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Healthier Humanity - Vie ou Mort ? Ce qui vous attend avec le Professeur Jean-Daniel Chiche

Que se passe-t-il quand votre vie ne tient qu'à un fil ? Comment la technologie et l'humanité peuvent-elles sauver des vies dans les moments les plus critiques ? Et si la réanimation était bien plus qu'une médecine d'urgence - une véritable révolution qui transforme toute la médecine moderne ? Écoutez l'épisode ici 👇 🎙️Spotify 🍎Apple podcast 🎧YouTube Podcast

Healthier Humanity - Vie ou Mort ? Ce qui vous attend avec le Professeur Jean-Daniel Chiche
Mis à jour le
17 septembre 2025
Mis à jour le
17 septembre 2025
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Dans cet article

Comment ce professeur crée des "deuxièmes vies" en réanimation

Ces questions sont au cœur de la mission du Professeur Jean-Daniel Chiche dans ce nouvel épisode de Healthier Humanity.

Figure majeure de la réanimation moderne, le Professeur Chiche dirige le Service de soins intensifs du Centre hospitalier Universitaire Vaudois à Lausanne et a fondé la Fondation 101, une initiative révolutionnaire qui utilise la data pour sauver des vies. Pionnier de l'innovation au service du patient, il nous dévoile les secrets d'une discipline où "on fait la différence entre la vie et la mort, et où on crée des deuxièmes vies."

À travers son expérience exceptionnelle, il transforme notre vision de la réanimation : "Si on pense que l'hôpital, c'est un parking où chaque service est une voiture, la réanimation, c'est la Formule 1." Mais au-delà de cette analogie saisissante, il démontre comment cette "médecine générale des détresses vitales" fait progresser toutes les autres spécialités médicales.

Dans cette conversation révélatrice, le Professeur Chiche partage :

  • Les secrets de la réanimation moderne : quand chaque seconde compte

  • Comment la data et l'intelligence artificielle révolutionnent les soins intensifs

  • La révolution de la médecine personnalisée en réanimation

  • L'importance cruciale de l'accompagnement psychologique des patients et familles

  • Les innovations de la Fondation 101 : plus de 100 000 vies sauvées

  • Comment concilier haute technologie et profonde humanité

  • Les leçons de la réanimation pour prévenir et mieux vivre

Cette discussion bouleversante révèle comment la réanimation, loin d'être une simple médecine d'urgence, devient un laboratoire d'innovation pour toute la médecine. Avec un message d'optimisme puissant : "On vit une époque absolument passionnante sur le plan médical, à l'intersection de la biologie et de la technologie."

Que vous soyez professionnel de santé, patient ou proche d'un patient, ou simplement curieux des avancées médicales, cet épisode vous donnera une perspective unique sur cette spécialité méconnue qui sauve des vies 24h/24 et façonne l'avenir de la médecine.

[EPISODE TRANSCRIPT] Introduction [00:00 - 02:42]

Jean-Daniel Chiche : C'est une discipline où on fait la différence entre la vie et la mort, et où on crée des deuxièmes vies. Et où on vit des choses qui sont extrêmement intenses, avec les patients, avec les familles, avec les équipes. Et de ce point de vue-là, c'est d'une richesse phénoménale. Et je crois que j'ai mis la première fois les pieds dans un service de réanimation en 1984, et aujourd'hui, je ne ferai toujours pas autre chose de ma vie.

Jean-Charles Samuelian : Imaginez un monde où nous vivrions en meilleure santé, plus longtemps, avec plus d'énergie et moins de stress. Bienvenue dans le podcast Healthier Humanity. Je suis Jean-Charles Samuelian et j'interview des experts à la renommée mondiale, des athlètes de haut niveau ou des leaders visionnaires pour parler du futur de la santé, du bien-être et de la longévité. Je suis ravi que vous vous joigniez à nous dans ce voyage. Aujourd'hui, j'ai l'immense plaisir d'accueillir... Le professeur Jean-Daniel Chiche, l'une des figures majeures de la réanimation moderne. Tu es clinicien, chercheur, pionnier de l'innovation au service du patient. Je me souviens de notre première rencontre qui m'avait énormément marquée à un dîner. Donc merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, Jean-Daniel.

Jean-Daniel Chiche : Grand plaisir.

Présentation des soins intensifs et de la réanimation [02:42 - 05:30]

Jean-Charles Samuelian : Tu diriges le Service de soins intensifs du Centre hospitalier Universitaire Vaudois à Lausanne. Et tu mets l'expérience patient, ainsi que l'accompagnement des familles au centre et au cœur de ta pratique. Tu as aussi créé l'association, la Fondation 101, et qui fédère des équipes et des patients autour de trois piliers. On va creuser ça aujourd'hui, mais l'amélioration des soins, l'accélération de la recherche et renforcer le soutien humain. Tout en utilisant la data pour faire ça de manière extraordinaire. Et je trouve que c'est un des cas d'études les plus impressionnants qui existent de l'impact concret de la data en milieu hospitalier. Tu as aussi plein d'autres initiatives, par exemple LifeMap, qui facilite la... Compréhension du parcours en réanimation, la création de groupes d'entraide en réanimation, bref, beaucoup de choses, Enfin, post-réanimation, beaucoup de choses qui accompagnent les patients. Tu as aussi formé de très nombreux jeunes réanimateurs avec le programme NEXT. Tu as fait des travaux sur le sepsis, l'immunité, la médecine personnalisée qui font aujourd'hui référence. Donc une liste longue. Et on va creuser tout ça aujourd'hui. Merci d'être là, merci pour ta vision moderne de la réanimation, la réanimation prédictive. Préventive et personnalisée, et profondément humaine, c'est encore plus important. Mais peut-être, pour commencer, est-ce que tu peux nous présenter, qu'est-ce que c'est que les soins intensifs, qu'est-ce que ça veut dire, qu'est-ce que ça n'est pas, et pourquoi ils sont importants dans notre système ?

Jean-Daniel Chiche : C'est une bonne question, et en fait, C'est un sujet essentiel. Aujourd'hui, les soins intensifs ou la réanimation, c'est un peu la médecine générale des détresses vitales. C'est-à-dire quand ta vie est en danger, Quelle que soit la maladie qui va menacer ta vie, que ce soit un accident, une maladie cardiovasculaire, neurologique, le cancer, une complication du cancer, si la maladie impacte le fonctionnement des organes, tu vas avoir besoin qu'on soutienne la fonction de ces organes. Et ça, ça se passe en réanimation, où une équipe va te prendre en charge pour supporter la fonction des organes pendant qu'on soigne la maladie, et qu'on essaie de te ramener en position... De combat et en position de force. Je dirais, si on pense que l'hôpital, c'est un parking, La réanimation, c'est que chaque service est une voiture, La réanimation, c'est la formule 1. Parce que ça va très vite, parce que c'est dangereux, parce qu'il y a beaucoup de technologies autour de ces patients, parce que ça coûte très cher. On représente 3 à 5 % des lits dans un hôpital, mais 30 ou 35 % du budget. Et puis... Parce que c'est un sport d'équipe, c'est-à-dire qu'on ne fait rien, tout seul en réanimation. C'est vraiment la façon dont on articule ses ressources humaines, on les fait travailler ensemble, ce qui fait la qualité d'un service de réanimation. Et comme un pilote de Formule 1 ne gagne pas une course, si les mécaniciens ne changent pas les 4 roues en 2 secondes, nous, on ne fait rien. Si l'expérience patient ne commence pas de façon favorable à l'accueil de sa famille. Jusqu'à délivrer les soins qu'on est censé délivrer. Et puis la dernière analogie, j'ai envie de te dire, C'est que, comme la Formule 1 fait progresser les voitures qu'on conduit au quotidien, nous, on fait progresser les autres disciplines. Sans réanimation, il n'y aurait pas de greffe. Les progrès de la cancérologie sont boostés par ceux de la réanimation. Si on veut améliorer la survie à 5 ans... D'une maladie hématologique ou d'un cancer, il faut déjà que les gens survivent à 5 jours ou à 5 semaines. Parfois de la complication de l'immunothérapie ou des CAR-T celles qui vont les emmener en réanimation. Donc, c'est vraiment la médecine générale des détresses vitales. Et c'est aujourd'hui une spécialité qui est, je dirais, essentielle à la sécurité de la nation. Et on l'a bien vu, un bon exemple, c'est ce qui s'est passé il y a cinq ans maintenant, avec la crise Covid où on a paralysé le monde. Parce qu'on s'est rendu compte que l'offre était sous-dimensionnée à un moment et qu'on mettait en danger la sécurité. Des nations, en tout cas des nations qui ont un système de soins à peu près organisé.

