaine, je répondrai, c'est peut-être vous qui avez raison, c'est peut-être moi qui avais raison, mais je leur dis qu'au pif, c'est quand même qu'ils fumeront quand même deux fois moins avec ce que je pense, et qu'il y a une grosse partie de dépendance physique à la nicotine.

Alors, ils disent j'ai déjà mis des patchs, ça ne marche pas. Quelqu'un qui me dit j'ai déjà mis un patch, ça ne marche pas. Je lui dis chic, chic, chic. Ça, ça veut dire que vous n'avez juste pas la bonne dose, mais que ça va bien marcher. Parce que qui vomit avec un patch à 21 mg, c'est autre chose, ou qui a des allergies cutanées, c'est une chose, mais quelqu'un chez qui ça ne marche pas, c'est une très bonne nouvelle. Ça veut dire qu'il a juste besoin d'avoir la bonne dose de nicotine adaptée au nombre de récepteurs. Est-ce qu'il a 10 récepteurs ? Est-ce qu'il en a 100 ? Est-ce qu'il en a 1 000 ? Personne ne le sait.

Par ailleurs, on ne sait pas le nombre de cigarettes, on ne sait pas du tout la quantité de nicotine que libère une cigarette. Dans une cigarette, il y a 12 mg de nicotine, mais le fumeur, si on prend les données des cigarettiers qui ont... La norme ISO 3308, qui est la norme un petit peu comme pour les voitures Volkswagen, pour le diesel, ça, ça dit que ça délivre un maximum de 1 mg en Europe. C'est vrai, c'est bien mesuré. Donc c'est intéressant comme norme industrielle, mais maintenant, ce n'est même plus permis de le mettre sur les paquets tellement c'est trompeur. Et par contre, les fumeurs, ils prennent entre 1 et 6. Donc quelqu'un qui fume 20 cigarettes, peut-être qu'il prend 20 mg de nicotine, peut-être qu'il en prend 120.

Jean-Charles: Je le comprends pas, en termes d'assimilation?

Bertrand Dautzenberg: Il a dans son corps 120 mg. Parce qu'après, moi, je vais remplacer ça par la nicotine non fumée, je vais regarder combien il faut que j'en mette pour le faire. Et donc, j'explique aux fumeurs que je ne sais pas du tout combien faire. Parce qu'il y a des magiciens dans les boutiques de vape qui disent « Vous avez 6 cigarettes, il faut mettre 6 mg, 12 mg, 12 cigarettes, ça c'est du n'importe quoi. » Il faut toujours mettre la concentration maximum pour la vape. Ce qui va diminuer le volume, ce qui compte, c'est le nombre de milligrammes dans la journée, ce n'est pas à cet instant.

Toutes les cigarettes légères et tout ça, ça ne marche absolument pas parce qu'on tire plus dessus. Parce que le fumeur, ce qu'il veut, c'est combler tous ses récepteurs nicotiniques. Et s'il n'en a pas, il fera autrement. Et quand il a été deux heures au cinéma, par exemple, qu'il n'a pas pu fumer pendant deux heures, en sortant, il met les deux mains sur le filtre pour bien boucher tous les petits trous du filtre, parce que les filtres, c'est l'aérateur. Il prend... Il attend 5 secondes et il expire, il prend 5 fois plus de nicotine.

Donc le corps du fumeur, et ça, ça se fait sans penser, sans y réfléchir, c'est aussi naturel pour le fumeur de prendre la bonne dose de nicotine que quand il va d'un point A à un point B, de mettre jambe droite, jambe gauche, jambe droite, jambe gauche, ça se passe très bien. Donc je leur dis, comme on ne sait pas ce qu'on va faire pendant une semaine, on ne va pas du tout s'occuper de la psychologie. Je vous fais une ordonnance et sur l'ordonnance, je mets « fumez autant que vous voulez, faites aucun effort pour fumer moins ». Donc c'est clair, je leur dis qu'il est interdit de faire le moindre effort, parce que moi je veux savoir que vous observiez votre corps et voyez votre corps quand vous le laissez libre, comment il se comporte.

Et donc je leur dis « vous fumez comme vous voulez ». Puis alors le premier jour, je leur mets un patch par exemple. Et je leur dis, si vous fumez plus que 10 cigarettes, vous mettez 2 patchs. Plus que 5 cigarettes, vous mettez 2 patchs et demi, etc. Ils montent. Alors, je laisse monter jusqu'à 3, 4 patchs la première fois. En général, 3 patchs pour les petits fumeurs. Les gros, je mets directement 4 patchs. Je leur mets des formes orales en disant, goûtez différentes formes orales pour les faire. C'est la sécu qui paye, c'est pas cher. Et à la sécu, de payer 3 formes orales, ça lui coûte le millième du prix d'une journée de cardiaque. Donc, c'est tout bénef pour la sécu.

Et puis je leur mets les différentes comprimés et je leur dis s'ils veulent, ils peuvent vapoter ou pas. Et je leur donne des conseils pour le vapotage. Alors comme conseil sur l'ordonnance, la vape n'est pas un médicament aujourd'hui dans aucun pays, mais on donne des conseils pour le vapotage et ça se passe bien. Et donc ces premières semaines, on leur fait ça et je leur dis de relire l'ordonnance dans deux jours parce qu'en général, je fais ça surtout en visio, les consultations, les gens oublient. Quand vous parlez une demi-heure à quelqu'un, il a oublié la moitié de ce qu'on a dit. Mais c'est normal, je leur dis que c'est normal qu'ils aient oublié, relisez l'ordonnance. Il y a mon portable en bas, s'ils n'ont pas compris, ils peuvent m'envoyer un SMS.

Et puis je les revois la semaine d'après, je leur dis que la semaine prochaine, ils fumeront deux fois moins, et ils fument deux fois moins, c'est extraordinaire, docteur, je fume deux fois moins ou trois fois moins. Alors il y en a toujours qui font des efforts, en plus j'ai réussi, j'ai lutté contre ça, je les engueule, parce que s'ils font à la fois... trouver la bonne dose de nicotine, donc la dose de nicotine qu'il faut pour mettre les récepteurs à la niche. Ma femme m'attrape quand je dis ça, je ne parle pas d'animaux, mais c'est ça, ils ont des récepteurs qui sont là, il faut mettre la bonne quantité, qu'ils aillent à la niche. S'ils en ont trop, ils vont être un peu la nausée, la bouche pâteuse. S'ils n'en ont pas assez, ils vont aboyer. Donc il faut qu'ils aillent à la niche en ayant bien fumé.

Et une fois qu'ils ont trouvé la bonne dose, ça va bien. Donc ils diminuent beaucoup leurs cigarettes. Après... Je leur dis surtout de fumer quand ils ont envie de fumer. Ils allument leur cigarette. Si la cigarette est bonne jusqu'au bout, c'est obligatoirement qu'il n'y a pas de saturation des récepteurs parce que quand on a la saturation des récepteurs, on peut fumer la moitié de la cigarette et après elle est plus bonne. Alors je leur dis de vérifier au milieu si elle est bonne et d'éviter d'être trop, trop alcoolisé parce que quand on est trop alcoolisé, là on n'entend plus le signal d'arrêt. Enfin, ce n'est pas grave. Beaucoup de fumeurs en soirée, ils fument beaucoup plus et après ils ont mal à la tête. Ils ne savent pas très bien pourquoi ils ont mal à la tête. Mais c'est un mélange des deux.

