BaromĂštre Alan x Harris Interactive - Ă©dition 3
Evolution du bien-ĂȘtre mental au travail et dĂ©cryptage des aspirations des salariĂ©s et managers par secteur
Câest lâhistoire dâune maladie quâaucun scientifique nâavait anticipĂ©e. Pendant le confinement, quand les premiers tĂ©moignages de patients ont Ă©mergĂ© sur les rĂ©seaux sociaux, les mĂ©decins, les autoritĂ©s et les mĂ©dias leur ont prĂȘtĂ© peu dâattention. Sur Facebook et Twitter, des dizaines, puis des centaines, puis des milliers de personnes rapportaient une Ă©trange nouvelle : la Covid-19 ne se guĂ©rit pas en quelques semaines comme on le pensait, mais dans certains cas, perdure pendant de longs mois, revenant toucher les patients par vagues successives. Ces malades se regroupaient autour du hashtag #AprĂšsJ20. Puis le hashtag est devenu #AprĂšsJ40, #AprĂšsJ60, #AprĂšsJ80âŠetc. Aujourdâhui, le hashtag sâappelle #AprĂšsJ180 et ces patients sont pris trĂšs au sĂ©rieux et Ă©tudiĂ©s par de nombreux scientifiques Ă travers le monde. Leur maladie a mĂȘme un nom : le « Covid long ».
On estime quâenviron 10% des personnes contaminĂ©es vont dĂ©velopper des symptĂŽmes au long cours : gĂȘne respiratoire, fatigue chronique, problĂšmes neurologiques, tachycardie...Les professionels de la santĂ© se mobilisent pour ces patients lĂ . LâhĂŽpital Foch, par exemple, a mis en place le programme RĂ©hab-Covid, qui prend en charge certains patients atteints de Covid long. Votre mĂ©decin peut vous adresser Ă ce centre si vous remplissez des critĂšres dĂ©finis.
VoilĂ qui change notre vision du Covid-19 : il existe une catĂ©gorie intermĂ©diaire entre les cas graves qui finissent Ă lâhĂŽpital - trĂšs majoritairement des personnes ĂągĂ©es et/ou avec comorbiditĂ©s - et les cas bĂ©nins qui guĂ©rissent naturellement en une ou deux semaines.
Alan a interrogĂ© deux patientes dont les symptĂŽmes perdurent depuis plusieurs mois. Elles ressentent, toutes deux, ce besoin impĂ©rieux de parler de cette maladie, de dire que non, le Covid-19 nâest pas quâune "simple grippette" pour les personnes jeunes et en bonne santĂ©.
Des séquelles physiques
« Jâai Ă©tĂ© contaminĂ©e le 20 mars. Six mois plus tard, cette maladie me hante toujours. Jâai encore de consĂ©quentes sĂ©quelles physiques, avec des symptĂŽmes qui reviennent par vague : essoufflements au repos et Ă lâeffort, douleurs et brĂ»lures dans la gorge et le sternum, odorat et goĂ»t qui s'altĂšrent encore rĂ©guliĂšrement, fatigue chronique, courbatures. Mes capacitĂ©s physiques sont rĂ©ellement atteintes alors que je nâavais aucun problĂšme de santĂ© et que j'ai un mode de vie sain. Il y a des jours oĂč le simple fait dâouvrir un volet est une vĂ©ritable Ă©preuve. Il me faut un quart d'heure pour mâen remettre."
Des séquelles psychologiques
"Psychologiquement, câest aussi trĂšs dur. Je suis tatoueuse mais je ne peux plus retourner au travail. La vie extĂ©rieure est trop traumatisante. J'ose Ă peine sortir de chez moi, de peur dâĂȘtre recontaminĂ©e, de recroiser ce virus. J'ai dĂ©veloppĂ© une phobie du contact avec les autres, jâai sans cesse peur que les autres ne soient pas aussi prĂ©cautionneux que moi. Je ne peux plus regarder les infos Ă la tĂ©lĂ© sur le Covid. Ăa m'agace trop de voir les gens prendre cette maladie Ă la lĂ©gĂšre, en laissant entendre que les jeunes ne risquent rien."