Les patients en réanimation et les modes d'entrée [05:30 - 11:23]

Jean-Charles Samuelian : C'est vrai que c'est un des grands moments où les gens ont découvert les services de réanimation, leur échelle, qu'est-ce que c'était le nombre de lits en réanimation. Ils ont vite oublié. C'est le problème de notre société. Et du coup, tu as parlé un peu des grands cas, mais qui finit en soins intensifs ou en services de réanimation ? C'est quoi un peu les proportions entre les différentes...

Jean-Daniel Chiche : Alors, ça dépend des types de services. Il y a des services de réanimation dits polyvalents qui prennent un peu toutes les typologies de patients. On est ici pas très loin de l'hôpital Saint-Louis. Si on voit le Service de réanimation de l'Hôpital Saint-Louis, il y a énormément de services d'hémato-oncologie. Ils ont un case-mix qui est dominé par les complications du cancer. Donc, ça dépend un peu du type de service. Mais je pense que ce qui est important à retenir, c'est que toutes les maladies peuvent mener en réanimation. Tu parlais tout à l'heure du sepsis. Le sepsis, c'est la réponse, la dérégulation, la dysrégulation de la réponse de l'organisme à une infection. Le sepsis, c'est 49 millions de patients par an, c'est 11 millions de morts par an, c'est 20% de la mortalité globale. Ce qui veut dire qu'il y a des gens qui sont... Principalement atteints d'un cancer et qui vont mourir de Sepsis sans réanimation ou qui vont aller en réanimation à cause d'un sepsis. Il y a des gens qui ont des maladies cardiovasculaires qui vont aller en réanimation à cause d'un sepsis. Il y a des gens qui sont opérés et qui font une complication post-opératoire et qui vont aller en réanimation. Toutes les maladies peuvent aller en réanimation à partir du moment où elles engendrent un dysfonctionnement d'un organe vital ou d'un ou plusieurs organes vitaux. Et à ce moment-là, c'est là que nos équipes interviennent.

Jean-Charles Samuelian : Et comment ça se passe, ce parcours de cette réanimation Dans un des services, on détecte un de ces organes vitaux qui commence à faillir. On t'appelle, tu peux nous raconter un peu le processus

Jean-Daniel Chiche : Alors, bien sûr, il y a plusieurs portes d'entrée. Il y a une porte d'entrée qui est la porte d'entrée de l'extrême urgence. L'exemple typique, c'est... Un homme ou une femme court le matin pour prendre son bus, fait un arrêt cardiaque, Il est réanimé par une équipe préhospitalière, que ce soit, le SAMU, les pompiers. Ce patient, il va falloir lui trouver une place dans un service de réanimation. Ça, c'est le mode d'entrée rapide où c'est quelqu'un qui est témoin d'une détresse respiratoire dans un appartement et qui va appeler... Le 112 et qui va dire J'ai un souci et ça, c'est un mode d'entrée, direct et extrêmement rapide. Il y a des patients qui arrivent aux urgences de l'hôpital et c'est aux urgences de l'hôpital qu'on va détecter. Le fait qu'il y a. Une dysfonction d'organe qui nécessite une surveillance ou une défaillance d'organe qui nécessite une admission immédiate pour traitement et réanimation. Et puis, il y a effectivement des patients qui sont déjà hospitalisés et qui vont présenter une complication. Donc il y a... Plusieurs modes d'entrée. Et je dirais qu'une fois qu'on est entré, il y a des gens qui vont passer des séjours qui sont courts et il y a des gens qui vont rester longtemps. Il y a des gens qui vont rester plusieurs jours, plusieurs semaines, voire plusieurs mois en réanimation. Cette année, dans mon service, on a un patient qui est resté 167 jours.

Jean-Charles Samuelian : Comment ça se fait

Jean-Daniel Chiche : C'est au départ une... Intervention programmée pour la chirurgie thoracique, par exemple. Il va être opéré d'un cancer du poumon. Et puis, il va présenter plusieurs complications. Certaines complications extrêmement graves, menaçant le pronostic vital et nécessitant la ventilation artificielle, voire des technologies encore plus sophistiquées. Et l'enchaînement de ces complications va... Faire en sorte que la durée de séjour va se prolonger. Parce que pendant qu'on essaye d'acheter du temps, de soutenir la fonction des organes, l'organisme a aussi une réponse à... À l'agression, qui est extrêmement sévère. Pour te donner un exemple, on va perdre 20% du poids de son corps dans les 15 premiers jours en réanimation. Et ce n'est pas la graisse. C'est les muscles. On peut tomber très bas si on regarde la trajectoire. On a une trajectoire de vie qui, théoriquement, Si rien ne se passe, va nous conduire vers... La vieillesse, et le troisième âge aujourd'hui, C'est d'ailleurs une population importante en réanimation. Et puis, de temps en temps, il y a des événements aigus qui font que notre pronostic vital est immédiatement menacé. Notre état de santé peut se détériorer très, très vite et on va mettre du temps à remonter. Donc, les modes d'entrée en réanimation sont multiples. On peut se détériorer très profondément et très rapidement. Et on va mettre du temps à remonter, d'autant plus qu'effectivement, on a été bas. Il y a un ancien patient de réanimation, qui est un des cinq meilleurs pianistes de jazz du monde. Aujourd'hui, il a écrit ses mémoires, et le livre s'appelle « Good things happen slowly » . Ce qui est quelque chose qu'on a tendance à dire assez souvent aux patients, enfin aux familles des patients, en leur disant, vous savez, prenons les choses jour après jour, parce qu'on va mettre du temps à remonter.

Défaillances d'organes et technologies de monitoring [11:23 - 16:55]

Jean-Charles Samuelian : Et vous parlez du coup de défaillance d'organes. Est-ce qu'il y a des organes qui sont plus prompts à la défaillance que d'autres ? Comment vous mesurez ça ?