Et en tout cas, le danger pour un fumeur, il est nul. La nicotine est mille fois moins dangereuse pour un fumeur que pour un non-fumeur. Si vous laissez un patch à un enfant, ou vous laissez tomber dans une piscine et que ça se colle sur la peau de l'enfant, il vomit. On a des histoires de couples où l'un fumait, l'autre ne fumait pas. Il y avait un patch la nuit et la dame se réveille en vomissant le matin. C'est juste le patch du mari qui avait changé de peau. Et ce n'est pas bien pour la santé.

Et donc avec ça ils fument deux fois moins. Après soit on est à moins de 5 cigarettes et on commence à analyser les cigarettes, soit on est encore à une dizaine de cigarettes et là on va refaire une semaine pour arriver à moins de cigarettes. Et là à moins de cigarettes on arrive à analyser pourquoi ils fument les dernières, la plus exigeante c'est toujours celle du matin parce que la nuit la nicotine, même si on a un patch la nuit, le patch il crache deux fois moins de nicotine le matin... En général en fin de matinée il n'y en a plus parce que quand vous mettez un patch le matin il monte en 1h, 1h30 puis entre 2h et 5h après on est au maximum de la dose, en fin de journée ça commence à diminuer et puis on revient du boulot, on a bien fait, on a bien travaillé, on se détend, on prend son verre et on fume, donc on voit un petit peu chacune des cigarettes et là on va sur ces cigarettes une par une leur apprendre à enlever d'abord les moins indispensables, à ne pas allumer toutes celles qui sont pas bonnes et puis en trois semaines l'immense majorité des gens ne fume plus.

L'avantage d'être gentil, de demander au cerveau d'être bienveillant avec son corps, d'être gentil avec son corps, d'abord c'est bon pour la santé parce que les gens sont méchants avec eux-mêmes, que ce soit pour le poids, sur la longueur du nez, la taille des dents, n'importe quoi, les gens se trouvent nuls et tout ça, donc je leur explique qu'ils sont formidables et que ceux qui disent qu'ils sont pas formidables c'est des menteurs. Et je leur apprends à s'observer eux-mêmes. Il y en a qui aiment bien noter sur les petits papiers. Des fois, j'ai des tableaux Excel avec chaque cigarette, etc. Ça m'est égal, mais c'est qu'ils portent attention à comment marche leur corps et quand on a appris comment marche son corps, qu'après on modifie quelque chose, on a du recul, et qu'on voit que quand on regarde comment marche son corps, et qu'on modifie un paramètre, son corps ne marche plus pareil, et ça fait comme on dit, le docteur, il a peut-être raison, ça éduque un peu les gens pour d'autres choses.

Si on est un des éléments qui cheville, c'est le poids, la balance à chaque fois. Quelqu'un qui prend du poids entre la première et la deuxième consultation, c'est quelqu'un qui a fait un effort, point. Ou une femme enceinte, éventuellement. En dehors de la grossesse, c'est qu'on a fait des efforts, mais qu'il faut pas faire des efforts. On prend du poids en arrêtant de fumer. C'est qu'on demande à son cerveau intelligent de lutter contre son corps pour lui dire, t'en auras pas, t'en auras pas, tu vas aller à la niche, mais je vais t'engueuler, c'est pas parce que je t'ai donné à manger. Et donc ça, on arrive aussi à corriger le plus souvent.

Alors après, il y a plein de problèmes avec ceux qui prennent du cannabis, qui est une cause quand même nombreuse d'échecs, parce qu'avant, le cannabis, c'était des gamins qui prenaient du cannabis pour déconner, maintenant il y a beaucoup d'adultes qui le prennent pour dormir, pour être calme le soir, etc. qui sont livrés par Uber. Et donc les fumeurs de cannabis, ils prennent du cannabis avec du tabac. Je leur explique d'abord que fumer 4 joints, c'est fumer 4 clopes, en plus des clopes qu'ils fument par ailleurs.

Et je leur explique, comme le cannabis on verra plus tard, mais d'abord qu'il ne faut pas prendre de cannabis avec du tabac. Donc le cannabis, on peut le prendre soit avec des plantes à fumer, qui sont parfaitement légales en France, qui sont inscrites dans le Code de la santé publique. Quand vous allez dans un coffee-shop à Amsterdam, ils vous vendent du cannabis, ils ne vous vendent pas de tabac parce que c'est dangereux, mais ils vous donnent un mélange de huit plantes qu'on peut trouver. Vous allez sur Internet, même sur Amazon, j'ai vu qu'on pouvait les avoir. Et il y a ceux qui s'enregistrent légalement auprès des autorités françaises, c'est marqué « plantes à fumer », etc. Il y en a qui vous envoient un truc, c'est marqué « plantes à tisane », mais c'est les mêmes, mais ils n'ont pas fait la déclaration, ils n'ont pas voulu payer l'enregistrement. En tout cas, il n'y a pas de danger. Donc ça, c'est un moyen de prendre du cannabis.

Sinon, avant, en 68, on avait de la bonne herbe qui brûlait bien. Maintenant, c'est plus compliqué. Sinon, il y a aussi des appareils qui permettent de vaporiser le cannabis. C'est-à-dire qu'ils chauffent. Ce n'est pas des cigarettes électroniques, c'est d'autres produits qui permettent de chauffer le cannabis, de le prendre. Il y a des gros Volcano aussi pour le faire. Et puis après, il y a le cannabis mangé et autre chose. Parce que dans les pays où le cannabis est légal, il n'y a plus de joint. C'est moins de 10%. Le joint, c'est la façon la plus dangereuse de prendre le cannabis. Mais la résine, c'est la façon la plus saine de contourner les douanes et la prohibition.

C'est pour ça qu'il faut voir comment on fait les choses. En tout cas, en leur apprenant comment prendre le cannabis, la plupart fument deux fois moins de joints. Et puis, après deux ou trois mois, ils arrêtent. Les adultes, ils arrêtent et ils prennent autre chose. Donc, ça se fait calmement parce que le cannabis est beaucoup moins addictif. Et on n'est pas addict à la substance au THC. On est addict plutôt à l'effet que ça a. On le prend pour l'effet. Alors que le tabac, c'est la maladie. C'est de prendre la substance. Mon corps veut la substance pour des raisons à la con. Alors que le cannabis, c'est pour avoir un effet, mais ça se passe le plus souvent bien.

J'ai travaillé pendant quelques années à Marmottan, là où il y a des polyconsommateurs, beaucoup de crackeurs et tout ça. Et ça marche pareil. C'est-à-dire qu'en m'occupant du tabac, je les aidais un peu pour le cannabis et puis ils apprenaient à se contrôler pour le crack et les autres trucs. Alors moi, je m'occupais juste de la partie tabac et un petit peu de cannabis, mais ça marchait bien.