La période de maladie
"Ma maladie sâest dĂ©roulĂ©e en trois phases : deux mois dâenfer pendant le confinement, deux mois de rĂ©pit et une rechute dĂ©sespĂ©rante depuis juillet. Jâai Ă©tĂ© trĂšs malade pendant tout le confinement. Bien sĂ»r, je nâĂ©tais pas dans un lit dâhĂŽpital comme certains de nos proches mais jâen ai rĂ©ellement bavĂ© pendant deux mois avec notamment des fortes douleurs thoraciques et des brĂ»lures frĂ©quentes depuis la gorge jusquâau sternum. Jâai dĂ» appeler le Samu 3 fois pendant le confinement. On mâa Ă chaque fois rĂ©pondu "nous sommes dĂ©solĂ©s, nous ne pouvons rien faire pour vous, rappelez-nous quand vous ne pouvez plus respirer". C'Ă©tait extrĂȘmement traumatisant comme pĂ©riode, jâavais trĂšs peur, je me levais tous les matins en croisant les doigts pour que ça disparaisse enfin. Je pensais ĂȘtre guĂ©rie en mai et juin. Et puis tout est reparti. Quand vais-je enfin voir le bout du tunnel ? »
« Je suis tombĂ©e malade trĂšs tĂŽt, dĂ©but fĂ©vrier, alors que personne nâimaginait que le virus Ă©tait dĂ©jĂ sur le territoire français. Au dĂ©part, câĂ©tait une grippe super bizarre, jâĂ©tais totalement chaos, je toussais beaucoup et jâavais des difficultĂ©s Ă respirer. Câest passĂ© au bout dâune dizaine de jours et jâai repris petit Ă petit une vie normale.
Entre patients du « Covid long », on appelle ça la « lune de miel » avec le virus. Ce moment oĂč tu penses que tout est fini, oĂč tu retournes dehors. Mais en fait non. Un soir, mi-mars, j'ai senti une rechute. Mon cĆur sâest mis Ă cogner dans ma poitrine dâune maniĂšre jamais Ă©prouvĂ©e. Je me sentais tellement mal que jâĂ©tais au bord dâappeler le 15. Et puis je me suis allongĂ©e et ma frĂ©quence cardiaque a diminuĂ©. Jâai aussi recommencĂ© Ă avoir des difficultĂ©s passagĂšres Ă respirer. Quelques semaines plus tard, je suis tombĂ© sur Twitter sur le hashtag #AprĂšsJ20 lancĂ©e par une internaute. On a commencĂ© Ă Ă©changer entre nous avec un petit cercle de "twittos". Le cercle a grandi considĂ©rablement pendant le confinement. C'Ă©tait tous des gens comme moi, des gens qui se savaient atteints du Covid mais nâavaient pas pu faire de PCR pour le confirmer. Ils avaient tous plus ou moins les mĂȘmes symptĂŽmes revenant par vagues. Les anglais appellent ça des "roller coasters". Tu crois que tu vas mieux et bam, tu rechutes.
Ce qui est terrible avec cette maladie c'est que personne ne te croit. Ma mĂ©decin, que je connais depuis longtemps, mâassurait au dĂ©part que ce nâĂ©tait pas le Covid. Ce nâest quâau 3e rendez-vous quâelle a fini par penser que jâavais bien Ă©tĂ© infectĂ©e par le virus. Elle mâa envoyĂ©e faire une sĂ©rologie fin mai. RĂ©sultat : nĂ©gatif⊠J'ai pleurĂ© quand j'ai reçu le rĂ©sultat. Je suis persuadĂ©e dâavoir eu le Covid mais rien ne le prouve officiellement. Il y aura toujours un doute dans les yeux de mes interlocuteurs. Un biologiste mâa expliquĂ© que jâavais fait la sĂ©rologie trop tard, les anticorps ont eu le temps de disparaĂźtre depuis mon infection en fĂ©vrier.
Dans notre groupe de patients « Covid long » sur Twitter, comme sur les groupes Facebook dĂ©diĂ©s, ils sont trĂšs nombreux dans ma situation, dĂ©sespĂ©rĂ©s de ne pas avoir de sĂ©rologie positive. Beaucoup ressentent un vrai sentiment dâinjustice. Nous sommes en train de monter une association des patients du « Covid Long ». Nous demandons une reconnaissance officielle, la possibilitĂ© dâavoir un arrĂȘt de travail longue durĂ©e et davantage de recherche autour de la maladie. Jâai parfois lâimpression quâon refuse de nous prendre en considĂ©ration car nous sommes les poils Ă gratter de la stratĂ©gie de lâimmunitĂ© collective. Notre existence rappelle que la Covid, ce n'est pas ce que vous croyez. Ce ne sont pas "juste" des morts et des gens en rĂ©a. Il y a aussi Ă©normĂ©ment de gens quâon ne voit pas et qui traĂźnent des symptĂŽmes au long cours. »