Jean-Daniel Chiche : Alors, autour de la réanimation, il y a beaucoup de technologies. Autour d'un patient en réanimation, il y a beaucoup de technologies. Ce qui nous permet de monitorer le fonctionnement du système cardiovasculaire, de façon générale, et notamment du cœur. Des appareils de diagnostic et de monitorage, comme l'échocardiographie aujourd'hui qui fait, ça fait vraiment partie de c'est le stéthoscope moderne du réanimateur. Aujourd'hui, il y a évidemment donc un certain nombre de technologies qui permettent de monitorer le fonctionnement d'un organe, comme les poumons, les reins. Ça se monitore essentiellement en regardant s'il y a de l'urine dans le sac à Urine, mais aussi en regardant la biologie. Et là, j'ai cité trois défaillances sur lesquelles on a vraiment des moyens de soutenir très activement la fonction de ces organes. Après, il y a des organes sur lesquels on a des moyens de diagnostic, par exemple, le cerveau, où les moyens d'intervention thérapeutique et de soutien de la fonction d'organes sont moins importants. C'est aussi le cas, par exemple, du foie, où aujourd'hui, les techniques de soutien de la fonction hépatique ne sont malheureusement pas assez développées. Et puis il y a un organe qui me fascine, qui est le système immunitaire, que les gens n'imaginent pas comme étant un organe, mais qui conditionne énormément le fonctionnement d'autres organes. Il y a des relations assez importantes entre la dysfonction du système immunitaire et la dysfonction, par exemple, cérébrale autour de la réanimation. Ou évidemment, la défense contre l'infection. Et là aussi, on a vu se développer ces dernières années, ce qu'on pourrait appeler. Un immunoscope, qui n'est malheureusement pas assez répandu et utilisé, mais qui, aujourd'hui, nous permet de voir chaque patient comme un patient différent. Et il faut bien comprendre... Que quand on est en réanimation, on peut rentrer en réanimation avec un système immunitaire qui est parfaitement normal. Et développer des complications qui vont être les complications des patients très sévèrement immunodéprimés. Parce qu'on va acquérir cette immunodépression en réanimation à cause de l'infection, à cause de l'agression, comme un traumatisme, par exemple. Et aujourd'hui, cette dysfonction du système immunitaire, elle peut évidemment nous empêcher de se battre contre l'infection. Qui nous a amenés ici, Mais aussi favoriser le développement d'infections secondaires, comme les infections nosocomiales. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand on voit survenir une infection nosocomiale chez un patient de réanimation, Ça ne veut pas nécessairement dire que les soignants ne se lavent pas les mains et qu'on ne fait pas attention, Mais ça peut vouloir dire aussi que le patient a atteint un niveau d'immunodépression. Qui est tel que ça favorise. La survenue d'infections secondaires, y compris d'infections opportunistes.

L'immunoscope et la médecine de précision [14:34 - 17:04]

Jean-Charles Samuelian : Et cet immunoscope c'est quoi comme outil de mesure ?

Jean-Daniel Chiche : Ça ressemble à quoi ? Évidemment, le système immunitaire est bien fait, c'est-à-dire qu'il est redondant. Il y a plusieurs acteurs. Et donc, il va falloir... L'immunoscope idéal, il va mesurer... La fonction à la fois, qualitativement et quantitativement de ces différents systèmes. Alors, c'est des choses que les hématologues et les immunologistes utilisent tous les jours, C'est des choses qu'on appelle la cytométrie en flux, par exemple, Mais c'est aussi simplement des paramètres qu'on a tous les jours à notre disposition quand on demande une numération. Formule sanguine, que ton médecin traitant va parfois demander, où les gens regardent le nombre de globules blancs et où, par exemple, les lymphocytes. Le nombre de lymphocytes nous dit énormément du statut de la réponse immunitaire. Parce qu'on a bien compris maintenant ces 20 ans de recherche. On a bien compris aujourd'hui quelles étaient les caractéristiques de cette immunodépression acquise en réanimation, acquise avec l'agression, avec le sepsis. Et aujourd'hui, La prochaine étape, un peu comme on l'a vu en cancérologie avec la survenue d'une médecine... Extrêmement personnalisée. Aujourd'hui, il n'y a pas un cancer du sein, il y a des milliers de cancers du sein en fonction de ce que la tumeur exprime. Aujourd'hui, explorer les différentes composantes de ce système immunitaire nous permet éventuellement de cibler la partie du système immunitaire qui dysfonctionne. Pour renforcer. À un instant donné le fonctionnement de ce système immunitaire et aider le patient à sortir de cette situation-là. C'est une révolution qui est en marche. Ça va prendre encore un petit peu de temps parce que cet immunoscope, comme je vous le disais tout à l'heure, aujourd'hui, ce n'est pas communément répandu. Et aujourd'hui, on n'a pas encore fait rentrer dans la tête des pharmas, peut-être que je ne reviendrai jamais plus à ce podcast, Le fait que ça doit faire partie des critères d'inclusion dans un essai clinique. Et qu'il faut cibler le bon patient avec la bonne drogue au bon moment et que ce n'est pas de la segmentation de marché. C'est la médecine de précision.

Jean-Charles Samuelian : C'est la médecine de précision et ce niveau d'immunodépression fait partie clairement des critères.

Jean-Daniel Chiche : Absolument.

Parcours et vocation en réanimation [17:04 - 21:24]

Jean-Charles Samuelian : J'ai l'impression que cette médecine de la réanimation est extrêmement complète. Il faut comprendre tous les organes, toute fonction du corps humain, l'interaction avec différentes pathologies. Qu'est-ce qui t'a fait te spécialiser là-dedans ? Quel est ton chemin et ton parcours Et comment tu te maintiens aujourd'hui à la pointe de tous ces sujets

Jean-Daniel Chiche : Alors, c'est des rencontres. C'est des rencontres. Quand j'étais jeune étudiant en médecine, je ne peux pas tout raconter. Quand j'étais jeune étudiant en médecine, j'ai commencé à remplacer une étudiante en médecine dans un service de réanimation. Et je me suis rendu compte qu'il y avait plusieurs façons d'apprendre. Il y avait apprendre, et puis il y avait... Comprendre et apprendre. Parce qu'à l'époque, les réanimateurs, c'était des gens qui connaissaient extrêmement bien la physiopathologie et qui te donnaient vraiment envie de faire ce métier. Juste pour nos auditeurs,

Jean-Charles Samuelian : physiopathologie,

Jean-Daniel Chiche : ça veut dire La physiopathologie, c'est comprendre comment fonctionne le corps humain. Ça, c'est la physiologie, pardon. Et la physiopathologie, c'est la façon dont les maladies vont perturber le fonctionnement du corps humain. Et c'était vraiment le plus court chemin entre la compréhension de la maladie et l'action. Mon premier stage d'étudiant en médecine, c'était dans un service de rhumatologie. On avait des discussions passionnantes avec des médecins qui étaient extrêmement savants. Et puis, jeune étudiant, on avait envie de changer des choses. Puis, le lendemain, on venait voir la patiente, On avait augmenté la cortisone de 0,5 mg par kilo à 0,6 mg par kilo. Puis on venait voir la patiente le lendemain, on lui disait, « Alors madame, ça va mieux ? » « Pas vraiment. » Puis le surlendemain, ça ne va toujours pas beaucoup mieux. Tandis que la réanimation, il y avait un truc, ça allait plus vite.

Jean-Charles Samuelian : La boucle de feedback était très rapide.

Jean-Daniel Chiche : La boucle, voilà. Et puis on comprenait, on investiguait de façon détaillée, on comprenait, on faisait un truc. Et puis, ça, ça a été... Ce qui m'a laissé penser que c'était une spécialité, déjà à l'époque, extrêmement intéressante. On fait des choses avec son cerveau, on fait des choses avec ses mains. C'était dans l'action. Et puis, en vieillissant, il y a une dimension humaine qui s'est greffée sur cette discipline, qui est absolument exceptionnelle. C'est-à-dire que c'est une discipline... Où on fait la différence entre la vie et la mort, et où on crée des deuxièmes vies. Et on vit des choses qui sont extrêmement intenses avec les patients, avec les familles, avec les équipes. Et de ce point de vue-là, c'est d'une richesse phénoménale. Je crois que j'ai mis la première fois les pieds dans un service de réanimation en 1984. Et aujourd'hui, je ne ferai toujours pas autre chose de ma vie.

Jean-Charles Samuelian : Donc, le choix était une vocation.

Jean-Daniel Chiche : Il a été assez simple. Après, comment on se maintient. Comme tout le monde, on lit tous les jours. Quand j'ai été jeune interne puis chef de clinique, ça voulait dire que le samedi, quand on avait terminé sa matinée de travail à 15h, on allait à la Bibliothèque du Fer-à-Moulin, avec sa carte de bibliothèque. Et qu'on photocopiait des dizaines et des dizaines d'articles qu'on lisait le dimanche. Et que maintenant, on a un accès absolument immédiat à l'information. Et quand on a été bien formé pour le coup, ça transforme quand on n'a pas été formé ou pas assez bien. Ça peut être overwhelming, comme disent les anglo-saxons Mais quand on a finalement acquis les bases et qu'on a construit la pyramide tout doucement après, c'est phénoménal. Et justement, comment ta vision des soins intensifs et de la réanimation a-t-elle évolué ?