Jean-Charles: Vous voyez bien la corrélation avec le reste, en fait ?

Bertrand Dautzenberg: Ben oui... Oui, ça marche dans les deux sens. Tous ceux qui ont eu de la méthadone, ils savent que quand on prend la méthadone, ça marche. Mais par rapport à la méthadone qu'on prend pour la drogue, l'avantage du tabac, c'est que chez 85%, les besoins diminuent et au bout de trois mois et demi, ça disparaît. Alors que la méthadone, on reste dépendant pour des années. Donc c'est une bonne chose. Mais c'est un peu les mêmes principes.

Et l'effet massif que j'ai eu en arrivant à l'hôpital Marmottan, c'est l'arrêt du tabac avec des cigarettes électroniques, on distribuait les cigarettes. On avait acheté des milliers de cigarettes électroniques, on distribuait gratos aux malades. Et il y a toujours deux ou trois du personnel qui venaient. On avait des séances dans la salle de thé, comme ils disent, d'une dizaine, et il y avait la moitié des soignants. Et le fait que les personnels se sont arrêtés avec les patients, d'abord le personnel qui fumait tous avant et qui vapotait tous après, ils savaient bien comment résoudre tous les petits problèmes techniques des machines, comment les aider, on a constaté un niveau très positif. Et ça accompagne de façon très efficace.

Donc, les gens, je leur explique que sans nicotine, ils ne sont pas bien, qu'eux, ils ont besoin de leur dose de nicotine, que quand ils se réveillent le matin, ils sont en hyponicotinémie. Comme quelqu'un qui a besoin d'avoir un gramme de sucre, si on se réveille avec 0,5 de sucre, on est en hypoglycémie. Et ils prennent leur cigarette, une bouffée, deux bouffées, trois bouffées, quatre bouffées, cinq bouffées, ils se sentent mieux. Et ils continuent, ils continuent, et à la fin ils dépassent le plafond et ils font des pics de nicotine, ils s'en créent d'autres. Comme s'ils se grattaient, quand on se gratte, si on se gratte, il n'y a pas de souci. Si on se caresse, ça marche. Et ça, ils comprennent très bien quand on leur explique ça.

Parce que c'est quand même bizarre pour quelqu'un de dire, vous êtes malade à cause de la nicotine, je vous donne comme traitement de la nicotine. C'est pas... C'est pas évident, mais sur la joue, la main sur la joue, avec la vitesse et la façon de la passer, c'est les mêmes outils, mais ça n'a pas les mêmes effets psychologiques et même physiques l'un que l'autre. Et après, dès que c'est complètement saturé, c'est plus une cigarette, parce que chaque cigarette va réveiller la dépendance. Et on va après observer ce qui se passe.

Donc pendant un mois, on ne bouge pas, si on a trop, on diminue un petit peu. Et puis après, on va voir quels sont les besoins de nicotine tous les jours. Et ça, on additionne le nombre de comprimés. S'il y a 3 comprimés à 5, plus 2 patchs à 21, plus 3 millilitres de liquide à 20 mg par millilitre, j'ai mon petit tableau, je fais mon addition. Je leur dis, vous avez besoin de 180 mg de nicotine. Et si tout va bien, dans un mois, vous aurez besoin de 120, et dans deux mois, de 60, et dans trois mois, de zéro.

En sachant que ça marche le plus souvent, mais il y en a qui restent dépendants. La persistance de la dépendance, c'est un phénomène qui n'est pas du tout étudié. Moi, je dis que c'est les gènes, mais je n'en sais rien. C'est les chromosomes hérités de papa et maman. Dès que j'ai des gens qui restent dépendants, j'essaie de voir si les fumeurs dans la famille ont du mal à s'arrêter. Ça marche longtemps, mais surtout, quand je fais raconter aux gens leur précédente tentative d'arrêt, quelqu'un qui a essayé d'arrêter de fumer, qui a arrêté six mois, et puis qui, après trois mois, n'avait plus du tout envie de fumer, restait sans fumer, celui-là, je suis sûr qu'il n'avait plus de récepteur nicotinique.

Celui qui avait pris une vape et qui prenait du 20 mg par millilitre, puis à la fin, il prenait du 3, c'est sûr, c'est la même chose. Par contre, celui qui a croqué des gommes Nicorette pendant 3 ans et qui continue à croquer la boîte par jour, celui-là, c'est sûr qu'il reste dépendant. Et pour ça, on avait un médicament qui aidait un petit peu, une fois sur deux, qui était la varénicline, qui a disparu depuis 3 ans, là encore, parce que le brevet est arrivé à fin, le laboratoire s'en fichait. Il y a une autorité qui a décidé que la quantité de nitrosamine libérée, si on en prenait pendant 72 ans, avait une chance sur un million de donner un cancer. Et donc on a fermé la boutique. Puis là, la boutique est en train de se rouvrir, parce qu'ils ont juste changé la norme pour dire que c'est bien, mais les parachutes, c'est dangereux. Mais quand l'avion tombe, il vaut mieux en avoir. Il faut mieux tirer dessus quand même.

Mesure des récepteurs de nicotine [38:28 - 39:46]

Jean-Charles: Et du coup, sur le nombre de récepteurs de nicotine qu'on a, il n'y a qu'une approche empirique par... Il n'y a pas d'autre moyen de mesurer, on ne pourrait pas avoir une approche en imagerie.

Bertrand Dautzenberg: Dans tous les sens, je n'y arrive pas. Mais ça après, quand je mesure, là quand j'étais à l'hôpital, je mesurais un peu combien il y avait de cotinine dans les urines, de métabolisme de cotinine dans les urines. Et maintenant, juste en faisant parler des gens, mes fumeurs, ce n'est pas des menteurs, parce que d'abord, ils voient que ce n'est pas un problème, ils peuvent mentir s'ils veulent, je leur dis qu'ils peuvent mentir. Et ça marche de façon très bien.

Et c'est toujours vraiment l'idée. Ceux qui, au bout d'un mois et demi, ont diminué de moitié, je suis sûr qu'à trois mois, ils s'arrêtent. Alors il y en a plutôt cinq, six mois. Puis il y en a qui restent dépendants un peu plus longtemps. Et là, c'est un peu plus compliqué, parce que j'attends le retour de la varénicline pour essayer de faire ça. Mais là, la varénicline, encore, elle est revenue. Elle est faite. Il y a des laboratoires. Le laboratoire initial et deux laboratoires. Je me pose pour les génériques, c'est l'agence du médicament et tout le monde s'en fiche. Parce que l'arrêt du tabac, l'arrêt des nicotines, ce n'est pas une maladie intéressante. Et il ne faut pas se casser la tête pour ça. C'est un scandale sanitaire pour moi considérable. Mais je suis le seul à le dire. On dirait qu'il va faire bouger.

Perception du tabagisme et de la cigarette électronique [39:46 - 42:18]

Jean-Charles: Pourquoi vous pensez que vous êtes le seul à le dire et que ce n'est pas un sujet plus important ?