Évolution de la vision et translation de la recherche [21:24 - 25:42]

Jean-Charles Samuelian : Au fil des années et du temps ?

Jean-Daniel Chiche : Je dirais que la dimension humaine a pris de plus en plus d'importance. Et puis, surtout, Il y a une dimension qui s'est imposée, c'est le fait qu'en réanimation, plus qu'ailleurs, l'inégalité qu'on peut avoir dans l'accès à des soins de qualité n'est pas tolérable. Et le délai avant l'application de... Des progrès thérapeutiques n'est pas tolérable. Il y a une étude qui montre qu'il faut 17 ans pour que 14% des résultats de la recherche arrivent au lit du malade.

Jean-Charles Samuelian : C'est effrayant.

Jean-Daniel Chiche : Oui, c'est effrayant. Et ce qui est aussi effrayant, c'est qu'un certain nombre de collègues... Qui vont dire, c'est normal, c'est le temps que ça prend. Non, ça ne peut pas être le temps que ça prend. Il y a un dysfonctionnement dans notre système.

Jean-Charles Samuelian : Il faut retourner la question. Comment on fait en sorte qu'on soit 100% dans le camp

Jean-Daniel Chiche : Exactement. Comment on peut accélérer la translation de la recherche à l'application de la recherche Et là, Il y a un vrai sujet autour des métriques qu'on utilise. Pour valoriser la recherche. Si j'avais la possibilité d'avoir la main sur les agences de financement, je dirais qu'on ne donne plus un centime à un projet où la translation n'est pas prévue et où ça ne fait pas partie du projet. Et puis, on utilise une métrique qui est de dire, OK, Cette équipe de recherche a sorti combien de papiers dans des grandes revues. Alors qu'en fait, ça devrait être, mais de combien ça a fait bouger les lignes ? Oui,

Jean-Charles Samuelian : dans la réalité des...

Jean-Daniel Chiche : De combien ça a fait bouger les lignes pour cette maladie ? Donc, réussir ça, la transformation de la recherche aux soins, Ça a été un sujet important. Ça, j'ai compris, ça. L'autre chose que j'ai comprise, c'est que les sciences de l'implémentation, ce n'est pas un truc qu'on apprend à la faculté. Et que c'est un truc qui est essentiel aujourd'hui. Dans le fonctionnement d'une équipe, et notamment dans l'organisation d'une démarche qualité-sécurité au sein d'un service, On a besoin de faire une cartographie des processus, de comprendre comment ça fonctionne, de voir quels vont être les drivers, qualité-sécurité, de voir comment on va le mesurer. Alors, l'hôpital, ce n'est pas une entreprise, un service, ce n'est pas une entreprise, ça reste une... Une organisation humaine. Et cette dimension humaine, c'est à la fois sa force et sa faiblesse. Et donc, faire en sorte que le nudging soit dans l'ADN des équipes, Je pense que c'est un truc important, et faire en sorte qu'on mesure l'efficacité des process. Pas simplement qu'on se dise, Bah, oui, On a appris ça en congrès et on l'a lu, et donc on le sait et c'est appliqué de façon quotidienne. Je me suis rendu compte, de façon un peu anecdotique et amusante, qu'un truc qui marchait très bien. Quand j'étais là, marchait un peu moins bien quand j'étais pas là. Et pas simplement parce que les gens avaient peur de moi, simplement parce qu'ils n'avaient pas la data. La théorie, ils la savaient, Mais voir la rigueur dans l'application quotidienne, ce n'est pas aussi simple. Et donc, ça, c'est aussi une des choses que j'ai apprises et qui a fait changer ma vision de la réanimation pour sortir de la culture du héros.

Jean-Charles Samuelian : Je suis...

Jean-Daniel Chiche : Le réanimateur qui va changer la vie, pour passer vers une culture de système. Et ça, je pense que c'est un truc qu'il faut faire rentrer possiblement dans toutes les équipes de soins, mais très clairement en réanimation.

Réanimation prédictive et préventive [25:42 - 28:57]

Jean-Charles Samuelian : On parlait tout à l'heure dans mon introduction d'une évolution de la réanimation prédictive, préventive et personnalisée. Qu'est-ce que ça veut dire? Prédictif et préventif en réanimation ?

Jean-Daniel Chiche : Là, on commence à toucher le domaine de l'intelligence artificielle et de ce que ça peut nous apporter en réanimation. Sur le plan théorique, il est évident que ça va avoir des applications majeures, notamment dans notre capacité à prédire des complications. Il y a quelques années maintenant, on avait fait avec nos... Des amis du Boston Consulting Group, un travail pour prédire la survenue d'une insuffisance rénale aiguë en réanimation. Pourquoi l'insuffisance rénale aiguë ? Parce qu'un patient qui développe une insuffisance rénale aiguë en réanimation, son pronostic n'est pas du tout le même. Il y a une surmortalité évidente, il y a un certain nombre de ces patients qui vont sortir avec une insuffisance rénale chronique, avec une insuffisance rénale persistante, qui vont égratigner la vie, L'impact est majeur. Et on est assez persuadé qu'il y a un certain nombre de ces épisodes. Qu'on peut éviter si on arrive à identifier les patients comme étant particulièrement à risque. Et donc, On avait sorti, en analysant les données d'une trentaine de milliers de patients, un algorithme qui prenait en compte des variables qu'on obtient assez facilement, qui ne sont pas les mêmes au premier jour, au deuxième jour et après le deuxième jour de réanimation. Ce type de choses, on va voir se développer. Maintenant, il reste encore plein de sujets sur la validation de ces modèles et la mise en application. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, quand on regarde la littérature autour de ces sujets, on voit énormément de travaux sur le développement de modèles. Beaucoup moins de travaux sur la validation de ces modèles et la mise en application de ces modèles, et encore moins, Je ne dirais pas, sur la validation de ces modèles par des essais cliniques bien faits. Et c'est, par exemple, une des étapes qu'on est en train de mener autour de ce travail sur l'insuffisance rénale aiguë. Où? L'idée, c'est de voir si, quand on a l'algorithme, plus un biomarqueur, plus une checklist de choses à faire ou ne pas faire. Quand le patient est étiqueté à risque, est-ce qu'on fait mieux qu'une étiquette C'est ça la médecine préventive et prédictive en réanimation. C'est prédire aussi la réponse à l'effet des traitements. Donc, je dirais que c'est vraiment le domaine dans lequel l'intelligence artificielle doit nous amener le plus de... De bénéfices dans les années à venir. Et aujourd'hui déjà, quand on regarde les applications de l'intelligence artificielle en réanimation, Il y a à peu près 60% ou 65% Des publications qui concernent directement la prédiction. Ok,

Jean-Charles Samuelian : waouh.

Prise en charge psychologique et post-traumatique [28:57 - 35:54]

Jean-Charles Samuelian : Et on a parlé aussi d'un changement d'approche de la prise en charge des patients et de leur récupération, notamment sur les sujets psychologiques et post-traumatiques. Comment tu réfléchis à ça ? Qu'est-ce que tu as changé dans tes méthodes Quel est le type d'accompagnement que tu amènes ?

Jean-Daniel Chiche : Alors là, ça, c'est un pôle extrêmement important. Chez 101, dans cette fondation, on appelle ça le pôle mieux accompagné. Il faut savoir que la réanimation, ça transforme tout le monde. Les soignants, évidemment, les patients et les familles. C'est-à-dire qu'un patient qui passe trois semaines en réanimation va avoir tendance à développer un truc qu'on appelle le stress post-traumatique. Le stress post-traumatique d'un patient de réanimation comme ça, c'est à peu près 5 fois le stress post-traumatique d'un soldat de l'ONU qui revient.

Sauf que tu connais l'état de l'hôpital, Il n'y a pas de psychologue nécessairement disponible pour prendre en charge ces patients-là. Pour prendre en charge les familles, le stress post-traumatique, ça touche aussi les familles. Et ça, on se rend compte qu'il y a un énorme besoin d'accompagnement à la fois des patients, des proches et même des soignants. Parce que quand on prend cette dimension, on va agir aussi sur le burn-out des soignants, sur l'épuisement des soignants. Alors, là aussi, la technologie peut nous aider. On a développé un certain nombre d'outils. Tu parlais tout à l'heure de Lifemap dans ton introduction. LifeMap, C'est une boussole. La réanimation, on a commencé par là dans ce podcast. Les gens ne savent pas ce que c'est. Il faut bien réaliser que pour les gens, ça commence par un coup de téléphone qui te dit que ton proche est en réanimation. Tu arrives dans un univers qui est hostile, avec plein de machines autour du patient, qui font du bruit, qui affichent un grand nombre de paramètres. Des gens ont parfois du mal à se détacher de ces écrans, alors que l'essentiel n'est pas là. Et on s'est rendu compte qu'il y avait besoin de les orienter, d'orienter ces familles, en leur expliquant qu'est-ce que c'est que cette discipline, qu'est-ce que c'est que toutes ces machines. qu'est-ce qui se passe dans un service de réanimation, à quoi il faut s'attendre pendant le séjour, après le séjour. Donc, LifeMap, par exemple, c'est un outil digital qu'on met à la disposition des services pour qu'ils puissent gagner énormément de temps aux équipes, aux soignants, aux médecins, en leur donnant un truc qui va aider les gens. Parce qu'en plus, ce qu'on va leur dire dans l'entretien initial, ça fait... Les gens ne comprennent pas.

Jean-Charles Samuelian : C'est dur de l'entendre émotionnellement.

Jean-Daniel Chiche : Ils sont choqués. Il y a longtemps, un des premiers papiers du collectif FAMIREA, qui est animé par mon ami Elie Azoulay, qui dirige la réanimation de l'hôpital Saint-Louis ici, Ce papier montrait que les familles ne comprennent pas 50% de ce qu'on leur dit dans un premier entretien. Ce n'est pas de leur faute. Et que... Parfois, ils ne sont pas capables de dire quel est l'organe défaillant après qu'on leur a expliqué. Et donc leur donner une boussole qui va leur permettre de reconstruire le contenu de cet entretien, de mieux le comprendre, de le partager, C'est super important. Puis il y a un autre truc, c'est pour le patient, Il arrive dans un état de détresse vitale, on le met dans le coma, On est le 25 juin. Et puis, on va le réveiller, Wimbledon est terminé, et le Tour de France aussi. Et il ne sait pas ce qui s'est passé dans le monde, parce que lui, il s'est endormi un instant. Et il ne se rappelle plus de rien. Et reconstruire ces semaines ou ces mois de vie, là aussi, Ça a un impact sur le stress post-traumatique du patient. Des familles, il y a des patients qui te disent, si demain matin, ma maison brûle... Le truc que je prendrais, c'est le Journal de bord, ce journal dans lequel les soignants, la famille, ont écrit et qui a raconté ce qui se passait. Et là aussi, avec la transformation digitale, on a un outil qui s'appelle Lifemap Diary, qui est un journal de bord numérique où les équipes ont fait un boulot phénoménal. Ça aurait pu être fait par Alan. C'est super bien fait et ça permet aux gens qui viennent... Aux gens qui ne viennent pas parce qu'ils sont loin, de contribuer à ce journal de bord, aux soignants de contribuer à ce journal de bord. Et ça va permettre à ces patients de reconstruire cette période et d'éviter le stress post-traumatique. Et l'étape maintenant, c'est d'intégrer l'intelligence artificielle pour aider les soignants à écrire et de voir si ça change quelque chose ou pas. Peut-être que ça marchera moins bien. Mais ça fait partie des outils qu'on essaie de mettre en place. Le troisième truc que j'ai envie de citer pour humaniser encore cette discipline, et pour la faire partager, c'est un truc qui s'appelle Second Life by 101. C'est entre le magazine de réanimation et le réseau social de réanimation, où soignants, anciens patients, familles se retrouvent. Et peuvent échanger, peuvent regarder des témoignages, des conseils sur la reconstruction. Et puis, il faut ouvrir les portes de ces services. Quand j'ai commencé la réanimation, les visites étaient 13h30, 15h30. Et c'est court. C'est-à-dire que c'est inhumain. Comment on peut te dire que la vie de la personne que tu aimes est menacée, à partir de maintenant, tu n'as plus le droit de la voir. Ou tu as le droit de la voir une heure ou deux heures par jour. Donc, ouvrir les services 24h sur 24, 7 jours sur 7 aux familles. C'est un enjeu majeur et c'est un enjeu d'humanisation qui, non seulement, est important pour les patients, pour les proches, mais là aussi, pour les équipes. Et si je peux partager une anecdote de la période Covid, pendant la première vague où les gens ont dit on ferme tout, les gens ont dit pas de visite, stop, Les visites sont interdites. Ça a duré moins de 24 heures. Moins de 24 heures après, les infirmières sont venues nous voir et ont dit « Pas de visite, pas de soins. » Donc, nous, on ne soignera pas sans les familles. On s'est arrangés, c'était plus 24h/24, c'était plus strictement réglementé pour des histoires, évidemment, de contrôle de l'infection. Après, on a pu mesurer le fait que les services qui ont autorisé les visites avaient de meilleurs outcomes. Notamment en termes de stress post-traumatique et pour les patients, et pour les familles, et pour les équipes.

Jean-Charles Samuelian : Incroyable.

Jean-Daniel Chiche : Donc cette humanisation, elle, est vraiment fondamentale.

La Fondation 101 : histoire, piliers et impact [35:59 - 44:34]

Jean-Charles Samuelian : Tu parlais à l'instant de toutes tes initiatives avec 101. Est-ce que tu peux nous parler un peu plus de l'histoire derrière Qu'est-ce qui t'a poussé à la créer Quelle est la taille aujourd'hui ? Quel est l'impact ? Quels sont les grands piliers ?