Bertrand Dautzenberg: Il y a des gens, j'ai beaucoup de collègues, qui pensent que la cigarette électronique est un produit très dangereux, que pour les enfants, ça peut être dangereux, alors que tout est faux. La cigarette électronique est un produit qui est infiniment moins dangereux que la cigarette. Pour les enfants, un enfant qui commence par la cigarette électronique a moins de chances de devenir fumeur que s'il ne vapote pas.

Cette épidémie de cigarette électronique aux USA a conduit avec la Juul et tout ça à la première page des journaux, absolument catastrophique. Il n'y a plus que 1,5% des élèves de 18 ans qui ont fumé une cigarette au moins dans le mois. Donc d'abord quelque chose de catastrophique qui fait qu'il n'y a plus de fumeurs chez l'enfant. Et même en France, on a un effondrement du taux. On a trois fois moins sur les années d'il y a deux ans. Il y a trois fois moins de fumeurs pour l'enquête Escapad, qui est l'enquête qui est faite le jour de l'appel, journée d'appel à la citoyenneté, je ne sais plus comment elle s'appelle, et ça diminue, et si on fait la courbe, on va arriver à ce que déclarait Marisol Touraine à l'époque, que les jeunes qui commencent à fumer, qui avaient 18 ans à l'époque, qui naissaient au moment où elle a déclaré ça, ne seraient pas fumeurs en 2032.

Et je pense qu'en 2032, on aura moins de 5% de fumeurs chez les terminales. Et ça, je suis très optimiste. Alors que les courbes chez les adultes, c'est moins bon. Mais les courbes chez les adultes, pour les faire baisser, il faut travailler sur l'arrêt du tabac et mettre l'arrêt du tabac comme une priorité et pas comme quelque chose de bien.

Et vous, vous travaillez dans des mutuelles. Le tabac coûte très cher à la sécu. Un fumeur coûte plus cher à la sécu qu'un non-fumeur par année. Comme il vit 10 ou 20 ans de moins, sur la vie, il coûte moins. Mais si on est une mutuelle et qu'on a les cotisations, même après la retraite, pour une mutuelle, ça fait 10% de bénéfice si vous gardez les mêmes clients toute votre vie, de le faire arrêter. Pour la sécu, on peut discuter parce qu'après, on paye moins de cotisations quand on est retraité, quoi qu'on commence à en payer pas mal. Mais pour une mutuelle, c'est rentable, entre guillemets, de faire des opérations si on a une vision à long terme pour que les gens ne fument pas, et ces opérations pourraient être considérables, efficaces, et j'encourage les gens qui ont des liens avec les mutuelles, je ne sais pas si c'est le cas même dans la salle, à s'intéresser aux problèmes.

Solutions à grande échelle [42:18 - 45:11]

Jean-Charles: Et je suis hyper intéressé là-dessus, comment vous pousseriez ça à l'échelle ? Est-ce qu'il y a des programmes digitaux à construire ? Comment vous réfléchiriez pour vraiment lutter de manière active ?

Bertrand Dautzenberg: Il faut d'abord changer l'image du tabac dans la société. Le tabac, pour l'instant, pour le tabac, ça pollue, le tabac c'est pas bien, on restreint les endroits où on fume, et ça c'est tout à fait efficace. Le fait qu'il y ait moins d'endroits pour fumer, quelqu'un qui arrête, il a beaucoup moins de chances de reprendre.

En revanche, pour prendre en charge les fumeurs, et surtout les fumeurs qui, pour 95% des cigarettes qui sont fumées par des fumeurs qui sont dépendants, il faut les aider, les accompagner, mais arrêter de leur dire que c'est de leur faute, qu'ils sont méchants et qu'ils manquent de volonté, etc. Donc moi je suis tout à fait favorable au bilan de tabac, entre guillemets. Et c'est ce que j'ai vu faire quand quelqu'un ne veut pas venir ou veut m'envoyer sa femme et tout ça. Mais je lui dis, vous prenez un rendez-vous, vous lui dites, ce n'est pas pour arrêter, c'est juste pour comprendre comment ça marche. Et éventuellement, si on peut réduire l'envie de fumer. Mais qu'il sera obligé de fumer tant qu'il veut. Et ça, ça marche pas mal quand même.

Et après, parce que pour les conjoints aussi, les conjoints donnent des conseils stupides. Ils fument, que ce soit monsieur ou madame, ça marche dans les deux sens. Celui qui ne fume pas, il n'arrive pas à comprendre que son conjoint, qu'il aime et qui a un cerveau, il fume, ça c'est quelque chose d'incompréhensible. Et il lui donne des conseils en permanence, en permanence, en permanence. Et maintenant, j'ai un petit mot sur une feuille blanche encadrée en noir. Si vous voulez hériter de Madame Machin ou souhaiter sa mort, continuez à lui donner des conseils. Si vous la laissez gérer, dans trois semaines, elle ne fumera plus. Et puis, ça se passe bien. Et les gens affichent ça sur leur frigidaire. Ça les arrête de les embêter, les gens voient bien.

Parce que vis-à-vis du fumeur dépendant, son entourage non-fumeur ne comprend rien. Sauf qu'il y a le tonton qui dit, moi j'ai arrêté tout seul, d'un coup de tête, etc. Ce qui peut arriver aussi, il y a des gens qui arrêtent après un accident, après un truc. Mais il y a beaucoup de gens qui sont dépendants qui reprennent comme ça. Et le jour où tous les gens dépendants ne fumeront plus, il n'y aura presque plus de cigarettes, donc il n'y aura plus de cigarettes en soirée, donc c'est plus facile de…

Jean-Charles: C'est un cercle vertueux.

Bertrand Dautzenberg: Mais pour l'instant, le succès est assez bon depuis... Alors moi, je dis que c'est depuis qu'il y a la vape, mais je me fais engueuler si je dis ça. Mais depuis que l'arrêt du tabac est un plaisir, et doit être un plaisir, je manifeste ça, et qu'on fait attention aux fumeurs, on est gentil avec eux. Et par contre, ça marche bien chez les jeunes pour ne pas commencer, pour ne pas s'initier, pour ne pas être dépendant.

Sur les adultes, les courbes sont beaucoup moins bonnes. On a une descente nette chez les moins de 25 ans du tabagisme. On a une micro-descente chez les plus âgés, avec une énorme différence entre les plus précaires et les moins précaires. Les bacs plus fument deux fois moins que les bacs moins.

Durée de la dépendance et risques de rechute [45:11 - 46:40]

Jean-Charles: Et comment vous disiez que la grande majorité des gens s'arrêtent au bout de quelques semaines, trois mois et demi, je crois, si j'ai bien compris.

Bertrand Dautzenberg: Non, non, les gens passent de la dépendance à la cigarette à la dépendance à la nicotine. Et restant dépendant de la nicotine, chez 85% des gens, cette dépendance s'éteint toute seule, c'est tout. Si on prend bien ces trucs, alors ceux qui ont la cigarette électronique, je leur dis d'en avoir deux, d'avoir deux chargeurs, de ne pas casser le truc, d'avoir des…

Si jamais je leur dis, si vous les cassez complètement, combien vous laissez de patchs dans la pochette de la voiture... dans votre sac à main, etc. Parce que la panne de substituts nicotiniques ou de trucs est une cause majeure de reprises. Donc, il faut vraiment qu'ils aient leur nicotine.