Jean-Daniel Chiche : C'est un peu la réalisation de ce que devenait la réanimation et de combien elle était éloignée de ce qu'elle devait être. C'est-à-dire le delta zéro, la fameuse égalité des chances pour tout le monde. Donc ça nous a poussé à créer ce fonds de dotation. On l'a appelé 101 parce que Position 1, on a des projets pour demain. Puis on va en réanimation, on est en position zéro. Notre objectif, c'est de créer des deuxièmes vies, de revenir en position 1. Et puis, parce qu'effectivement, les zéros et les 1, c'est le monde de la data. Et parce qu'on était vraiment persuadés qu'en donnant les data aux soignants, on allait finalement les armer et les mettre dans le siège du conducteur. Quand on veut driver un service vers la qualité et la sécurité, Il faut que tout le monde soit persuadé de la direction à prendre, de l'écart par rapport à la performance souhaitée. Et quand je parle de performance, évidemment, je ne parle pas de performance médico-économique, je parle de performance en termes de qualité de soins et de sécurité des soins. Et ce qui est intéressant, c'est que la performance médico-économique, elle suit. Donc on a monté ce truc-là avec trois piliers. Un pilier qui est mieux soigner. Et pour ça, On a un partenaire technologique qui nous permet d'avoir une plateforme qui se connecte au système d'information des hôpitaux, des services de réanimation, d'agréger des données qui sont évidemment des données totalement anonymisées et qui continuent à appartenir aux services et aux patients. Mais on les restitue sous forme d'indicateurs de performance et de qualité, de compliance avec un certain nombre de processus de soins. Avec une métrique qui est assez simple, c'est de mesurer l'écart entre la mortalité observée et la mortalité qui est prédite par les scores. Et quand on a fait un premier autodiagnostic des services et que les services commencent à récupérer leurs datas, On met à leur disposition d'abord des plateformes de contenu pédagogique. Là aussi, c'est du digital, beaucoup plus que du présentiel. Et puis, On met à leur disposition des experts, des gens qui vont les coacher sur les sciences de l'implémentation et les aider à mettre en place une démarche qualité-sécurité dans les services. L'impact est très important parce que c'est dans les services qui sont connectés de façon stable, qui ont trois ans d'ancienneté dans le programme. On mesure une diminution de la mortalité qui est tout à fait significative. Aujourd'hui, c'est plus de 100 000 vies sauvées depuis la création. C'est une réduction de la mortalité, avec en moyenne, un indice, le rapport entre la mortalité observée et la mortalité prédite, qui passe globalement de 1,2 à 0,8, et une diminution de la durée de séjour En réanimation, qui est de l'ordre de 0,8-0,9 jours de réanimation et de 4 jours d'hospitalisation. Alors, tu vas me dire, mais ça, c'est juste un truc économique. Non, ce n'est pas un truc économique. C'est un truc qui fait que si tu diminues de 0,8 jours ta durée de séjour en réanimation, ça veut dire qu'avec les mêmes ressources, tu peux soigner 17% de patients en plus. C'est énorme. L'autre truc qu'on fait, c'est essayer d'accélérer la recherche et notamment... L'application du résultat de la recherche avec des méthodologies d'essais cliniques qui sont possiblement la seule chose qui aurait existé si on avait eu il y a longtemps Le computing power qu'on a aujourd'hui, la puissance de calcul qu'on a aujourd'hui. Et avec des modèles de statistiques spécifiques qui sont des statistiques bayésiennes. On ne va pas rentrer dans les détails, mais qui permettent de simuler l'essai et de vérifier, au fur et à mesure qu'on inclut les patients, que notre simulation est adéquate, d'inclure plus de patients dans les groupes qui semblent bénéficier de l'intervention que dans les autres. Et le modèle spécifique, c'est les essais plateforme. Et globalement, C'est ce qui a marché dans le Covid et qui a, de façon très spectaculaire et très rapide, permis de montrer des résultats. C'est-à-dire que... Quand on regarde, je te disais tout à l'heure qu'il faut 17 ans pour que 14% des résultats de la recherche arrivent au lit du malade. Le premier papier, qui a montré que la cortisone était efficace dans les formes très agressives de Covid, sort au mois de juin. Quand le deuxième papier, qui teste l'effet d'un anticorps spécifique, sort. 93% des patients qui ont été inclus dans cet essai-là avaient reçu de la cortisone. Donc, on n'était plus à 17 ans, on était plus proche des 17 semaines. Donc, on finance ce type d'essai, on finance des bourses de recherche, donc ça, c'est le volet mieux comprendre. Mais évidemment, pour ça, il faut qu'on ait de l'argent, et la recherche aujourd'hui, la recherche clinique coûte énormément d'argent, et prend énormément de temps. Ce n'est pas le temps qu'aime voir le réanimateur, mais bon, c'est le cas. Et puis le troisième volet, c'est le volet mieux accompagné, dont on parlait tout à l'heure, où là aussi, On voit bien qu'au fur et à mesure que nos outils se déploient, on a des demandes, On met en place des groupes de parole, des groupes de soutien des patients et des familles, Et on voit s'agréger une communauté autour, par exemple, de Second Life, qui est tout à fait spectaculaire. Donc, 101, C'était un truc qui était vraiment nécessaire. C'est un projet qui est, au départ, on est six médecins à l'origine du projet. Mais aujourd'hui, c'est des centaines de bénévoles et une petite équipe opérationnelle, mais qui fait un travail phénoménal.

Jean-Charles Samuelian : Vous accompagnez combien de services aujourd'hui

Jean-Daniel Chiche : Aujourd'hui, on a plus de 600 services qui sont connectés. On a plus de 600 services qui sont connectés. On est présent à peu près dans pas mal de pays dans le monde, avec une dynamique qui est limitée par trois trucs. Première chose, les ressources financières. Deuxième chose, le fait que la transformation digitale du monde hospitalier va moins vite Que celle du monde du quotidien, je dirais du grand public ou de l'entreprise, Et notamment que les directions des services d'information des hôpitaux sont très souvent sous-dimensionnées et ont du mal à gérer Des priorités qui sont les leurs, et pas nécessairement les nôtres, celles des services de réanimation. Et puis le troisième point, Il y a des points d'interopérabilité, des points de réglementation qui, là aussi, nous empêchent de nous développer aussi vite qu'on le voudrait. Mais je dirais que pour une jeune fondation, c'est... C'est déjà pas mal. Quand on s'est rencontrés la première fois, je crois que j'aurais déjà signé pour en être où on est aujourd'hui. Oui,

Jean-Charles Samuelian : Pas mal. Et c'est quoi le budget annuel d'une fondation comme ça et comment on peut aider

Jean-Daniel Chiche : C'est 3 millions par an.

Jean-Charles Samuelian : Et les gens peuvent faire des donations en direct ?

Jean-Daniel Chiche : Absolument.

Jean-Charles Samuelian : On mettra un lien dans le...

Jean-Daniel Chiche : Avec grand plaisir.

La médecine personnalisée en réanimation [44:34 - 52:50]

Jean-Charles Samuelian : Si on passe sur le sujet de la médecine personnalisée, j'aimerais bien comprendre, et tu as commencé à en parler tout à l'heure, mais... Quelle est ta définition de la médecine personnalisée ? Qu'est-ce qui est vraiment possible aujourd'hui ? Et à quoi ça va ressembler potentiellement demain ?

Jean-Daniel Chiche : En fait, ce qui va amener un patient en réanimation aujourd'hui... Je restreins la question à la réanimation. Ce qui va amener un patient en réanimation aujourd'hui, c'est une interaction entre un événement aigu, son système immunitaire, ses comorbidités. Si on reprend l'exemple des infections graves, c'est un microbe qui infecte un patient donné qui est peut-être cardiaque, qui a peut-être un traitement immunosuppresseur, qui a aussi un patrimoine génétique. Et l'interaction entre la bactérie, le microbe, L'hôte, ses comorbidités, son système génétique, son génome et son exposome font qu'on va avoir pas mal de trajectoires différentes possibles. On avait travaillé là-dessus il y a déjà très longtemps en s'intéressant aux prédispositions génétiques aux infections graves. Le même microbe qui va infecter deux patients, il y a un patient qui peut mourir en 12 heures Sans qu'on puisse faire quoi que ce soit pour l'éviter, et un patient, alors qu'il est peut-être vieux, comorbide, qui va s'en sortir un peu contre toute attente. On a compris que ça, c'était déterminé par pas mal de choses, et notamment par notre génome. Notre capacité à avoir une variation insignifiante dans notre génome qui fait que... Une des protéines essentielles dans la reconnaissance du microbe, par exemple, va moins bien fonctionner. Une des protéines essentielles dans l'organisation de la réponse va trop bien fonctionner et produire énormément de molécules toxiques et inflammatoires. Ça, on a compris que ça pouvait inscrire les patients sur des trajectoires différentes. Aujourd'hui, c'est des choses qu'on peut mesurer. De la même façon, la réponse au traitement peut varier énormément d'un patient à un autre. Et là aussi, c'est déterminé par pas mal de choses. L'efficacité de notre foie, de nos reins, le fait qu'on a des protéines qui sont élevées, qui sont basses, et là aussi, notre génome. On donne la même dose de médicaments en milligrammes par kilo, à tout le monde en pensant que ça va marcher, quel que soit le... Le génome du patient, l'origine ethnique du patient, les comorbidités du patient. Et ça aussi, c'est des choses où il y a maintenant énormément de littérature qui nous ont fait progresser, qui nous laisse penser, exactement comme en oncologie, qu'il faut personnaliser les traitements. Et là aussi, c'est apprendre, y compris de nos échecs. Il y a une longue série d'essais cliniques en réanimation qui sont dits entre guillemets négatifs. Ce terme m'énerve parce que si la question était bien posée, qu'elle était importante et que l'étude était bien menée, il n'y a pas d'essai négatif. L'essai est informatif. Le seul essai qui est négatif, c'est celui qu'on devrait faire et qu'on ne fait pas, ou celui qu'on arrête ou qu'on fait mal. Je vais prendre un exemple simple. On se pose la question de savoir s'il vaut mieux donner de l'oxygène à des patients qui sont en détresse respiratoire ou qui sont en réanimation, de façon à normaliser complètement leur taux d'oxygène dans le sang, ou en acceptant un certain degré d'hypoxie. C'est-à-dire qu'au lieu de les mettre à 98 ou à 100%, on se dit finalement que c'est quand ils ont 92% de leur hémoglobine qui est saturée en oxygène, ça suffit. On prend deux essais cliniques, bien faits, qui se posent cette question et qui, quand on regarde la mortalité de ces patients à J28, est strictement identique. On a tendance à dire que ces deux essais sont négatifs. En fait, avec les technologies d'aujourd'hui, et notamment les technologies en termes d'intelligence artificielle, quand on réanalyse les résultats de ces essais, on se rend compte qu'il y a une hétérogénéité de l'effet du traitement. C'est-à-dire qu'au sein de la population, effectivement, On a mesuré un effet moyen, mais il y a des patients qui ont été améliorés par une des stratégies testées, Des patients qui ont été aggravés par cette stratégie testée, des patients pour lesquels ça n'a pas fait de différence. Et aujourd'hui, ces technologies nous permettent de comprendre qui sont ces patients et de...

Jean-Charles Samuelian : Quelles sont les corrélations ?

Jean-Daniel Chiche : Exactement, ça nous permet de se dire finalement... Comprendre l'hétérogénéité de l'effet de ce traitement. Et finalement, Ce sous-groupe de patients dans le collectif qu'on a utilisé va bénéficier plutôt de la stratégie numéro 1. Ce sous-groupe de patients va bénéficier plutôt de la stratégie numéro 2. Et pour ce sous-groupe de patients, ça ne va pas faire de grosses différences. Et ça, il faut dire que c'est vrai pour absolument chacun des traitements qu'on utilise en réanimation. C'est vrai pour chacune des décisions cliniques que l'on prend. Sauf qu'aujourd'hui, on les prend de façon mal informée. Et surtout, on les prend avec une habitude qui a été de se dire, On utilise ce qui vient de la littérature. Et malheureusement, la littérature, elle mesure quelque chose de moyen pour la population de patients qui a été évaluée. Et pas le sous-groupe de patients qui peut en bénéficier. Et ça fait des années qu'on voit ça. Ça fait des années autour du sepsis. Il y a eu, au début des années 2000, un traitement, Par exemple, où il y a eu un article très impressionnant qui montrait un effet du traitement. Et, de fait, je pense que c'est la première fois que j'avais un médicament où on filait ce truc-là au patient, on disait, lui, Dans l'état dans lequel il est demain, On va le retrouver dans un état catastrophique. On revenait le lendemain, on disait, tiens, miracle, la drogue a fonctionné. Parce que, c'est pareil, Je vais encore me faire des ennemis du côté de la pharma, alors que je ne suis pas du tout anti-pharma, loin de là. Parce qu'on a mélangé la science, le marketing et que les gens se sont dit si ça marche sur cette population, essayons de voir si on en donne un peu plus, un peu plus longtemps à des gens un peu plus vite. On a dilué l'effet du traitement. Et à la fin, cette drogue a été retirée du marché alors qu'elle marchait et notamment qu'elle marchait sur un sous-groupe de patients. Et aujourd'hui, les technologies de l'information, L'intelligence artificielle nous permet de mieux comprendre ça, mieux comprendre l'hétérogénéité de l'effet du traitement. Et je crois qu'on est en train de vivre un début de révolution Des essais cliniques en réanimation de ce point de vue là et que ça va accélérer vraiment les choses

Outils d'aide à la décision et intégration systémique [50:16 - 52:50]

Jean-Charles Samuelian : Et en plus des cliniques, Il va falloir des outils de prise de décision parce qu'aucun être humain peut digérer cette complexité en puissance. En somme, le nombre de traitements de cas spécifiques. Comment tu crées des outils de prise de décision ?

Jean-Daniel Chiche : Alors, tu as absolument raison. Donc, là, on va parler d'un rêve qui est d'intégrer tout ça dans le système d'information. Je dis un rêve parce qu'évidemment, Il y a des... Des enjeux d'interopérabilité, des choses comme ça. Dans l'idéal, on va documenter le fait que notre patient a une pneumonie et le système va nous répondre, ah, s'il a une pneumonie, aujourd'hui, le standard de soins, C'est ça, ça, ça et ça. Dans tel domaine, tel domaine et tel domaine, il y a des questions qui se posent et il y a des études en cours et on propose de randomiser ton patient. Oui ou non ? Et évidemment, avec les technologies d'essais cliniques dont on parlait tout à l'heure, ces essais adaptatifs bayésiens, on peut imaginer qu'on va avoir des réponses beaucoup plus vite. Et ça va pouvoir, après, On a la réponse sur ce domaine-là. On sait que le traitement A est mieux pour telle catégorie de patients. Ça intègre la mise en production et la suggestion qu'effectivement, pour ce patient-là... On te suggère d'utiliser ce truc-là. C'est un rêve, mais on en est, je crois, peut-être pas si loin, en fait. La vraie difficulté, c'est cette difficulté d'interopérabilité. Oui,

Jean-Charles Samuelian : des systèmes existants et de comment tu plugs sur tout ça.

Jean-Daniel Chiche : Et de révolution, dans la façon dont les cliniciens acceptent le fait qu'on ne peut pas vivre avec la recherche clinique ici et le soin là, Et qu'il faut fusionner les deux. Ce qui a fait avancer la cancérologie.

Jean-Charles Samuelian : De manière extraordinaire.

Jean-Daniel Chiche : Il y a 30 ans, tous les patients en cancérologie ou en hématologie étaient dans un essai clinique. Et ils ont investi énormément d'argent en recherche fondamentale. Et il y a évidemment les pharmas qui ont mis beaucoup, beaucoup d'argent. Et aujourd'hui, encore une fois, la cancérologie moderne, ce n'est pas la cancérologie d'il y a 30 ans, d'il y a 50 ans.

Jean-Charles Samuelian : Et s'imaginer se projeter à ce qu'on peut faire et où est-ce qu'on pourrait être dans 10 ou 20 ans, c'est passionnant.

Jean-Daniel Chiche : Avec une pente d'accélération et de progrès qui est exponentielle. Oui,

Jean-Charles Samuelian : totalement.

Concilier technologie et humanité [52:50 - 57:13]

Jean-Charles Samuelian : On parle beaucoup de technologie, on a parlé aussi beaucoup d'humanité. Comment tu concilies les deux Comment tu fais que les deux s'enrichissent l'un l'autre dans ta pratique