Une fois qu'ils ont arrêté, je leur apprends, je leur dis que pendant un an, ils sont au risque de rechute. Ils ont une chance de rechuter dans l'année s'ils ne font pas attention. Et je leur dis que vous ne sortez jamais sans votre extincteur. Si vous allez quelque part, si vous pensez qu'il y a un grand risque de fumer, de se faire au mariage du cousin, etc. Vous prenez de la nicotine avant de rentrer et pendant que vous êtes rentré.

Si jamais vous avez fumé une cigarette, là vous prenez la nicotine pendant une semaine et puis vous arrêtez. Je leur dis qu'un petit coup d'extincteur tout de suite c'est plus efficace, sinon dans dix jours après c'est le Canadair, l'incendie a déclaré, c'est beaucoup plus dur à arrêter et de le faire et de savoir comment le faire. Et par contre je les encourage à aller en soirée, à s'amuser, à faire autre chose.

La dépendance à vie [46:40 - 47:30]

Jean-Charles: Mais c'est des périodes quand même assez longues, d'un an pour les risques.

Bertrand Dautzenberg: C'est un an, on réduit les risques, mais un fumeur ne deviendra jamais, jamais un non-fumeur. C'est-à-dire que les récepteurs nicotiniques qui étaient en surface des cellules, ils se mettent un petit peu comme des virus dans un ordinateur en quarantaine, mais si vous refumez 20 ans après, vous reprenez et vous reprenez quasiment toujours la même consommation que vous aviez 20 ans avant. D'accord.

Donc la mémoire est là. Donc un fumeur qui a fumé le matin est un fumeur qui ne fume pas. C'est comme un buveur qui a bu tous les jours au petit déjeuner, s'il arrête de boire, c'est un buveur qui ne boit pas, ce n'est pas un non-buveur. Quelqu'un qui se saoulait seulement le week-end et qui ne peut pas en assurer. Quelqu'un qui ne fume pas tous les jours, qui a des longues périodes sans fumer, qui fume juste quand il se fait larguer ou qu'il a gagné au loto, ça va, mais il n'est pas forcément dépendant, mais c'est quand même très peu de cigarettes.

Effets de l'arrêt du tabac sur le corps [47:36 - 53:14]

Jean-Charles: Qu'est-ce qui se passe dans notre corps après l'arrêt du tabac ? À quel point le corps se régénère-t-il ? Est-ce qu'on peut rattraper les années de vie en bonne santé ou pas ? Comment ça se passe et qu'est-ce qu'on peut étudier ?

Bertrand Dautzenberg: Alors sur les chances de mourir, c'est très clair. Si vous fumez toute votre vie, vous perdez 22 années de vie si vous êtes une femme. Si vous arrêtez de fumer à 35 ans, vous perdez 2 années de vie au lieu de 22. Et même à 55 ans, vous en perdez moins. Il y a une étude japonaise, même si vous arrêtez à 85 ans, vous avez plus de chances d'être centenaire. Donc il y a toujours un bénéfice sur la vie.

En revanche, le risque, il arrête de s'aggraver, mais il n'augmente pas pour la plupart des risques. Alors la seule chose qui s'améliore tout de suite et immédiatement, c'est le monoxyde de carbone. Quand vous fumez, c'est une combustion incomplète. Si vous mettez la fumée de cigarette dans un contrôle anti-pollution de voiture à la place d'un pot d'échappement, vous avez un PV à tous les coups, parce qu'il y a trop de monoxyde de carbone, trop de matière brûlée par rapport au CO2. Le rapport CO-CO2 n'est pas adéquat pour un contrôle anti-pollution.

Et ça, ça disparaît. Le CO, ça va se fixer dans le sang, sur l'hémoglobine du sang. Ça va se fixer dans le cœur, dans les muscles, dans les muscles périphériques. Et ça, c'est 5-10% de votre sang. Et le pire pour faire ça, c'est la chicha qui monte encore beaucoup plus les taux. On a des fois 15-20%. Une femme enceinte qui prend une chicha, si on lui fait une prise de sang, normalement c'est une indication, on la met immédiatement en caisson hyperbare pour chasser le CO plus vite, parce que le CO s'accroche encore plus sur l'hémoglobine du fœtus que chez la maman.

Donc ça, ça s'améliore tout de suite et vous récupérez 5-10% de transport d'oxygène en plus. Il y en a qui, des cyclistes qui prenaient de l'EPO pour augmenter le transport d'oxygène, ou il y en a toujours qui vont s'entraîner à 1800 mètres avant de faire les courses, tout ça. Ça, c'est pour augmenter de 3, 4, 5% de transport d'oxygène. Le fumeur, il ne fait pas du dopage, il fait du contre-dopage. Et normalement, quelqu'un qui a fumé, moi, je leur dis, je vais faire du sport. Je dis, non, si vous fumez, vous attendez trois heures pour faire du sport, que ça commence à baisser avant de faire du sport. Donc ça, c'est immédiat.

Après, sur l'irritation des bronches, il y a des fois une petite aggravation parce que le tabac anesthésie les bronches et l'irrite. Et le côté anesthésiant disparaît très vite. Et donc les bronches se retrouvent sans anesthésie de la fumée, ils se disent qu'est-ce que c'est ces cochonneries et se mettent à évacuer tous les crachats. C'est pour ça que les gens qui vont être opérés ont l'ordre d'arrêter de fumer au moins trois semaines avant l'opération pour ne pas cracher trop dans le tube d'anesthésie s'ils veulent vous endormir. Et voilà, mais après les muqueuses bronchiques, ça met quasiment un an à récupérer.

Mais si vous prenez le risque d'emphysème par exemple, d'atteinte du poumon périphérique, ce qui a été détruit, les alvéoles qui ont fusionné entre elles, ça reste pareil, il n'y a pas d'amélioration. Mais l'emphysème c'est un vieillissement normal du poumon. Un fumeur a de plus en plus d'emphysème et qu'en vieillissant tout le monde a un peu d'emphysème, mais le fumeur il perd deux fois plus son souffle, donc il a un poumon qui vieillit deux fois plus vite. Donc si vous avez 20 ans de tabagisme, rajoutez 20 ans à l'âge de vos poumons pour schématiser. Par contre, si vous arrêtez de fumer, vous retrouvez une courbe normale.

C'est la même chose pour le risque de cancer pulmonaire. Le risque de cancer augmente, mais après de façon exponentielle avec l'âge. Si vous arrêtez de fumer, vous retrouvez la courbe normale, mais vous n'allez pas descendre le risque. Vous allez arrêter d'augmenter. Vous n'allez plus accélérer, mais vous allez quand même être plus vieux 20 ans après que 20 ans plus tôt.

Sur le plan cardiovasculaire, le risque de thrombose a un deuxième risque qui régresse. Sur les vaisseaux, le tabac fait deux choses. D'une part, il favorise les plaques d'athérome comme le cholestérol et tout ça. Et deuxièmement, il thrombose les vaisseaux. Et la thrombose des vaisseaux, c'est par activation, de la coagulation des plaquettes, etc. Et ça, ça régresse en quelques semaines aussi. Donc, on a moins de chances de faire une thrombose quelques semaines après le tabac que quand on fume. Et là, c'est un bénéfice qui est rapide.

Après, si on est enceinte, si on arrête de fumer, on a un bébé qui grossit plus. Un bébé de femme fumeuse qui fume pendant les deuxième et troisième trimestres de grossesse, il a 300-600 grammes de moins à la naissance. Si la mère arrête de fumer, le poids est normal. Et si la mère ne fume pas, si le papa fume, il a 150 à 200 grammes de moins. C'est-à-dire que le bébé souffre quand le père fume à côté de la maman, qui elle ne fume pas, ça passe quand même et ça se fixe. Il ne faut pas fumer.

Et puis en plus, ça diminue la fertilité. Dans tous les problèmes de PMA, c'est une cause importante de consultation, tous les problèmes de PMA, ils exigent l'arrêt du tabac avant la PMA parce que ça diminue par deux ou trois les chances de succès. C'est deux ou trois les chances. Et quand vous faites des PMA à 35 ans, 40 ans, comme maintenant, parce que les femmes ne font plus d'enfants à 20 ans, c'est de plus en plus médicalisé. Mais ça, tous les risques augmentent avec l'âge.

Le risque de tabac-pilule, on en parle beaucoup. Quand on est en face à des jeunes filles de moins de 18 ans, il ne faut pas dire de bêtises que c'est vrai que ça triple le risque d'accident vasculaire, mais ça triple un risque qui est zéro. Enfin, zéro, zéro, zéro, parce que zéro. Quand vous avez 40 ans ou 35 ans, ça triple un risque de 4-5%. Donc là, vous arrivez à 15% de risque. Là, il faut sérieusement y penser, alors. Notre solution, c'est de ne pas vieillir, mais c'est triste aussi.

Évolution de la recherche et innovations futures [53:14 - 57:40]

Jean-Charles: C'est extrêmement intéressant. Comme vous l'avez dit, là, sur les dernières décennies, il y a eu pas mal d'évolutions de la recherche et de la compréhension du tabac, de la nicotine et de ses impacts. Quelles sont un peu les grandes recherches en cours, les innovations à venir ? Qu'est-ce que vous rêveriez de voir arriver ?

Bertrand Dautzenberg: Je suis très critique, mais jusqu'en 90... 19 de mémoire, moi, quand j'ai commencé à m'occuper du tabac, il n'y avait pas de substitut nicotinique. Quand c'est arrivé, c'était des poisons. On a eu PPDA, 4 crises cardiaques sous substitut nicotinique déclarées par un directeur industriel du tabac, ce qui est sûrement vrai. Mais il y a eu 25 000 morts du tabac par la cigarette et qui n'étaient pas dans le journal de PPDA. Je ne sais pas pourquoi.

Et après, pour les patchs, c'était marqué « ne jamais fumer avec un patch », etc. C'était normal quand le médicament sort qu'on ne sait pas ce que c'est. Au bout de deux ans, ça a été supprimé. Maintenant, on peut fumer avec un patch. À l'époque, on ne pouvait pas l'utiliser chez les cardiaques. Maintenant, on l'utilise en réanimation cardiaque après l'infarctus. On ne pouvait pas le donner aux femmes enceintes. Maintenant, on le donne aux femmes enceintes, etc. C'est-à-dire qu'on s'aperçoit, avec la connaissance du produit, que le produit est infiniment moins dangereux. Et ça, il y a quand même un changement.

Mais le gros changement qui n'est pas fait, c'est que... Et depuis 10 ans, je ne comprends pas pourquoi je n'arrive pas à persuader plus vite mes collègues, les pouvoirs publics et autres autorités de bouger et de laisser la nicotine utilisée plus librement et plus rapidement qu'on ne le fait. En sachant que la France n'est pas si mal, et le fait d'avoir la gratuité des substituts quand même arrange bien les choses. Et là, c'est un peu mon combat depuis toujours.

Les années 2000, c'était Kouchner qui était ministre de la Santé. On avait monté les consultations de tabacologie théoriquement une par département. Ça a presque été fait et ça persiste toujours quand même. Quelques années après, après Xavier Bertrand, on a poussé pour faire l'interdiction de fumer. Et là encore, on l'a fait au début. On hésitait un petit peu. On a fait un sondage. 60% des Français étaient d'accord. On a dit bon, on pousse et on a poussé. Ça a marché.

Et puis avec la cigarette électronique, avec Marisol Touraine pour qui j'avais fait le premier rapport sur la cigarette électronique. Là aussi, elle a mis un produit et c'est passé. Et ça nous a permis de... Le rapport que j'avais fait à l'époque a permis aussi de changer la directive européenne sur les produits du tabac, parce que c'était l'industrie pharmaceutique qui faisait le lobby de fond pour que ça ne soit qu'un médicament. Et on a réussi, par des moyens politiques détournés, de faire que ça passe et que la cigarette électronique reste un produit à part, un produit qui est proche du tabac, c'est clair, qui est régulé, c'est bien.

Et la régulation a été demandée par tous les acteurs de la vape. Au moment où j'ai mis le rapport, qui a été mis en mai 2013, donc il y a 12 ans, là, tous les gens étaient un petit peu alarmés. Le fait que le bouquin sorte en disant « Il y a ça, mais il faut qu'il y ait des règles, il faut qu'il y ait un code de la route. » Parce que je disais, la voiture, c'est bien, mais sans code de la route, c'est moins bien qu'une voiture avec code de la route. Il y a 200 boutiques qui ont ouvert dans la semaine d'après.

Et c'est sorti après, ils m'ont donné la commission AFNOR, où ils ont pu aussi bien me bagarrer en France pour que ça marche, et qu'en France, la vape reste un produit géré essentiellement par, ou en dehors de l'industrie du tabac, il y a une fédération indépendante de l'industrie du tabac, la vape, alors qu'au niveau de l'Europe, c'est moins bien, et au niveau de l'ISO mondiale, là c'est carrément l'industrie du tabac, mais personne ne peut suivre, ils font une réunion à Tokyo le lendemain. Il faut avoir un abonnement de billets de première classe et des milliards pour faire ça. Ça ne marche pas.

Combat actuel et zones sans tabac [56:54 - 58:45]

Jean-Charles: Si vous deviez mener un combat aujourd'hui, ce serait lequel ?

Bertrand Dautzenberg: Le combat, c'est pour étendre les zones où on ne fume pas. Et ça, ça vient doucement et progressivement. Et ça vient de plus en plus de la société civile. C'est-à-dire que de ne pas fumer devant les écoles, de ne pas fumer dans les parcs à jeux, tout ça. La Ligue contre le cancer a fait pas mal de trucs. Les associations font pas mal de trucs.