Jean-Daniel Chiche : Je crois que pour le faire, il faut se centrer sur... Ce qui fait la richesse de notre discipline et l'intérêt de ce métier, et notamment l'être humain. Je crois qu'on est aujourd'hui un peu à la croisée des chemins. Il y a à peu près quatre générations de gens qui travaillent à l'hôpital. Ces générations, elles ont toutes de la valeur. Elles ont toutes des valeurs, même si ces valeurs ne sont pas les mêmes. Mais il y a un certain nombre de valeurs communes. Et je ne ferai jamais partie des patrons qui disent « Ah oui, mais de mon temps, on travaillait beaucoup plus, on était beaucoup moins fainéants. » En fait, les gens qui ont aujourd'hui l'âge de mes enfants, Je mesure tous les jours à quel point ils sont intelligents, à quel point ils ont de la valeur et à quel point ils ont des valeurs. Et en même temps, Ils en ont d'autres qui sont « J'ai envie de voir grandir mes enfants. » C'est ma femme qui m'a passé la balle pendant très longtemps. Maintenant, c'est un peu à elle de marquer les paniers et moi de lui passer la balle. C'est des choses qui sont tout à fait normales. Et aujourd'hui, je pense que c'est important de se dire Cette culture de système, ce système, comment on invente un système qui fait en sorte que ça permet de pratiquer une médecine de pointe et une médecine de grande qualité en étant compatible avec les aspirations des générations de soignants d'aujourd'hui, En faisant en sorte que l'expérience du système soit supérieure à la somme des expériences des gens qui travaillent aujourd'hui dans ces services. Et ça, je crois que c'est aujourd'hui réfléchir sur ces valeurs-là. C'est une façon de réconcilier la médecine... Du quotidien, la médecine de pointe de précision, la recherche et la fusion de la recherche clinique et du soin, L'intérêt de ceux qui la font et qui la pratiquent et qui peuvent aussi, grâce à la technologie, Économiser du temps et utiliser ce temps-là pour faire des choses qui font du bien aux patients, qui font du bien aux familles et qui font du bien aussi à l'âme des soignants. Parce qu'encore une fois, je crois que quand on choisit ce métier... Et notamment, cette discipline, c'est d'abord parce qu'on a le cœur au bon endroit et parce qu'on a envie d'aider. Et on a envie de faire une différence dans la vie des gens. Et moi, je trouve ça super émouvant quand je vois une équipe se réunir pour faire une haie d'honneur à un patient qui sort après un séjour prolongé en réanimation. Oui, mais c'est des choses qui arrivent quotidiennement. C'est des choses qui arrivent quotidiennement. Ces équipes sont incroyables. J'ai beaucoup d'admiration pour les équipes. Et j'ai eu la chance de voyager pas mal dans le monde. Et de voir des services de réanimation un peu dans tous les pays du monde. Et tu peux aller n'importe où.

Jean-Charles Samuelian : Il y a ce truc très commun.

Jean-Daniel Chiche : Oui. Tu vas croiser l'œil d'un infirmier ou d'une infirmière qui a, au fond des yeux la... La motivation de se battre pour un patient et l'aider, la compassion et l'empathie. Je pense que si on valorise ça, la meilleure façon de le faire, c'est de laisser entrer les familles. C'est de laisser cette humanité diffuser dans tout le service. Je pense qu'on peut mettre n'importe quelle équipe en marche autour de cet objectif de qualité, de sécurité des soins et de pratique d'une médecine de haute qualité.

Prévention et leçons de la réanimation [57:13 - 01:01:03]

Jean-Charles Samuelian : Quel message incroyable. Si on, dans cette expertise des soins intensifs et de la réanimation, tu vois des organes défaillants, tu sauves des vies, tu vois ce qui mène, est-ce que ça t'a permis aussi de comprendre et de te poser des questions un peu sur... Qu'est-ce qu'on peut prévenir avant la longévité Qu'est-ce que ça change dans tes actions Et qu'est-ce que ça peut inspirer dans nos actions du quotidien aussi ? Essayer d'éviter de se retrouver en réanimation.

Jean-Daniel Chiche : Écoute, il y a quelques... Je crois qu'il y a deux ans, au congrès de la Société de réanimation de langue française, dans les conférences de prestige, Ils avaient invité Jean Jouzel, qui est venu nous parler, évidemment, de... Des conséquences de nos modes de vie. Il y avait plusieurs messages importants et intéressants. Le premier, c'est qu'il nous dit, est-ce qu'on peut vivre... Sur sa slide, il y avait une gravure d'il y a quelques siècles. Est-ce qu'on peut vivre sur cette terre, sans dépenser plus de ressources que ce que la Terre peut nous fournir ? Oui, vraisemblablement. Est-ce qu'on peut le faire avec 8 milliards d'individus et une espérance de vie à 75 ans ? Peut-être pas. Donc ça déjà, pour un réanimateur, on se dit, tiens, qu'est-ce qu'on fait de ce message Mais le message le plus important que j'ai trouvé après, c'était quand il nous a expliqué que finalement, La production de gaz à effet de serre, c'est un by-product obligatoire, C'est un effet secondaire obligatoire d'utilisation de l'hôpital. Et quand on comprend ça, on se dit qu'en fait... Si on veut décarboner la santé, décarboner l'hôpital, décarboner la réanimation, nos actions sur le conditionnement des médicaments, Ça va marcher un peu, mais c'est à la marge. La seule solution, c'est effectivement d'utiliser moins l'hôpital et d'aller vers une médecine préventive. Et ça, évidemment, C'est là que je crois que dans notre société se rejoignent... Deux priorités dont on entend rarement parler dans les mois qui précèdent les campagnes électorales, Je me fais d'autres amis, qui sont le monde de la santé et de l'éducation. Mais oui, évidemment, Si on ne transforme pas drastiquement notre mode de vie, On aura du mal à décarboner la santé et à changer grand-chose aux maladies qui nous amènent aujourd'hui en réanimation. Parce que quand on regarde, il y a un projet absolument fabuleux Qui s'appelle le Global Burden of Disease, qui est accessible en accès libre. On peut voir le poids de chaque maladie ou chaque type de maladie dans les différents endroits du globe. Vraiment, le projet, c'est une richesse phénoménale. On se rend compte que dans notre monde industrialisé, il y a un certain nombre de maladies On va reparler des maladies cardiovasculaires, du cancer. Où la question, Si on ne change pas notre mode de vie, c'est pas si, mais c'est quand. Donc oui, c'est évident qu'on aimerait avoir moins besoin de réanimation. Mais de fait, on n'est pas parti pour. Et dans un pays où on a la chance d'y avoir accès, il faut compter qu'on va y aller 2,5 à 3 fois par vie. Donc, tu comprends à quel point c'est important que le système soit prêt. Et là, encore une fois, je parle hors pandémie et hors catastrophe. Évidemment, on ne va pas parler des conséquences des guerres et des choses comme ça.

Message final et conclusion [01:01:03 - 01:03:07]

Jean-Charles Samuelian : Professeur Jean-Daniel, un immense merci pour cette conversation pleine d'humanité, de profondeur, qui a su connecter... Ce qui nous rend humains, l'empathie, la technologie, et de mieux comprendre le fonctionnement de nos organes, quand ils chutent, qu'est-ce qu'on peut faire, et comment on se donne du temps, les impacts psychologiques de tout ça. Un immense merci. Est-ce que tu as un dernier message à faire passer

Jean-Daniel Chiche : D'abord, je voudrais te remercier, parce que c'est super d'avoir du temps pour exposer des choses qui ne sont pas simples. Et puis, oui, c'est un message d'optimisme. Je pense qu'on vit une époque absolument passionnante sur le plan médical. Je crois que c'est Steve Jobs qui disait que les grandes avancées du 21e siècle seraient à l'intersection de la biologie et de la technologie. Et on est en plein là-dedans. Si on arrive à réconcilier ça avec l'humanité et les valeurs, que... Qu'on voit se développer dans les jeunes générations de médecins, je pense qu'on a des choses vraiment très importantes et très intéressantes à faire. En remplaçant la stupidité naturelle par l'intelligence artificielle. Et en voyant se développer une médecine plus humaine et plus performante avec cette convergence vers ce fameux Delta Zéro.

Jean-Charles Samuelian : Merci beaucoup pour ça. Visons cette convergence vers ce Delta Zéro. Très aligné avec la vision qu'on essaie de porter de la santé chez Alan. Si ce podcast vous a intéressé, passionné, comme ça l'était pour moi. Suivez le travail du professeur Jean-Daniel Chiche, suivez le travail de la Fondation 101, contribuez, posez-vous les questions, utilisez les différents outils, Parlez à vos proches en réanimation des différents outils qu'on a mentionnés aujourd'hui. Abonnez-vous au podcast pour les prochains épisodes et partagez vos commentaires et vos idées. Un grand merci.

Jean-Daniel Chiche : Merci.

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Publié le 17/09/2025

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