On fume toujours dans les terrasses, ce qui nous désole. J'avais été en Nouvelle-Calédonie, pour autre chose, juste au moment de l'interdiction de fumer. Et là, pour décider, il y avait un médecin, enfin un médecin technicien de santé du gouvernement qui a été voir les 400 bars et restaurants, qui leur a dit, voilà, il y a ça, on va l'appliquer, comment il faut faire ? Et tous, ils nous ont dit, moi, pour mes clients, je ne peux pas demander que la terrasse soit non-fumeur. Mais si c'est vous qui l'exigez, je suis très content. Et finalement, ils ont fait la moitié des terrasses depuis le début, depuis l'interdiction. Personne ne peut avoir une terrasse entièrement fumeur. Et là, les terrasses, en plus, c'est soleil plein air et il n'y a pas de mur. Parce qu'en France, on a des terrasses qui sont complètement fermées.

Mais les écoles et tout ça, ça bouge quand même et ça devient... Et les fumeurs, les non-fumeurs le font. Et pour la vape, il n'y a pas de bagarre énorme pour je vape, je vape pas, parce que les vapoteurs, s'ils sont intelligents, s'ils veulent vapoter dans un endroit un petit peu limite, ils vapotent discret. Par contre, c'est sûr que j'étais au congrès des vapoteurs il y a dix ans, là, où ils étaient tous aux Arts et Métiers, on était dans une cour où ils étaient tous à faire le plus gros nuage possible, et même dans la cour, c'est gênant. Il y a des concentrations de produits qui deviennent gênants, mais c'est pas... Je ne passe pas ma vie là-bas non plus.

Le mythe le plus répandu sur le tabac [58:45 - 60:40]

Jean-Charles: Et quel est le mythe le plus répandu sur le tabac que vous aimeriez démystifier ?

Bertrand Dautzenberg: Le tabac est une maladie définie par l'OMS comme la dépendance tabagique, maladie chronique incurable qu'on peut mettre en rémission complète, qui est acquise quand on est enfant. C'est une maladie pédiatrique. Et quand on a été violé à 16 ans parce que sa jupe était trop courte, ce n'est pas parce que sa jupe était trop courte, c'est parce que le violeur était un salaud. Quand on a été rendu dépendant de la nicotine avant 18 ans, c'est qu'on a fait une industrie qui marque dans ses documents.

Il y en a un que j'ai analysé où ils les appellent préfumeurs. Il y a les préfumeurs, les expérimentateurs, les fumeurs. Et les préfumeurs, ils voient comment les attraper. D'abord par des motifs psychologiques, les cow-boys, les machins, comment s'occuper, comment faire du lien social. Maintenant, ça a changé. Maintenant, c'est TikTok et le reste.

Après, pour les expérimentateurs, là, ils avaient des problèmes parce que quand ils expérimentent, les jeunes, ils n'aiment pas la cigarette, ils sont dégoûtés par la cigarette. Donc, ils ont fait les menthols, ils ont mis les cigarettes à la vanille, ils ont mis les capsules de machin. Et à chaque fois qu'ils mettent un truc, on refait un règlement, mais il faut un an pour que ça sorte, deux ans pour que ça sorte, pour interdire tous ces produits d'initiation du tabac.

Et maintenant, c'est beaucoup la nicotine en sachet, qui est des sachets ou des billes qu'on met dans la bouche qui ne sont plus du tabac. C'est juste un extrait de tabac et ça ne rentre pas sous la réglementation des produits du tabac parce que ce n'est pas du tabac, c'est juste de la nicotine. Ce n'est pas un médicament et comme ce n'est pas de la vape, on essaie de les interdire pour ne pas ouvrir de nouvelles portes. Mais en Inde, vous avez le dentifrice au tabac pour blanchir les dents des enfants, etc. Donc il y a plein de produits qui sont faits. Et ça, l'avantage, c'est que ça augmente le nombre de récepteurs, enfin l'avantage comme industriel du tabac, il y a beaucoup de sous. Ça augmente la dépendance, ça augmente le nombre de récepteurs.

Jean-Charles: Donc la première cigarette est plus agréable finalement.

Bertrand Dautzenberg: Et moins désagréable. Il y a un des gros aspects positifs, c'est que la Chine, parce que le premier producteur mondial du tabac, ce n'est pas Philip Morris, mais je ne sais pas quoi, c'est le gouvernement chinois, c'est China Tobacco, qui est le premier consommateur et le premier producteur. Et là, ils ont depuis 3-4 ans complètement changé la chemise. Ils essaient de faire réduire le tabagisme. Comme leur population vieillit, ils s'aperçoivent que quand on a une population qui a 30 ans, ça va. Mais quand une population qui arrive à 40-45 ans, on voit les dégâts et ça leur coûte cher.

Et donc, ils ont renversé ça. Ils sont en train de lutter contre le tabac de façon un peu plus efficace, en sachant que c'est toujours ambigu. Quand ils viennent nous voir, c'est toujours le gouvernement chinois qui dit qu'ils sont l'institut de protection de machin. Mais c'est les mêmes. C'est un petit peu quand la SEITA était... Le gouvernement français gérait tout ça. Avant, c'était l'État qui possédait et qui fabriquait les Gauloises et Gitanes à l'époque, et c'est un peu gênant quand c'est l'État qui produit le produit, c'est plus facile de lutter contre un produit.

Mais il y a toujours des fonctionnaires qui sont persuadés que le tabac rapporte de l'argent. C'est vrai que le tabac rapporte quelques milliards qui sont versés presque tous à la Sécurité sociale, et puis pour la retraite dans les buralistes et des choses comme ça. Et la Sécurité sociale, la même année, dépense deux fois, trois fois plus d'argent, rien que pour soigner les cinq principales maladies liées au tabac. Et donc, globalement, c'est un gouffre financier énorme.

Et même pour tout. On avait vu l'interdiction du patron des hôtels Accor, etc. Une chambre fumeur, il la repeint tous les deux ans, non fumeur tous les six ans. C'est moins cher. Vous avez une voiture que vous vendez qui sent la cigarette, elle se vend 20% moins cher qu'une voiture qui ne sent pas le tabac. C'est-à-dire que le tabac, c'est dégueu. Pour les plages, c'est dégueu. Pour les poissons, c'est dégueu. Donc le tabac est un produit d'un autre âge, est devenu un produit ringard. Et vraiment chez les jeunes, c'est vraiment rentré dans les normes. Si on avait un discours plus clair pour le cannabis, ce serait un peu plus facile encore. Mais ça marche pas mal.

Pourquoi le tabac n'est pas encore complètement interdit [62:58 - 63:45]

Jean-Charles: Et pourquoi vous pensez que le tabac n'est pas encore complètement interdit, par exemple ?

Bertrand Dautzenberg: D'interdire, on a interdit l'alcool, ça marche pas. C'est un produit qui est utilisé par des millions de gens. L'interdiction, ça marche absolument pas. Et on ne peut plus contrôler. Moi, je serais plutôt pour même... faire entrer dans un cadre légal le cannabis. Lorsqu'ils sont dans un cadre légal, ils pourraient être contrôlés en sachant que tous les pays qui ont libéralisé, comme les Etats-Unis et tout ça, au lieu de faire entrer dans un cadre légal d'État, ils l'ont donné à Wall Street. Alors à partir du moment où c'est les gens qui sont là pour faire du fric, ils font du fric. Ils n'en font rien. Il faut faire l'association des mutuelles pour le contrôle du tabac et du cannabis et ils pourraient résoudre le problème facilement.

Pays modèles en matière de politique anti-tabac [63:37 - 65:12]

Jean-Charles: Quel est justement le pays modèle en matière de politique anti-tabac ?

Bertrand Dautzenberg: Il n'y a pas de pays modèle, mais il y a des modèles dans de nombreux pays. C'est-à-dire que la France est un modèle pour le remboursement des substituts nicotiniques. Pour les lois, la loi Evin, c'était une première mondiale. Pour les lois, on est assez doué en France. On n'est pas très bon pour faire appliquer l'interdiction de vente aux mineurs.

Par exemple, moi, j'ai été attaqué par les buralistes qui m'ont traduit en justice, parce que je disais qu'ils vendaient des cigarettes aux enfants, ce qui est une évidence absolue. Et puis après, on gagne le procès, mais ça coûte un argent fou, parce qu'il faut payer les avocats. Et eux, ils ne payent pas, c'est l'industrie du tabac qui les soutient. Les désinformations sur la contrebande, etc. Les cigarettes de contrefaçon en France, c'est 0,8% des cigarettes selon le service Santé publique France, etc. Et si on écoute les cigarettiers, c'est 40% des cigarettes qui sont achetées en dehors.

Et après, ils comptent quelqu'un qui a acheté les paquets ramassés par terre ou quelqu'un qui dit, une fois dans ma vie, j'ai pris une cigarette dans un autre pays, mais moi j'habite quoi ? Dans la Tour Eiffel. Il y a plein de cigarettes aussi chinoises, tout ça dans la Tour Eiffel, mais c'est les Chinois qui veulent fumer leurs cigarettes chinoises. Sous la tour Eiffel, quand on fait le trajet de la frontière belge à Lille, on voit que le nombre de paquets étrangers, de paquets belges, augmente plus on se rapproche de la frontière, donc il y a une économie qui est faible.

Mais ça, ce n'est pas très grave et ça ne change pas. De toute manière, les cigarettes de contrebande, de contrefaçon, elles ne tuent pas plus que les cigarettes ordinaires. De dire que ça, ce n'est pas propre parce qu'il y a des crottes de souris. Il vaut beaucoup mieux fumer de la crotte de souris que de la cigarette.

Message de clôture [65:12 - 67:40]

Jean-Charles: Et du coup, quel serait le message de clôture que vous voulez porter sur notre discussion sur l'avenir de la lutte contre le tabagisme, sur peut-être les fumeurs qui nous écoutent ?

Bertrand Dautzenberg: Il faut faire la lutte pour les fumeurs, pour les aider, pour les traiter, et pas trop être contre. Et les fumeurs, il faut leur apprendre à être bienveillants avec eux-mêmes, et l'arrêt du tabac, ça doit être bienveillant. Quand on est bienveillant, on prend zéro kilo. À moi, mes patients, tout patient qui prend un kilo, je l'engueule. Parce que je leur dis, surtout pas faire de régime, rien du tout, je leur dis seulement, sauf à Noël, il y en a qui ont un ou deux kilos, ils ont le droit à mettre les autres.

Je leur dis, c'est ça, vous n'avez pas pris la quantité de nicotine. Si votre corps n'a pas sa dose de nicotine, il va se venger en mangeant des barres chocolatées ou en mangeant autre chose. Donc si vous êtes gentil avec votre corps, vous donnez ce qu'il faut à manger en nicotine, il ne va pas aller vous embêter à manger autre chose et vous allez garder le même poids. Il faut être gentil et bienveillant avec soi-même. Être gentil et bienveillant, ça marche très bien. Il faut encourager ces méthodes.

J'ai vu encore en consultation un malade la semaine dernière. Il y a deux ans, un médecin lui avait laissé sans aucun substitut nicotinique, sans aucune aide, en appel à la volonté. Il avait pris 8 kilos et il continuait à fumer. Il se trouvait nul. Et moi, en 15 jours, il ne fumait plus et puis il se trouvait bien.

Bertrand Dautzenberg: Vivez heureux et puis vous allez sur Tabac Info Service, vous allez sur Doctolib, vous allez n'importe où, vous appuyez sur le bouton, vous trouvez un tabacologue. Et depuis quelques temps, moi je travaille en visio-consultation parce que je suis un vieux monsieur et que je me déplace moins facilement et j'ai peur des microbes.

Et ça marche mieux que sur place parce qu'on voit les gens. Ils appellent, ils prennent rendez-vous. D'abord, ils peuvent changer leur rendez-vous. S'il est pris à 9h, ils changent à 2h. Une heure après, ils ont le rendez-vous ou le lendemain. Et d'autre part, il y en a plein que je vois au travail. Je les vois sur le parking de la voiture, j'en vois dans le grand bureau de direction de la City de Londres où tout est doré, etc. C'est-à-dire que ça prend 20 minutes dans la journée. Il n'y a pas à se déplacer tout le temps.

Si bien qu'on peut les voir un peu plus souvent au début. Moi, je les vois toutes les semaines tant qu'ils fument, et au bout de 15 jours, 3 semaines, on espace, et puis après je leur donne rendez-vous à 3 mois, après je les laisse un peu faire, je leur dis de revenir. Ma femme qui fait quelque chose comme moi, elle leur donne des rendez-vous à 3 mois, mais chacun fait un peu différent.

Conclusion [67:40 - 69:03]

Jean-Charles: Chacun sa stratégie. En tout cas, merci beaucoup professeur Dautzenberg pour cette vision à la fois positive, mais très structurée et méthodique de l'arrêt de la cigarette, sur comment en faire un plaisir. Aussi pour comprendre à quel point ça reste encore un enjeu majeur de la santé publique en France et parfois un peu trop mis de côté ou oublié, qu'il y a encore d'énormes opportunités pour aider les jeunes à ne pas commencer, mais aussi pour aider ceux qui fument aujourd'hui à arrêter, encore une fois de manière positive.

Vous nous avez aussi aidé à comprendre quels étaient les mécanismes de cette addiction, comment elle se crée et comment scientifiquement elle continue à se construire dans le cerveau jusqu'à ce qu'on arrête de fumer. Donc nous partageons vraiment, nous, cette vision-là chez Alan, d'une vie plus saine, de lutter pour plus de longévité, d'essayer de regagner des années en très bonne santé. Donc merci de nous avoir inspirés sur ces sujets-là.

Si le podcast vous a intéressé, chers auditeurs, à comprendre comment construire un avenir sans tabac, je vous prie de liker, de partager, d'éduquer vos proches sur ce sujet-là. Et de vous inscrire aussi au podcast, car il y aura de très nombreux nouveaux épisodes qui vont arriver. Abonnez-vous et à très bientôt. Et encore, merci professeur.

Bertrand Dautzenberg: Merci à tous.

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Publié le 16/04/2025

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